Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
À l'école primaire, une insulte infâme était d'être traité d'intello ; plus tard, être un intellectuel devient presque une qualité. Mais c'est un mensonge : l'intelligence est une tare.
Je vous ai déjà parlé de ce roman à deux reprises sur ce blog...parce qu'il est pour moi incontournable et qu'il me rappelle d'excellent souvenirs...
La première fois, c'était dans une bibliographie que j'ai mis en ligne l'année dernière, sur le thème des romans d'humour pour ados, et la seconde, lorsqu'une troupe de théâtre que les lyonnais doivent bien connaître, la Nième Compagnie, m'a gentiment invité à aller voir la pièce de théâtre qui se jouait à Paris et en tournée et que vous vous en doutez, je n'ai pas pu aller voir.
Or ce roman de Martin Page, il se trouve que je le connais depuis sa sortie en l'an 2000, année où je travaillais dans un lycée professionnel.
Nous faisions alors chaque année, avec une enseignante de français, un atelier de "critique littéraire en herbe" et la libraire du coin sélectionnait des livres pour les soumettre à cette classe de carrossier, comme vous vous en doutez, une classe où peu d'élèves aimait la lecture de gros pavés.
De nombreux débats ont eu lieu autour de ce petit roman et il a été lu par tellement de jeunes que j'ai dû en acheter plusieurs exemplaires...C'est vous dire !
Voilà pourquoi ce petit livre me rappelle de bons souvenirs...
Parmi les cadeaux que le père noël a mis dans mes petits souliers, ce livre est arrivé par la poste, envoyé par quelqu'un que j'aime beaucoup (et que je remercie encore ici) et qui se reconnaîtra, alors que j'étais en vacances en Auvergne. Comme certains d'entre vous le savent, je suis partie bien avant noël et pendant plus de dix jours. C'est à mon arrivée que je l'ai trouvé qui m'attendait bien sagement dans son enveloppe, posée sur ma table basse par mon adorable voisine qui était venue s'occuper de mes chattes...et rentrer mon courrier.
Bien sûr j'ai eu envie de le relire, non sans avoir remercié l'expéditrice par le formulaire de contact de son blog (car je n'avais pas son mail, la cachottière) et en lui envoyant de petites choses que j'avais préparé moi aussi pour elle, et puis... vous vous en doutez, j'ai pris tout mon temps pour le savourer !
-Pourquoi n'as-tu plus d'amis?
-Ils ont moisi. Je n'avais pas remarqué qu'ils avaient une date de péremption.
Bien sûr, il y a des gens qui auront lu Freud, Platon, qui sauront jongler avec les quarks et faire la différence entre un faucon pèlerin et une crécerelle, et qui seront des imbéciles. Néanmoins, potentiellement, en étant en contact avec une multitude de stimulations et en laissant son esprit fréquenter une atmosphère enrichissante, l'intelligence trouve un terrain favorable à son développement...
Le héros du livre s'appelle Antoine et a 24 ans. C'est un jeune homme intelligent pour ne pas dire brillant, mais qui se sent très seul...
Bardé de diplômes dont certains, il faut bien l'avouer, sont complètement inutiles, il réalise que l'intelligence ne fait pas le bonheur, en tous cas le sien.
Alors il va essayer de changer de vie et surtout d'arrêter de penser. Car c'est en fait sa trop grande lucidité qui lui joue des tours, cette façon qu'il a de toujours tout décortiquer et tout analyser...
Enfant, son ambition avait été de devenir Bugs Bunny, puis plus tard, plus mature, il avait voulu être Vasco de Gama. Mais la conseillère d'orientation lui demanda de choisir des études qui figuraient sur les documents du ministère.
Il songe à devenir alcoolique mais tombe dans un coma éthylique au premier verre : il ne supporte pas l'alcool et puis ne devient pas alcoolique qui veut...
Il s'intéresse au suicide, mais finalement en déduit que la mort ne l'intéresse pas. Car s'il reconnaît qu'il ne désire plus vivre, il ne désire pas non plus mourir.
Alors il décide, vous l'avez deviné... de devenir stupide.
Faut-il avoir recours à une lobotomisation ? une indigestion de télévision ? la fréquentation d'une salle de sport ?
Je n’ai jamais été sportif ; les dernières compétitions importantes qui ont fatigué mes muscles sont les concours de billes à l’école primaire dans la cour de récréation. Mes bras, mon souffle court, mes jambes lentes ne me permettaient pas de faire les efforts nécessaires pour taper dans une balle avec efficacité ; je n’avais que la force de fouiller le monde avec mon esprit. Trop chétif pour le sport, il ne me restait que les neurones pour inventer des jeux de balles. L’intelligence était un pis-aller.
Il choisit de changer de métier pour devenir un "sale con". L'idéal est de travailler dans une société de courtage et de prendre deux petits cachets d'Heurozac qui vont lui permettre de s'empiffrer de BigMac, de s'installer dans un loft branché, et d'acheter une grosse voiture... sans culpabiliser ni se poser aucune question.
Mais deviendra-t-il heureux pour autant ?
Ne comptez pas sur moi pour vous décrire en détails, les mille péripéties vécues par notre jeune Antoine. Cet anti-héros, très attachant saura vous surprendre.
Dans ce roman, où l'auteur explore les travers multiples de notre société dans laquelle toute personne sortant de la norme est rejetée, vous trouverez matière à réfléchir en toute légèreté...car il est à la fois drôle et profond.
C'est un petit roman très court (124 pages exactement) qui vous fera passer un agréable moment, mais un roman intelligent car tout le monde en prend pour son grade. J'ai beaucoup ri !
J'invite les enseignants à faire lire cet auteur talentueux à leurs élèves, car avec un accompagnement il peut être lu dès la troisième...et donc bien sûr au lycée.
Tout le monde a des choses à dire sur les femmes, les hommes, les flics, les assassins. Nous généralisons à partir de notre propre expérience, de ce qui nous arrange, de ce que l'on peut comprendre avec les faibles moyens de nos réseaux neuronaux et suivant la perspective de notre vision. C'est une facilité qui permet de penser rapidement, de juger et de se positionner.