Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Dans les années 60, dans le petit village de Finsterau en Bavière, un ivrogne déclare connaître le véritable coupable d'un double meurtre perpétré presque 20 ans auparavant.
L'aubergiste n'y croit pas au départ, mais le lendemain, une coupure de journal est retrouvée dans le portefeuille de l'homme...qui est malencontreusement tombé derrière une chaise.
Sur la photo illustrant l'article, le procureur Augustin paraît bien jeune, mais il est parfaitement reconnaissable.
Il vient souvent ici prendre une bière.
L'aubergiste décide de lui répéter les mots du vagabond. C'est le père de la jeune Afra qui a été accusé du meurtre et il purge sa peine dans un asile de fou.
Augustin accepte de rouvrir l'enquête. Pendant que les différents témoins s'expriment sur l'affaire, chapitre après chapitre, le lecteur prend connaissance des multiples dépositions ou rapports qui s'accumulent dans le dossier.
Lorsque la jeune Afra tombe enceinte d'un soldat français, soldat qui bien sûr comme tant d'autres, ne saura jamais qu'il a eu un fils, elle est bien obligée de revenir chez ses parents en cette année 1944, car elle a perdu son emploi et tout le monde la rejette pour avoir fricoter avec l'ennemi.
Faut pas perdre de vue son intérêt personnel, n’oublie jamais ça. Le Français me sera plus utile qu’une bonne femme. J’ai besoin de bras, à la ferme comme à la maison. De gens à qui le travail ne fait pas peur. Je me fous complètement d’où ils viennent, les gens, et le Français, il ne me coûte presque rien.
Elle avait quitté le foyer des années plus tôt pour aller chercher du travail en ville et s'éloigner de l'extrême pauvreté de ses parents, Johann et Theres Zauner, les "sans terre" comme on les appelait dans le village.
Très pauvres, mais cependant très croyants, ils la recueillent tout en ayant honte de son comportement. Malgré sa grossesse, ils lui mènent la vie dure et même après la naissance du petit Albert, les disputes avec son père sont incessantes...et de plus en plus violentes.
Un jour où la mère s'est absentée pour la journée, Afra et le petit Albert, âgé de deux ans à peine, sont retrouvés morts.
- Tu sais, Afra, je finirai par t'avoir. T'auras pas le choix. Des pauvres diables comme vous, des crève-la-faim, et ton père qui commence à travailler du chapeau. Tu peux bien me jeter dehors aujourd'hui, je vais te dire une chose, je reviendrai. je te montrerai ce que c'est un homme, un vrai. Et tu sera contente que je revienne...
Tout le village accuse Johann, le père. Condamné à une peine de 10 ans, il sera ensuite interné dans un asile, vu son état mental, à la demande expresse du procureur...
L'affaire est close !
Chez nous, on ne meurt pas assassiné, ni par un inconnu, ni encore moins par son propre père. Quand on meurt, on meurt dans son lit, que ce soit de maladie – de phtisie par exemple – ou en couches, ou simplement de vieillesse, parce qu’il est temps de s’en aller. Il peut arriver, même si c’est rare, que quelqu’un ait un accident sur son lieu de travail.
Voilà un polar tout à fait passionnant presque trop court (à peine 109 pages) d'un auteur que je connaissais absolument pas.
Les propos sont intenses et l'analyse des comportements humains sans concession.
Ce petit village d'après-guerre fait comme il peut pour se sortir de la pauvreté et des traditions qui l'empêchent d'évoluer vers davantage d'ouverture aux autres et de modernité. La simplicité des gens se fait complice d'une accusation erronée. Le coupable idéal ayant été trouvé, personne ne relève les indices démontrant le contraire, même les personnes chargées de l'enquête.
J’ai appris qu’il y a des raisons très différentes d’avouer un crime, et qu’on peut même avouer de manière très convaincante un crime qu’on n’a jamais commis. Il est parfois difficile de reconnaître la vérité, et il arrive que des policiers pourtant consciencieux n’entendent que ce qu’ils ont envie d’entendre, ils ne sont pas différents des autres gens.
Le personnage principal, en filigrane tout au long du roman, est bien sûr la jeune femme assassinée sauvagement et son petit garçon.
Mais même si elle est bien la seule à nous parler de sentiments, et s'il est touché par l'horreur du carnage, le lecteur ne s'attache à aucun personnage. Il reste en dehors comme s'il s'agissait d'un simple reportage sur un fait divers.
Cette façon d'appréhender les faits (et de traiter le sujet) est tout à fait intéressante et j'ai passé un bon moment de lecture avec ce petit roman, très bien mené et idéal pour une soirée tranquille.
Un auteur à découvrir...pour les amateurs de polar !
Il ne savait pas combien de temps il avait déjà passé dans cette pièce. Ils l'avaient arrêté et emmené ici. Lorsque la voiture avait démarré devant la maison, il s'était retourné et avait regardé par le pare-brise arrière. Le linge, toujours sur les cordes, était comme un mur blanc infranchissable. Le vent était tombé...
Andrea Maria Schenkel est née en 1962 à Ratisbonne en Allemagne.
Elle est surtout connue pour son premier roman, inspiré d'une histoire vraie, "La ferme du crime" paru en 2006. Il s'agit de l'histoire de l'assassinat d'une famille entière de fermiers dans le hameau de Hinterkaifeck, en Bavière. Les faits se sont déroulés en 1920 et l'affaire n'a jamais été élucidée. Mais elle a replacé les événements dans les années 50. Ce roman-témoignage-reportage décrit avec précision le monde rural conservateur et catholique de l'époque.
Plus tard, lorsqu'ils lui demandèrent : "Pourquoi le gamin ?", il leur répondit :
- Quand une chatte meurt, on tue ses petits.