Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Sebastian von Eschburg est originaire d'une famille aisée qui appartient depuis des générations à l'aristocratie et a donné son nom au village d'Eschburg-le-Château, situé entre Salsbourg et Munich.
Il habite dans le superbe manoir construit au XVIIIe siècle par ses ancêtres, où sa mère élève des chevaux.
Personne ne s'occupe réellement de lui : sa mère s'adonne à sa passion et son père travaille, se saoûle ou passe son temps dans son bureau et à ses parties de chasse.
A dix ans, Sebastian est envoyé en pension en Suisse, là où tous ses ancêtres ont fait leurs études secondaires.
Un été, alors qu'il est venu passer ses vacances chez ses parents, son père se suicide et c'est le jeune Sébastian qui découvre découvre son corps.
Sebastian s'était assoupi dans le fauteuil. Quand il entendit la détonation, il dévala les escaliers dans la pénombre, traversa en toute hâte le vestibule du rez-de-chaussée, trébucha, se meurtrit le genou, fila sans désemparer le long du couloir qui conduisait au bureau de son père. Il ouvrit brusquement la porte...
"Nous avons encore le temps" lui avait dit son père.
Sa mère nie le suicide et lui parle d'un terrible accident.
Sebastian va s'enfermer dans son imaginaire. Il a depuis l'enfance un don particulier pour percevoir les couleurs...c'est ce qu'on appelle la synesthésie, une perception particulière qui lui fait voir le monde différemment des autres.
Sa mère ne va avoir qu'une hâte c'est de vendre la demeure et de refaire sa vie, ce qu'elle fait quand Sebastian atteint ses 16 ans.
Sebastian qui s'entend mal avec son beau-père va essayer d'oublier son enfance , la mort brutale de son père et le manoir où il adorait vivre, en se plongeant dans l'art.
Il se consacre alors à la photographie et suit une formation chez un photographe célèbre, avant d'ouvrir son propre studio à Berlin.
Il travaille beaucoup sur la beauté et photographie de nombreux artistes, mais il montre aussi la solitude des hommes et n'a rien contre un peu de sexe, puisqu'il photographie aussi beaucoup de nus, dont Sofia sa maîtresse, qui semble être la seule à le comprendre.
Ses photographies sont très originales : elles montrent que vérité et réalité sont deux choses totalement différentes et en sont même effrayantes.
Mais cela plaît et il devient célèbre a seulement 25 ans.
Tout bascule alors qu'il est au sommet de sa gloire... le jour où Sebastian est accusé d'avoir tué une jeune femme dont on a retrouvé des traces de sang dans sa voiture et qui aurait appelé les secours alors qu'elle se trouvait enfermée dans la malle.
Le policer chargé de l'interrogatoire le menace, tandis que le procureur Monika Landau se retrouve au cœur de l'affaire. Malgré les preuves, aucun corps n'est retrouvé et l'identité de la victime reste inconnue.
Mais Sebastian avoue le crime...
Un interrogatoire est une entreprise bien délicate songeait Landau. Pourquoi le suspect passerait-il aux aveux , s'il réfléchit ne serait-ce qu'un instant, il s'apercevra qu'il n'a rien à y gagner. Un homme n'avoue qu'il a commis un crime que s'il a un bénéfice à en retirer...
Konrad Biegler, un célèbre avocat de Berlin accepte de se charger de sa défense, et de prouver l'innocence de son client, alors que lui-même est amoindri par un événement récent : il vient d'être victime d'un sérieux burn-out et se remet avec peine de sa dépression.
"- Je voudrais que vous me défendiez comme si je n'étais pas l'assassin.
- Comme si vous n'étiez pas l'assassin ? Qu'est-ce à dire ? Est-ce que c'est vous, oui ou non ?
-Est-ce si important ?"
C'était une bonne question. Et la première fois qu'un client la lui posait.
C'est un roman surprenant à bien des égards.
Est-ce un problème de traduction ? j'ai trouvé que la première partie manquait de fluidité.
C'est vrai que de nombreux événements se succèdent, mais l'alternance des rythmes ne facilite pas la lecture.
La description trop poussée de certains personnages qui ne s'avèreront d'aucune utilité ni pour l'histoire, ni pour l'ambiance, ainsi que certains détails m'ont même ennuyé.
Il en est de même pour tout ce qui concerne la technique photographique. Certes ces détails peuvent peut-être passionner un photographe, mais n'apportent rien au récit, ni à la résolution de l'affaire.
Ce qui est intéressant par contre, c'est la manière dont le personnage se plonge dans sa passion (la photographie) pour essayer d'échapper à la réalité du monde qui l'entoure. L'art est un refuge, la photographie lui permet de mettre une distance entre lui et le monde qui le fait souffrir, mais ne va pas suffire à le rendre heureux.
Le roman s'ouvre d'ailleurs sur une brève introduction mettant en scène Louis Daguerre, l'inventeur de la photographie, l'auteur montrant par là son intention de porter aussi une réflexion sur l'image, certes, mais surtout sur le regard du photographe.
Le suspense démarre réellement au niveau de la seconde partie lorsque le crime est révélé et le héros accusé. A partir de là, le lecteur veut connaître la vérité et n'aura de cesse de suivre les pérégrinations et les réflexions de l'avocat qui cherche à comprendre.
Est-ce vraiment la jeune demi-sœur de Sebastian qui a été assassinée ?
Mais là encore j'ai été déçue : l'avocat est un personnage sans aucune profondeur et le lecteur est même étonné qu'il réussisse à résoudre une telle énigme et à prouver l'innocence de son client. Là encore beaucoup de problèmes surgissent lors de la lecture.
L'histoire de la torture arrive comme un cheveu sur la soupe. Elle aussi n'est pas crédible dans la mesure où le policier n'était pas seul lors de l'interrogatoire. Comment le procureur a-t-il pu tolérer de telles menaces ? Ce fait est plus que surprenant !
Le fait que l'accusé ait semé un certain nombre d'indices sur sa route, avant son accusation, n'est absolument pas crédible non plus !
Mais le lecteur, en bon public, est prêt à oublier ce détail...ce qui lui permet même d'être surpris quand il découvre toute la vérité sur l'affaire.
Certains personnages sont totalement imaginaires alors que nous avons cru à leur existence et vice versa.
C'est à la fois amusant et déconcertant car cela nous interpelle sur la notion de vérité, de culpabilité, mais aussi de crime et sur notre propre façon d'anticiper les événements et de les imaginer.
Car vérité et réalité sont forcément deux notions bien différentes.
C'est ce que l'auteur a voulu nous montrer comme le ferait le regard porté par le photographe sur le monde.
Malgré le manque de fluidité de la première partie (122 pages / 224 ) qui empêche finalement le lecteur d'éprouver une quelconque empathie avec le héros, malgré le manque de crédibilité de l'histoire, j'ai finalement eu du plaisir à lire la seconde moitié du roman.
Pour moi ce n'est absolument pas un roman policier, car il n'y a pas véritablement d'enquête. L'avocat doit résoudre des énigmes dans une sorte de jeux de piste...que l'assassin présumé lui a laissé avant d'être inculpé.
Malgré l'originalité de la construction de l'histoire, je garde un avis mitigé sur ce roman mais je tiens à remercier les Éditions Gallimard et Masse critique de Babelio pour m'avoir permis de découvrir cet auteur et ce roman en avant-première de la Rentrée Littéraire 2016.
L'auteur est avocat de la défense au barreau de Berlin depuis 1994.
Il a déjà publié plusieurs ouvrages dont deux ont été traduits en français et ont reçu un succès international.
- Crimes et Coupables (nouvelles).
- L'affaire Collini.
Le présent roman paru en 2013 en Allemagne est traduit de l'allemand par Olivier Le Lay.