Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
J'ai emprunté ce roman en médiathèque car Yv, dont je visite souvent le blog me l'avait conseillé suite à ma petite déception, à la lecture du roman d'Henning Mankel "Les chaussures italiennes".
Il est vrai que le thème de celui-ci m'interpelle davantage, et que je n'ai eu aucune difficulté à entrer dans le vif du sujet, ce qui me donne envie de continuer à découvrir cet auteur.
Allongée, les yeux fermés, sur le lit de camp inconfortable, elle laissait ses pensées remonter doucement à la surface. A quoi ressemblait sa vie ? Au milieu de toute cette confusion, elle avait un point de repère, un seul. Elle était enfermée dans un camp de rétention du sud de l'Espagne après avoir eu la chance de survivre alors que presque tous les autres s'étaient noyés, tous ceux qui avaient embarqué à bord du bateau pourri qui devait les amener là depuis l'Afrique...
Voici l'histoire...
Quelque part dans un camp de transit espagnol, les migrants attendent d'avoir l'autorisation d'entrer en Europe.
Parmi eux "Tea-bag" qui vient du Nigéria et a miraculeusement échappé au naufrage du bateau sur lequel elle, et de nombreux autres clandestins, avaient embarqué. Là elle tente de se reconstruire et d'oublier les cris de ceux qui, enfermés dans la cale, ont péri noyés...
Elle décide de se sauver pour rejoindre la Suède dont un journaliste lui a parlé...et après un long périple la plupart du temps à pied, que le lecteur découvrira peu à peu, elle arrive à ses fins épuisée mais emplie d'espoir.
Mais la Suède est-il vraiment le pays de la liberté ?
Le lecteur la retrouve dans une banlieue de Göteborg où elle tente de survivre comme le font Tania, qui a franchi la Baltique à la rame et Leïla, arrivée d'Iran alors qu'elle n'était qu'une enfant...à moins que ce soit Tatiana ? ou Irina ?
Leur chemin va croiser celui de Jesper Humlin, un poète désabusé qui au lieu de parler de ses poèmes va tenter de les faire écrire sur leur vie, sur leurs espoirs et leurs rêves.
Je ne sais pas pourquoi j'ai survécu, moi précisément,quand le bateau a coulé et que les gens enfermés dans le noir essayaient de sortir de la cale avec leurs ongles. Mais je sais que le pont que nous avons tous cru voir, sur cette plage tout au nord de l'Afrique, ce continent que nous fuyions et que nous regrettions déjà- ce pont sera construit un jour. Un jour, la montagne de corps entassés au fond de la mer s'élèvera si haut que le sommet émergera hors des vagues comme une nouvelle terre, et ce pont de crânes et de tibias fera le lien entre les continents, un lien qu'aucun garde-côte, aucun chien, aucun marin ivre mort, aucun passeur ne pourra détruire. Alors seulement cette folie cruelle cessera, cette folie où des gens innombrables qui fuient pour leur vie sont contraints de s'enterrer dans des sous-sols et d'être les hommes des cavernes de l'ère nouvelle.
Jesper Humlin est un écrivain et poète superficiel, dominé par les deux femmes de sa vie, sa compagne qui veut des enfants et menace de le quitter, et sa mère trop fantaisiste qui le tyrannise.
Il ne s'intéresse qu'à son bronzage et à ses actions, mal placées en bourse sur les conseils d'un ami. Ses relations avec son entourage sont plutôt conflictuelles et on ne peut pas dire que la patience et l'écoute soient son fort.
Mais le jour où il découvre la vie de ces jeunes immigrés, c'est un choc pour lui, un véritable choc culturel, mais aussi un choc social : il existe donc une Suède souterraine dont il ne soupçonnait même pas l'existence...
Bien sûr, intéressé comme il est, il a d'abord envie de faire parler les jeunes femmes pour pallier son manque d'inspiration, d'autant plus que son éditeur, soucieux de rentabilité, le harcèle pour qu'il écrive un polar, ce qu'il n'a pas du tout l'intention de faire.
Au départ, c'est difficile car les jeunes filles se jouent de lui...mais elles vont pourtant finir par se livrer.
Réussira-t-il pour autant à écrire son roman ?
C'est un roman qui se lit facilement même si le héros principal, encore une fois, est un homme vraiment peu sympathique. Mais il se bonifie au cours du roman ! Il va en particulier se remettre en question quant il découvre la tragédie des immigrés, une tragédie toujours brûlante d'actualité.
J'ai été touchée à la lecture des témoignages des jeunes filles, même si je les ai trouvé parfois un peu trop caricaturaux.
Mais pourtant, encore une fois ce roman me laisse sur ma faim !
Est-ce la superficialité du héros qui n'arrive pas à me convaincre ?
Est-ce la lourdeur de certains des personnages secondaires ?
C'est vrai que ce roman est un hommage à ces hommes et ces femmes qui n'hésitent pas à quitter leur pays et se retrouvent au mieux, clandestins pour toujours dans un pays qui ne les voient même pas.
Mais d'un autre côté, j'aurai aimé y trouver davantage de profondeur...
Jamais contente Manou en ce moment.
C'est pas de moi !
Je crois que personne ne comprend vraiment ce que cela signifie d'être en fuite. Être contraint à un moment donné de se lever, de tout quitter et de courir pour sa vie. Cette nuit-là, quand je suis partie, j'avais la sensation que toutes mes pensées, tous mes souvenirs pendouillaient derrière moi comme un cordon ombilical sanguinolent qui refusait de se rompre alors que j'étais déjà loin du village. Personne ne peut comprendre ce que c'est - à moins d'avoir été soi-même chassé, contraint de fuir des hommes ou des armes, ou des ombres qui menacent de tuer. La terreur nue, on ne peut pas la communiquer, on ne peut pas la décrire. Comment expliquer à quelqu'un l'effet que ça fait de courir droit devant soi, en pleine nuit, pourchassé par la mort la douleur, l'avilissement ?