Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Je ne suis pas vraiment libre si je prive quelqu'un d'autre de sa liberté. L'opprimé et l'oppresseur sont tous deux dépossédés de leur humanité. Nelson Mendela
"Les chemins de traverse" est une bande dessinée franco-belge qui comprend deux histoires créées par les deux dessinateurs.
La première, dessinée avec beaucoup de réalisme par Soulman, nous raconte l'histoire bouleversante d'Osama Abu Ayash, un palestinien de 44 ans. Il nous explique comment il a commencé à militer dans un mouvement israélo-palestinien, "Le cercle des parents", suite à la mort violente de plusieurs membres de sa famille et à sa rencontre avec un israélien qui venait, lui aussi, de perdre sa fille dans un attentat...
Osama va tout faire pour faire évoluer les pensées des membres de sa famille et leur faire comprendre que tous sont pareillement meurtris (et détruits) par la mort violente de leur enfant ou d'un des proches.
Une histoire très émouvante qui ne peut que nous toucher en plein coeur car nous savons bien que dans tout conflit, les deux parties en présence souffrent pareillement et que les médias, selon qu'ils prennent partie pour l'un ou l'autre, oublient souvent de faire un bilan réel des violences, des morts et des blessés des deux côtés.
[Rami] Il a commencé à me raconter comment il avait perdu sa fille bien-aimée...Et combien elle lui manquait.
Il m'a dit qu'il reconnaissait la souffrance palestinienne.
Il considérait qu'il était impératif qu'un état palestinien soit crée, et qu'il était avant tout nécessaire de mettre un terme à l'occupation...
Il m'a présenté le forum, ses membres, ses objectifs et ses activités.
Ses paroles étaient fortes et convaincantes.
A la fin de la journée, lorsque nous nous sommes retrouvés tous les deux à l’hôtel, elle était bouleversée. Toutes ces histoires lui avaient fait réaliser que les larmes avaient le même goût salé, quelle que soit la terre de naissance.
La seconde, dessinée de manière très épurée par Maximilien Le Roy, nous raconte l'histoire de Matan Cohen, un israélien de 22 ans, qui s'engage au sein du mouvement "Les anarchistes contre le mur".
Engagé depuis l'âge de 14 ans en Palestine pour apporter son aide humanitaire, il a refusé de faire son service militaire à 17 ans : il est devenu objecteur de conscience. Il a décidé qu'il ne porterait jamais une arme sur un être humain qu'il soit palestinien ou pas.
Matan continuera à prôner le "Vivre-ensemble" et la désobéissance civile...et pour l'heure participe à une conférence de soutien à la campagne internationale de boycott, outil de pression citoyen vivant à imposer au gouvernement israélien l'application du droit international et le respect des droits des palestiniens...
Son discours intelligent amène le lecteur à réfléchir même si cette entreprise nous apparaît comme fort optimiste...
C’est à l’âge de 14 ans que j’ai commencé à me rendre dans les territoires occupés. D’abord par simple curiosité, je dirais. C’est là que j’ai pris conscience de la réalité concrète et humaine des Palestiniens. Ils n’étaient plus des numéros ou des caractères typographiques d’une colonne de journal. Ils prenaient une dimension réelle qu’il m’était dès lors impossible d’occulter.
La sensation de peur vient de l'ignorance de la situation réelle.
Nous avons grandi avec du brouillard devant les yeux.
Des générations entières vivent sous l'emprise permanente de la peur.
La plus belle chose qui me soit arrivée a été de découvrir que j'étais le bienvenu parmi les Palestiniens, les gens me parlaient en hébreu. J'ai appris un peu l'arabe.
On me disait : "T'as perdu un oeil pour permettre de faire entendre notre voix".
Les médias israéliens ont parlé de moi à ce moment-là. Mais pas un mot sur les 14 palestiniens également blessés. Le sang des militants de gauche et des arabes ne vaut pas cher.
Cette BD constitue pour les auteurs la fin d'un cycle consacré au conflit israélo-palestinien. Dans celui-ci, point de leçon d'histoire, ni de rappel des origines du conflit...
Je n'ai pas lu les deux précédents opus : "Gaza, un pavé dans la mer" qui parlait des bombardements dans la bande de Gaza entre décembre 2008 et janvier 2009 ; et "Faire le mur" qui parlait d'un jeune cisjordanien vivant dans un camp de réfugiés.
Dans ce dernier ouvrage, les auteurs cherchent à rassembler les deux communautés pour tenter de trouver des solutions à ce conflit qu'on dit sans fin possible.
Sur ce sentier étroit, ce chemin de traverse, plus direct qu'une route et qui relie deux protagonistes, un Palestinien, l'autre Israélien, des connexions sont possibles. Le taayoush (le vivre-ensemble) peut exister et briser à jamais la violence et l'incompréhension.
C'est en tous les cas ce que nous affirme les auteurs qui ont choisi de nous présenter deux personnages particulièrement lucides et non violents, dont le seul désir est de prôner la paix et le respect des Droits de l'homme, et qui veulent sincèrement que cesse ce conflit.
Leurs témoignages sont très intéressants car cela fait du bien de penser que des gens, sur place, se battent pour trouver des solutions, ce que les médias ne nous montrent que trop rarement.
La postface est un entretien avec Michel Warschawski, journaliste et militant pacifiste israélien.
Cette BD a reçu la Mention Spéciale du Jury oecuménique de la bande dessinée à Angoulême en 2011.
J'aimerais que les jeunes de ma génération, avant d'intégrer l'armée, viennent avec nous dans les territoires occupés. Ils ne sont pas mauvais par nature, mais ils ne se posent pas de questions. Ils ne cherchent ni à savoir, ni à comprendre. Ils obéissent.