Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
L'histoire de ta mère est aussi celle de ta grand-mère et de ton arrière grand-mère. Ainsi que ta grande-tante. Leur destin était entrecroisé... Elles illustrent à la perfection ce que nous appelons la fatalité, en Grèce. Celle-ci est bien souvent le fait de nos ancêtres, et non des étoiles. Lorsque nous évoquons l'Antiquité, nous nous référons toujours au destin, mais nous ne parlons pas réellement d'une force incontrôlable. Bien sûr, certains événements capitaux semblent se produire sans raison et bouleverser le cours d'une vie, mais, en vérité, notre destinée est déterminée par les actions de ceux qui nous entourent et de ceux qui nous ont précédés.
Maria retira ses ballerines pour monter sur une chaise branlante et remarqua aussitôt une marque étrange sur son pied nu. Son cœur marqua un battement. On aurait dit qu'elle s'était brûlé l'orteil au soleil et que sa peau en pelant avait laissé une tache de dépigmentation. Il n'y avait peut-être aucune raison de s'alarmer pourtant l'angoisse commençait à la ronger.
En vacances en Crète avec son copain Ed, Alexis, une jeune anglaise archéologue, s'interroge sur sa vie et ses origines familiales.
Peu de temps avant de partir, elle a demandé à Sophia, sa mère, l'autorisation de se rendre dans son petit village natal situé sur la côte nord de l'île. Cette dernière, bizarrement, ne lui a jamais parlé de son enfance, ni de ce village natal, ni de sa famille...et la petite Alexis a cessé depuis bien longtemps de l'interroger à ce sujet.
A contre-coeur, Sophia lui a remis une lettre et une adresse, celle de Fotoni, une amie de la famille, mariée à l'aubergiste du village de Plaka, censée lui en apprendre davantage sur ses origines.
Lorsque Alexis décide de s'y rendre après deux semaines de farniente avec Ed à La Canée, une station touristique du bord de mer, ce dernier ne comprend pas cet intérêt soudain pour sa famille. Malgré sa mauvaise humeur, la jeune femme décide de prendre tout son temps durant cette escapade, ce qui lui permettra de réfléchir à leur relation de couple...
Dès l'arrivée dans le petit village côtier, à l'heure de la sieste, elle décide de commencer la visite des lieux par la petite île de Spinalonga, poussée par une curiosité naturelle et professionnelle.
En songeant qu'elle était seule sur Spinalonga, Alexis se sentit gagnée par une vague de peur... Elle n'avait jamais connu un tel isolement, se retrouvant rarement à plus de quelques mètres d'un autre être humain et, à l'exception des moments où elle dormait, n'étant jamais privée de tout contact extérieur pendant plus d'une heure. Son absence d'indépendance lui apparut soudain comme une chaîne, et elle se secoua.
Dans cette île, des centaines de lépreux ont vécu de 1903 à 1957, retirés du monde et comme "oubliés" par la société de l'époque. Elle découvre avec stupeur, des vestiges et une ambiance qu'elle n'aurait jamais imaginé.
Dès son retour, troublée, elle prend contact avec Fotini et son mari, Stephanos chez lesquels elle est accueillie chaleureusement.
Elle n'ose dire à Fotini que sa mère ne lui a jamais parlé ni de Plaka, ni de sa famille mais la vieille femme, qui a été l'amie de sa grand-mère va lui faire des révélations surprenantes, auxquelles la jeune femme ne s'attendait pas du tout...
-Ma mère s'est toujours montrée très secrète sur sa jeunesse, dit-elle. Je sais seulement qu'elle est née près d'ici et a été élevée par son oncle et sa tante...
Et qu'elle est partie l'année de ses dix-huit ans pour ne jamais revenir.
- C'est vraiment tout ce que tu sais ? s'étonna Fotini. Elle ne t'a rien raconté d'autre ?
Alexis va comprendre quel terrible destin la lie à l'île de Spinalonga, qui était la merveilleuse Maria, dont Sophia garde une photo de mariage, et pourquoi sa mère a rompu si violemment avec son passé, au point de ne jamais lui en parler.
En effet, Eleni sa grand-mère, a été une des habitantes de l'île...
Eleni aurait pu prédire en tous points le comportement de ses filles. Anna, l’aînée, lunatique depuis toujours, ne dissimulait jamais ses sentiments. Maria, quant à elle, plus calme et patiente, perdait ses moyens avec moins de facilité. Fidèle, chacune, à son caractère, Anna avait davantage laissé paraître sa peine que Maria au cours des jours précédents, et elle n’avait jamais autant démontré son incapacité à contrôler ses émotions que ce matin-là. Elle avait supplié sa mère de ne pas partir, l’avait conjurée de rester, à grand renfort de cris courroucés et de cheveux arrachés. Maria, en revanche, avait pleuré en silence d’abord, puis à gros sanglots déchirants que l’on entendait de la rue. Elles en arrivèrent finalement toutes deux au même point, rendues muettes par l’épuisement.
Ce roman, dont j'avais jusqu'à présent repoussé la lecture, est une parfaite lecture de vacances.
C'est suite au voyage de Cathyrose en Crète, ce mois de mai dernier et à ses multiples reportages-photos sur son blog, que j'ai été tentée de me plonger dans cette lecture, dont elle nous a souvent parlé.
Le roman alterne entre la vie à Plaka et sur l'île de Spinalonga.
C'est un roman facile à lire et émouvant, qui sait alterner le pathos et des moments plus légers. Le style est clair et simple, et la construction, même si elle présente quelques retours en arrière dans le temps, est parfaitement compréhensible. L'intrigue est très romanesque et empreinte de mystères, juste ce qu'il faut pour en apprécier la lecture et le déroulement, avoir envie de tourner les pages et s'attacher aux personnages (ou les détester...).
C'est un roman qui bien sûr nous parle de l'histoire de la Crète, de la vie quotidienne, des fêtes et des traditions du début du XXe siècle, une période où les croyances et la religion étaient encore très présentes.
Il nous parle en particulier de l'histoire de la lèpre, cette terrible maladie qu'on soigne très bien aujourd'hui, mais qu'on ne savait pas soigner en ce temps-là et qui était si contagieuse, qu'elle provoquait chez ceux qui n'en étaient pas atteints un rejet immédiat, obligeant les malades à se retirer du monde et à vivre exclus jusqu'à leur mort, dans des souffrances terribles.
J'ai trouvé que d'ailleurs l'auteur abordait remarquablement bien ce problème du rejet et de l'exclusion. Et je crois que c'est cela qui m'a plu dans ce roman.
J'ai appris beaucoup de choses sur les différentes formes que peut prendre cette maladie qui n'est pas toujours aussi invalidante que ce qu'on imagine.
J'ai donc passé un bon moment de lecture sans toutefois être subjuguée car bien sûr, j'ai deviné à l'avance pas mal de chose...
De plus, tout ce qui touche à Alexis dans sa vie d'aujourd'hui et en particulier ses petits problèmes de couple, m'a laissé totalement de marbre et je suis même surprise qu'une jeune femme ayant son intelligence et sa finesse n'ait pas cherché à en savoir plus, plus tôt, sur ses origines. Mais bon, il fallait bien que l'histoire commence par un mystère.
Ce roman est bâti pour émouvoir et même faire pleurer dans les chaumières... D'ailleurs je pense qu'il correspond bien à notre sensibilité féminine, ce qui ne veut pas dire que les messieurs ne peuvent pas le lire.
Donc d'après moi, pour l'apprécier vraiment, il faut : être en vacances, avoir envie d'une lecture facile mais émouvante, aimer les secrets de famille et les sagas familiales (sans forcément être adepte des séries télé sur ce thème !), être capable d'imaginer le cadre magnifique de l'histoire, sans oublier que l'île de Spinalonga, malgré les jolies descriptions faites par l'auteur, n'était sans doute pas du tout aussi paradisiaque à cette époque que l'auteur le laisse entendre...
Ce roman, considéré comme un best-seller a été traduit dans 25 pays et a reçu le Prix des Lecteurs FNAC en 2013.
Il a également fait l'objet d'une série télévisée très populaire en Grèce.
Libérée de son point d'amarrage, la corde se déroula d'un mouvement vif, et des gouttelettes d'eau de mer aspergèrent les bras nus de la jeune femme. Elles séchèrent rapidement, et celle-ci remarqua que, sous le soleil de plomb qui brillait dans un ciel limpide, les cristaux de sel dessinaient des motifs complexes et scintillants sur sa peau, comme un tatouage de diamants. Alexis était l'unique passagère de la petite barque délabrée. Tandis qu'au son du moteur haletant elle s'éloignait du quai pour rejoindre l'île déserte qui se dressait face à eux, elle réprima un frisson, songeant à tous ceux et toutes celles qui s'y étaient rendus avant elle.
Spinalonga. Elle joua avec le mot, le fit rouler sur sa langue comme un noyau d'olive. L'île n'était pas loin et, quand l'embarcation approcha de l'imposante fortification vénitienne adossée à la mer, Alexis fut submergée à la fois par le poids du passé et par la sensation écrasante que ces murailles conservaient, aujourd'hui encore, une force d'attraction.