Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Ce roman de Ron Rash, paru en janvier 2014, traduit de l’anglais, avec le soutien du CNL, par Isabelle Reinharez a obtenu le Grand Prix de Littérature Policière 2014, domaine étranger.
J'avais beaucoup aimé "Le monde à l'endroit" c'était donc normal que je me plonge dans celui-là même si j'ai tout de suite vu en lisant la quatrième de couverture que c'était du noir bien bien sombre et qu'en ce moment j'ai plutôt envie de lectures plus légères...
L'histoire
L'action se passe en 1916, dans un vallon isolé et sombre des Blue Mountains, au coeur des Appalaches, situé près de une petite ville de Caroline du Nord.
Laurel et son frère Hank vivent dans la ferme héritée de leurs parents et tentent comme ils le peuvent de l'entretenir et d'y faire pousser de quoi se nourrir, car
Hank est revenu gravement blessé de la Grande guerre : il a été amputé d'une main. Mais le bonheur semble enfin au rendez-vous, car il va bientôt se marier avec la fille d'un des fermiers du coin.
En attendant ce jour, il est bien décidé à remettre la ferme en état : mettre une clôture pour le bétail, s'occuper des champs, construire un nouveau puits, toutes tâches devenues compliquées avec une seule main.
Si Hank est blessé physiquement, Laurel, sa jeune soeur, est meurtrie psychologiquement :
vallon sombre est maudit mais les nombreux malheurs arrivés à leur famille et leurs difficultés à faire pousser quelque chose, n'arrangent rien des croyances et superstitions des habitants, ignorants et peureux, de Mars Hill.
Rejetée par les autres, elle a de plus été "violée" et encore une fois humiliée, suite à un pari, par un des jeunes du village alors que son frère était à la guerre et qu'elle vivait seule.
Courageusement, elle travaille sans relâche à la ferme, prenant un peu de repos depuis le retour de Hank, en s'occupant davantage de la maison, du jardin et des repas et laissant les travaux plus difficiles à son frère.
Un jour, alors qu'elle est à la rivière en train de laver du linge pour l'étendre sur le rocher au soleil, elle entend une drôle de musique, qu'elle attribue d'abord à tort à un oiseau mystérieux. Elle découvre qu'il s'agit en fait d'un son inconnu pour elle, sorti tout droit de la flûte d'argent d'un homme à l'allure de vagabond.
Alors qu'elle le croit parti et regrette déjà sa musique, elle le retrouve grièvement blessé : il a été piqué sur tout le corps par des guêpes. Elle le ramène à la ferme pour le soigner et découvre qu'il ne peut pas parler mais comprend tout ce qu'elle lui dit.
Finalement guéri, alors qu'il a décidé de partir pour la gare, Walter revient précipitamment à la ferme et accepte de rester pour les aider.
Hank est ravi d'avoir de l'aide pour les travaux quotidiens : il sait qu'ainsi il pourra partir plus vite et surtout creuser le nouveau puits avant son départ.
Lorsqu'il comprend que Laurel est amoureuse de Walter, Hank fait tout pour favoriser leur rapprochement, les laissant seuls des journées entières à la maison.
Mais Walter cache un lourd secret que Laurel ne va pas être seule à découvrir et qui les mènera inexorablement vers un nouveau drame...
Mon avis
L'auteur n'a pas son pareil pour nous décrire les failles des hommes, leurs désirs les plus secrets comme leurs complexités et leurs contradictions.
Il s'attache à décrire les personnages du village de la façon la plus humaine possible : les courageux, les philosophes, les peureux, les bilieux, les racistes, les superstitieux...
Tout ce qui les mènera à une violence aveugle et destructrice...
Les vieilles rivalités, les préjugés tenaces, les intolérances sont exacerbés par la guerre, lointaine, mais omniprésente, car elle touche toutes les familles des engagés volontaires.
L'auteur décrit aussi avec beaucoup de réalisme et d'humanité les contradictions et les non-dits qui entravent les liens familiaux...
Laurel est très attachante. Jeune femme meurtrie par la vie, elle ose espérer qu'un autre destin, différent de celui que la vie lui a pour l'instant réservé, .
a été obligé d'abandonner ses rêves, pour aider à la ferme, suite à la maladie de son père et à la mort prématurée de sa mère.
Grâce à l'apparition de Walter et à sa musique qui la touche en profondeur, elle se
La nature splendide, silencieuse, angoissante et vivante crée une atmosphère particulière comme dans tous les romans de Ron Rash.
La forêt est étouffante et seulement égayée par . Les animaux sont parfois source de joie, comme les perroquets en voie de disparition ou les chants d'oiseaux, et parfois source d'angoisse comme le sanglier qui apparaît ou disparaît et semble attendre, tapis dans l'ombre...
La musique sortie de la flûte dont Walter joue divinement bien, ajoute beaucoup de douceur et de légèreté à l'ensemble.
Dès le prologue le lecteur sait que ce roman va être un drame car l'auteur sait faire monter crescendo le suspens.
Le prologue nous raconte l'histoire d'un homme dont on n'entendra plus du tout parler dans tout le roman. Cet homme, au service de la Tennessee Valley Authority, se rend dans une région isolée de Caroline du Nord pour expliquer aux habitants de Mars Hill, que le vallon proche va être immergé pour en faire un lac artificiel. On est à la fin des années 50.
Surpris par l'accueil des habitants qui ne cachent pas leur joie au lieu d'être en colère comme c'est le cas habituellement, mais habitué aux superstitions des paysans de la région, il se rend par acquis de conscience sur les lieux pour visiter la ferme et constater qu'il n'y a personne à expulser, ce qui facilite grandement sa tâche.
Mais en actionnant la poulie du vieux puits pour y puiser un peu d'eau, il remonte un cadavre...
Le lecteur ne saura qu'à la fin de qui il s'agit !
L'auteur, tout au long du récit, crée de nombreuses incertitudes dans la moindre scène, y compris celles qui décrivent des instants de bonheur.
Le lecteur sait que cela ne va pas durer : il reste en alerte, s'inquiète pour rien et la tension monte jusqu'au drame final.
Excellent !!