Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Voilà des années que pour nous rendre à Die dans la Drôme, nous traversons un village situé, pour ceux qui connaissent, entre Vercheny et Saillans et qui s'appelle Espenel.
Les habitants sont les espenélois et espenéloises.
Au Pont d'Espenel, au bord de la route, la Drôme reçoit un de ses affluents, la Roanne. Quelques maisons et un camping indiquent que le village est habité. Il y avait dans le temps, une gare à cet endroit.
Comme souvent dans les communes de bord de route, le vieux village se trouve éloigné de la départementale et nous oublions de prendre le temps de mettre le clignotant pour aller le visiter...à seulement un kilomètre de là !
C'est que nous avons fait finalement en ce début du mois d'août.
Cette petite commune ne comptait que 147 habitants en 2013 pour une superficie de la commune de 1506 hectares ! Or ce petit village est d'une importance capitale pour la région car il est situé au coeur du vignoble de la Clairette de Die.
Pour la petite histoire...
Le village d'Espenel était au Moyen Âge, un village fortifié avec une vue imprenable sur la vallée de la Drôme.
On y pénétrait par quatre portes qui permettaient d'accéder à des ruelles étroites (que l'on nomme dans la région des viols).
Il y avait 324 habitants en 1724 (source INSEE) donc davantage qu'aujourd'hui.
Au début du XXe siècle, la plupart des habitants travaillait, qu'ils soient propriétaires ou simples ouvriers agricoles, à la vigne ou à l'élevage des vers à soie, ou encore aux travaux des champs comme par exemple le ramassage des noix, de la lavande...
Mais voilà, cette vie tranquille et paisible a pris fin le 21 juillet 1944. Le village a été totalement détruit et brûlé par les nazis durant la Seconde Guerre Mondiale.
Pourquoi me direz-vous ?
Parce que comme beaucoup de villages de la Drôme de nombreux résistants, très actifs dans la région s'y cachaient...et la population entière soutenait le maquis.
Pour en savoir plus, n'hésitez pas à consulter le site du Musée de la Résistance en ligne ICI.
Ce soir-là, la colonne allemande remonte de Crest vers Die et le Vercors par la départementale 93. Accrochée au pont des Grands Chêneaux, entre Aouste et Blacons, elle est encore sur la défensive quand elle arrive par les deux rives de la Drôme chez nos amis de Saillans. Elle fouille les rues, et se dirige vers le détroit où les résistants placés sur les rochers de la rive droite et à la sortie du tunnel sur la rive gauche, déclenchent le tir avec des armes automatiques. C'est la bataille, les maquisards tirent et tiennent leurs positions, autant qu'ils le peuvent. Les Allemands appuyés par leur matériel et leurs petits avions de reconnaissance, gagnent du terrain. Ils incendient les fermes et les cabanons au fur et à mesure qu'ils progressent. Ils tuent les personnes qui tentent de fuir. Les Résistants se replient souvent dans des conditions périlleuses lorsque l'encerclement devient inévitable. Après plusieurs heures de lutte inégale, les Allemands qui ont déjà beaucoup tué, beaucoup brûlé, arrivent dans le village.
Aussitôt, dans le bruit des grenades et des fusils, s'allument les incendies. En quelques heures, la moitié des maisons sont en feu. En fin d'après-midi, un immense nuage de fumée plane sur la vallée. Un détachement de soldats allemands, resté sur place, achèvera au cours des jours suivants, de piller et de détruire ce qui n'a pas brûlé le premier jour. La rapidité des événements est telle, que les habitants quittent leurs maisons au dernier moment, emportant avec eux de menus objets et la dernière vision du village debout. Les femmes, les enfants, les personnes âgées, se réfugient dans les cabanons de Barbou, des Prés, des Peyrouses, à proximité des bois et de la montagne. La nuit venue, et les nuits suivantes, quelques hommes volontaires et courageux, s'approchent des ruines fumantes, en évitant les sentinelles Allemandes et viennent secourir les blessés...
Texte écrit par Suzanne Bompart et André Brun
En 1999, un mémorial a été construit et inauguré au bord de la départementale à la hauteur du Pont d'Espenel.
Les habitants rescapés ont bien sûr reconstruit le village.
La vie depuis a bien changé...
Mais sur les côteaux, il y a toujours des vignes cultivées par six vignerons passionnés qui permettent de faire vivre le lieu et de participer à la fabrication de la fameuse "Cuvée impériale" de la Clairette de Die qui fait la renommée de la région.
Il y a aussi quelques vestiges des travaux anciens...
Le vieux village a été reconstruit peu à peu dans les années 60. Certaines constructions sont encore en cours de rénovation.
De là-haut (à 400 mètres environ d'altitude), la vue sur la vallée de la Drôme est magnifique. On aperçoit aussi les contreforts du Vercors et les montagnes de la régions de Saoû.
Le temple datant de 1848 a été entièrement rénové.
Depuis, il sert de salle d'exposition (ou de concert) attirant ainsi quelques touristes. Pendant que nous y étions, il y avait une exposition de peinture et sculpture de Hans Van Kooten intitulée "Pigment".
De nombreuses maisons du village sont habitées en permanence et un ramassage scolaire est même organisé pour conduire les enfants scolarisés à Saillans.
D'autres maisons sont des résidences secondaires qui ne s'ouvrent plus qu'en été...ou occasionnellement.
Quelques jolies portes fermées...et escaliers déserts, mais non moins charmants.
Une jolie fontaine à trois bassins...
Mais ne vous y trompez pas, il y a des habitants...
La preuve !
Plusieurs hameaux entourent le petit village et nous nous sommes promis d'aller les visiter à pied, mais ce sera pour une autre fois et en dehors de l'été, car il fait bien trop chaud dans ces vallées, c'est pour cela que la vigne et les arbres fruitiers y prospèrent et y sont depuis longtemps cultivés...