Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Le pire, dans l’enfance, c’est de ne pas savoir que les mauvais moments ont une fin, que le temps passe. Un instant terrible pour un enfant plane avec une sorte d’éternité, insoutenable. La colère de ma mère s’étirait à l’infini, une rage à laquelle nous n’échapperions jamais.
C’est vrai. Ça n’a aucun sens. Bienvenue dans le monde adulte, tu y entreras bientôt. Je travaille pour pouvoir travailler davantage. J’essaie de ne rien désirer dans l’espoir d’obtenir quelque chose. Je m’affame pour être moins et plus. J’essaie d’être libre pour pouvoir être seule. Et tout ça n’a aucun intérêt. Cette partie là, ils ont oublié de la préciser.
J'ai beaucoup de livres à vous présenter, car la canicule de ces derniers jours, nous a obligé à stopper nos travaux de peinture et autres (!) et donc, j'ai passé beaucoup de temps à lire durant ces longs après-midis, enfermée dans la maison derrière les volets croisés...
Ceux du sud comprendront !
Comme je sais que certains d'entre vous ne lisent pas autant que moi, je continuerai à vous présenter toutes mes lectures d'été, en alternance avec des articles plus légers sur les visites de mes dernières vacances, entre autre...
Le roman que je vous présente aujourd'hui n'est pas du tout ce que l'on peut appeler une lecture de vacances...
Caitlin, douze ans, vit seule avec sa mère dans un quartier pauvre de Seattle. Sheri travaille sur les docks, souvent tard le soir, car il faut qu'elle fasse fréquemment de nombreuses heures supplémentaires. C'est un boulot qu'elle déteste et qui l'épuise, mais lui permet de pouvoir joindre les deux bouts.
Aussi Caitlin est souvent seule le soir et se rend chaque jour à l'aquarium de Seattle dès qu'elle sort de classe. Pour elle c'est un refuge, un endroit où elle peut imaginer une autre vie.
En effet, là-bas, en regardant les poissons et autres animaux marins, elle se sent apaisée. Elle est fascinée par ce qu'elle observe et découvre sur les animaux. Elle peut y rester des heures à rêver...
Un jour, elle rencontre par hasard un vieil homme qui, comme elle, vient tous les jours à l'aquarium. Il devient peu à peu son confident.
Mais la vie de Caitlin bascule le jour où celui-ci lui propose de rencontrer sa mère.
Sheri prend peur, quand elle découvre cette amitié, pensant tout d'abord à un pédophile puis l'évidence lui saute aux yeux. Ce vieil homme est son père, disparu depuis des années. Il l'a en effet lâchement abandonné, alors qu'elle n'était qu'une toute jeune adolescente, et que sa mère était gravement malade, la faisant passer sans détour dans le monde des adultes.
Le monde de Caitlin se fissure de toute part au fur et à mesure que sa mère perd les pédales et que le passé douloureux remonte à la surface.
Mais Caitlin s'entête et veut continuer à voir celui qui est donc son grand-père.
Seule, son amie Shalimi lui apporte un peu de réconfort et une histoire d'amour entre les deux jeunes filles, va naître au coeur de la débâcle...
On peut choisir ceux avec qui l'on va passer sa vie, mais on ne peut pas choisir ce qu'ils deviendront.
Que sommes nous tenus de rembourser pour ce qui s'est déroulé avant nous, dans les générations passées ?
Comme toujours David Vann nous offre une lecture douloureuse et éprouvante.
Dès les premières pages, pourtant légères, la tension est palpable et le lecteur s'attend au drame...
L'auteur est en effet le spécialiste des relations familiales compliquées. Il n'a pas son pareil pour faire ressortir la violence et la cruauté que nous avons en chacun de nous et que notre éducation nous a permis d'enfouir au plus profond de nous-même.
Comment se forme une famille ?
Quelles sont les relations entre ses différents membres ?
Comment peut-on échapper au passé familial ?
Le pardon est-il possible, quand les mots importants n'ont jamais été prononcés, quand le silence et l'absence n'ont pas permis d'expliquer le manque d'amour et l'abandon ?
Guérit-on un jour des traumatismes de l'enfance ?
Ce roman m'a beaucoup touché car la petite Caitlin est une adolescente très intelligente, mais fragile. Les événements vont devenir traumatisants pour elle qui avait été, jusqu'à présent, relativement protégée par sa mère.
C'est d'ailleurs la relation mère-fille qui est au centre du roman, mais aussi les séquelles de la guerre, les traumatismes de l'enfance, la culpabilisation, l'impossibilité de revivre le passé et de revenir en arrière pour pouvoir tout recommencer, la souffrance et le manque affectif...
On sent que l'auteur parle de son propre vécu. Pour ceux qui le connaissent, sachez que ce roman est plus soft que d'autres titres de l'auteur, mais l'envie de tourner les pages pour en savoir plus, et la tension y sont poussées à l'extrême et il est tout de même d'une grande violence psychologique.
De temps en temps, au fil des pages, le dessin d'un poisson exotique, donnera un peu de légèreté à l'ensemble.
C'est difficile pour moi de conseiller ce livre bien que je pense que c'est un excellent roman. En effet, pour moi, un bon roman c'est celui qui provoque chez ses lecteurs de l'émotion et celui-là en effet en provoque, je vous l'assure !
Cependant, je dirais comme pour les précédents titres de l'auteur, la formule qui est devenue classique dans ces cas-là : "âmes trop sensibles, s'abstenir !"
Vous trouverez présentés sur ce blog...
Son premier roman "Sukkwan Island" traduit en français, qui a été couronné par le Prix Médicis en 2010...
Sukkwan Island de David Vann - Dans la Bulle de Manou
PRIX MEDICIS étranger en 2010. Je ne savais pas que ce roman avait eu un prix lorsque je l'ai emprunté en bibliothèque. Sinon je me serai peut-être méfiée et je serai alors passée à côté ...
Ainsi que"Goat Mountain" que j'avais trouvé quasi insoutenable lors de la lecture...ce qui m'avait fait dire que je ne lirai plus rien de cet auteur !
Et pourtant, j'ai encore une fois changé d'avis en lisant la quatrième de couverture d'"Aquarium".
Ça vous étonne ?!
Goat Mountain / David Vann - Dans la Bulle de Manou
Quatrième de couverture "Automne 1978, nord de la Californie. C'est l'ouverture de la chasse sur les deux cent cinquante hectares du ranch de Goat Mountain où un garçon de onze ans, son père, s...
http://www.bulledemanou.com/2016/01/goat-mountain-david-vann.html
Tout est possible avec un parent. Les parents sont des dieux. Ils nous font et nous détruisent. Ils déforment le monde, le recréent à leur manière et c'est ce monde-là qu'on connaît ensuite, pour toujours. C'est le seul monde. On est incapable de voir à quoi d'autre il pourrait ressembler.