Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Azadi veut dire liberté en persan.
C’est aussi le nom d’une place à Téhéran.
La sortie de ce roman aujourd'hui a une rénonance particulière vue l'actualité.
L’histoire se passe en juin 2009 à Téhéran, capitale de l’Iran, devenue en quelques années une mégapole où ce n'est pas tous les jours facile de vivre.
Des élections viennent d’avoir lieu et les résultats donnent Ahmadinejad vainqueur : il peut donc conserver le pouvoir face à Moussari et Karroubi et rester à la tête de la République islamique.
Le peuple, et en particulier les étudiants, descendent dans la rue tous les jours pour manifester : tous sont persuadés que les élections ont été truquées.
Raha fait partie de la jeune génération de jeune fille moderne. Étudiante en architecture, elle compte bien avec son amie Atossa poursuivre ses études. Toutes deux ont d’ailleurs un projet commun qu’elles doivent rendre à la rentrée de septembre.
Au grand désespoir de sa famille qui se fait du souci pour elle et attend son retour dans l’angoisse, elle sort manifester tous les jours avec ses amis.
Face aux multiples arrestations, les familles interdisent aux jeunes de sortir mais comme beaucoup de jeunes, ils n’en font qu’à leur tête et désobéissent ou pire, leur mentent !
Avec Raha il y a : Atossa dont on a déjà parlé, Kian, le fiancé de Raha dont Homa, la mère travaille à l’hôpital de la ville comme chirurgien, et ses deux amis, Bardia et Mazyar qui étudient avec lui.
Un jour, lors d’une manifestation, Raha est bousculée et, étourdie, elle perd connaissance. C’est Hossein, un jeune « gardien de la République » qui la retrouve inanimée dans une impasse. Lorsqu’il découvre Raha et la réveille, elle lui raconte qu’elle venait toute seule voir son oncle : il devine tout de suite qu’elle lui ment et qu’elle était en fait à la manifestation. Pour qu’elle n’ait pas d’ennui et parce qu’il tombe aussitôt sous son charme et qu’il est séduit par son sourire, il va l’amener chez une vieille dame qui habite la rue et la recueille le temps qu’elle se remette un peu et qu’elle appelle sa famille. Hossein cache aux autres gardiens sa découverte et en particulier à son oncle, le puissant Chahrvandi, et à son frère dont il s’occupe car celui-ci ne peut plus travailler depuis qu’il a été blessé durant la guerre Iran-Irak et a perdu ses deux jambes.
Une amitié impossible va naître entre Hossein et Raha…
Raha continue malgré tout à sortir manifester. Quelques temps plus tard, elle est arrêtée, emprisonnée et dans l’impossibilité de prévenir sa famille qui la croit morte.
Puis au bout de plusieurs jours de vie commune dans des conditions sordides qu’elle partage avec ses compagnes de cellules, elle est emmenée dans une zone déserte de la prison. Croyant à un nouvel interrogatoire, elle se prépare mais ce qu’elle va vivre est indescriptible : elle va être torturée et battue sauvagement, puis violée et laissée inanimée sur le plancher. C’est Mina une des gardiennes de prison qui va lui apporter un peu de réconfort, l’obliger à boire, à se laver et à se reposer…
Pendant ce temps Hossein qui a appelé le portable de Raha (en possession de Kian au moment de l’arrestation) tombe sur Nasrine, la mère de Raha et apprend sa disparition. Fou d’inquiétude, il va demander une faveur à son oncle : la faire libérer. C’est sans doute ce qui sauvera Raha car elle a besoin de soin, doit être recousue d'urgence…C’est Homa la mère de Kian qui la prend aussitôt en charge.
Hossein est bouleversé et hors de lui quand il comprend ce qui lui est arrivé. Kian à l’inverse se détache d’elle : il réalise que maintenant qu’elle n’est plus vierge ce n’est pas comme avant pour lui. Sa mère Homa est effondrée. La famille de Raha fait tout pour l’aider…mais ses amis s’éloignent d’elle : elle a tant changé. Ils ne savent plus comment lui parler : elle a perdu toute joie de vivre. Sa psy lui conseille de porter plainte pour obtenir réparation et ainsi mieux supporter ce qui lui est arrivé.
Raha accepte de rencontrer un avocat…
Elle devra se battre pour que justice lui soit rendue.
Mais rien ne sera plus jamais comme avant.
C’est un roman bouleversant de réalisme. Il contient tout un florilège de personnages tous aussi attachants les uns que les autres.
Ainsi autour de Raha il y a son père et sa mère très aimants et prêts à tout pour son bonheur. Son oncle Djamchid est revenu en Iran depuis la mort de sa femme après avoir vécu en Amérique et se montre plein de sagesse pour les jeunes qui l'entourent.
Gita, dont les parents ont émigré aux États-Unis et qui est venue passe quelques mois en Iran porte un regard très lucide sur les événements.
Pari, la sœur d’Homa qui est aussi une parente éloignée, est infernale, mais ses rencontres sont toujours à la fois loufoques et dérangeantes. Elle qui a tout pour être heureuse, aime en particulier faire étalage de son argent et veut à tous prix être le centre du monde. Elle commet beaucoup de maladresses et n’a pas son pareil pour « mettre les pieds dans le plat » en disant juste ce qu’il ne fallait pas !
C’est un roman poignant, très vivant, au rythme soutenu qui laisse le lecteur meurtri en profondeur.
Il nous parle de liberté : liberté de la femme, de la religion, du choix de vie,…
Dans un pays où la République islamique prend de plus en plus de place et où le sort des femmes indiffèrent la plupart des hommes, les anciens aiment à rappeler aux jeunes les libertés perdues. Les discussions familiales sont sur ce plan là très instructives car elles montrent bien l’emprise de la religion sur la vie d’aujourd’hui.
Le lecteur prend bien conscience du processus qui fait que les croyances de certains musulmans sont appliquées à tous…
Un magnifique roman à la mémoire de celles qui ont subies des violences et ont été obligées de quitter définitivement leur pays et leur famille pour ne plus jamais revenir…
Merci à CULTURA pour ce moment de lecture.