Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Aujourd'hui je vous propose un petit retour en arrière pour vous raconter l'histoire du célèbre Savon de Marseille.
Car j'ai réalisé qu'hier, je vous avais certes parlé de sa fabrication artisanale, et fait découvrir La Savonnerie Marius Fabre de Salon-de-Provence, mais finalement je n'avais pas abordé du tout l'histoire, à proprement parlé (sans jeu de mots) du savon...
L'histoire du savon de Marseille traverse les siècles...et dans ses origines rejoint celle du savon d'Alep (qui est parfumé aux baies de laurier).
Le savon est le produit d'un alcali (un sel extrait de cendres) avec un corps gras.
Dès l'Antiquité, on retrouve trace des premières recettes d'émulsions à base de graisse, d'eau et de cendres. PLINE l'Ancien en donnait déjà la composition : il parle d'une pâte élaborée à partir de cendres de hêtre et de suif de chèvre...
Pendant longtemps en Orient, les arabes aussi se servaient de graisses animales.
Mais à partir du VIIIe siècle, ils remplacent peu à peu les produits animaux par de l'huile d'olive, qui seule donne un savon à la consistance ferme, à l'odeur agréable et aux usages multiples...
On pense que la recette à base d'huile d'olive a probablement été introduite en Europe par les Croisés lors de leur voyage en Orient.
Dès le Moyen Âge, le savon sera utilisé pour laver le linge et l'hygiène corporelle.
C'est donc à cette date, que la Provence devient une région propice à la fabrication du savon.
A cette époque, il y a trois villes importantes qui fabriquent du savon en Provence.
Le premier fabricant de savon de la région est bien sûr Marseille, vu l'expansion de son port, et puisque c'est cette ville qui a donné son nom au savon !
Il y aussi Salon-de-Provence, lorsque la ligne de chemin de fer est construite, et enfin Toulon.
Tous les ingrédients indispensables, qui entrent dans la composition du savon, se trouvent facilement en Provence.
Il faut en effet :
- du sel et il y en a en Camargue.
- de l'huile d'olive. Jusqu'au XVIIIème siècle, les oliviers foisonnent dans la région et suffisent à la production du savon, à la consommation en huile d'olive des ménages et des conserveries locales. Ensuite il faudra importer de l'huile d'olive d'Espagne, d'Italie et des colonies.
En fait, ce n'est pas de l'huile d'olive de première pression à froid qui est utilisée en savonnerie : elle est réservée pour l'alimentation. On utilise l'huile de grignons, une huile de deuxième catégorie, obtenue grâce à un broyat des noyaux et de la pulpe d'olives.
Au XIXème siècle, l'huile de coprah (extraite des noix de coco) et l'huile de palme (extraite du palmier à huile) arrivent des colonies. Elles remplaceront peu à peu, mais toujours à faible proportion, l'huile d'olive dans le savon.
- enfin, il faut de la soude...
La plante dont est extraite la soude, pousse abondamment au bord de la mer et en particulier dans les salines de Camargue. Elle doit être d'abord réduite en cendres pour former du carbonate de soude, avant de pouvoir être utilisée.
Louis XIV institutionnalise le savon de Marseille en fixant ses règles de fabrication, ce qui en même temps que le développement du trafic maritime, permet au savon de Marseille d'acquérir une renommée mondiale.
L'Edit de Colbert impose même un tampon pour éviter les fraudes.
En 1791, le chimiste Nicolas Leblanc arrive à extraire la soude à partir du sel marin. Cette découverte révolutionne la fabrication du savon. Plus besoin de la plante ni de la longue préparation nécessaire pour obtenir la soude.
Il faudra attendre le seconde partie du XIXème siècle et les progrès en matière d'hygiène et de transport, pour que les villes de Marseille et de Salon-de-Provence s'enrichissent grâce aux savonniers et aux entreprises périphériques.
Après la Seconde Guerre Mondiale, la période faste connaît un déclin lié à la fin du colonialisme d'une part, mais surtout à l'apparition des détergents industriels censés apporter plein d'avantages aux ménagères...
Les années 70 voient apparaître au contraire un regain d'intérêt pour ce produit économique, biodégradable et excellent à la santé qui se poursuit aujourd'hui.
Des 108 savonneries qui existaient encore à Marseille en 1924, il n'en reste plus que trois aujourd'hui.
Et sur les 14 qui se trouvaient à Salon-de-Provence, il n'en reste plus que deux.
A nous de les préserver...
Demain, je vous fais entrer au Musée et après-demain je vous emmène balader dans le quartier des savonniers afin de vous faire visiter leurs belles demeures... si vous le voulez bien !
C'est ma semaine culturelle :)