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Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

La loi sauvage / Nathalie Kuperman

La loi sauvage / Nathalie Kuperman

Camille est une petite fille comme les autres. Rêveuse et pleine d'imagination, elle aime en particulier être dans son bain pendant des heures et jouer avec ses poupées et son requin mécanique. Là, elle s'invente des catastrophes, puis appelle sa mère pour être témoin de sauvetages inespérés, et pleure, lorsque Sophie ne veut (ou peut) pas venir.

Jusqu'à présent, Camille adore aller à l'école et le rituel sécurisant, établi tous les matins par Sophie, les font rire toutes les deux et leur est particulièrement précieux...

Le soir, lors du retour à la maison, Camille ne veut pas toujours répondre aux questions de sa mère, sur ses notes par exemple, sur ses jeux ou ses amies, alors, tout simplement elle se met à chanter "la marseillaise" à tue-tête. C'est le signal, sa mère sait qu'elle ne doit plus lui poser aucune question et tant pis si elle ne sait pas comment ça s'est passé à l'école, ce jour-là, Sophie sait attendre de meilleurs instants de partage...

 

Un matin, Sophie croise devant l'école Mme Bigard, la maîtresse de Camille et au lieu de lui dire simplement bonjour comme les autres jours, celle-ci prononce cette petite phrase assassine : " Votre fille, c'est une catastrophe !".

Puis la maîtresse refuse la demande de rendez-vous immédiat, demandé par une Sophie sidérée, pour la reporter après les vacances de Toussaint, trois semaines plus tard.

 

Dès lors, Sophie va revivre d'anciennes douleurs enfouies, d'abord celles qu'elle a subies à l'école, alors qu'elle n'était qu'une petite fille, une fillette de sa classe l'avait traité de "sale juive", phrase  terrible qui lui a valu d'être humiliée devant toute la classe, puis de changer d'école et de se sentir toujours plus seule et rejetée par les autres.

 

Elle revit aussi sa relation manquée avec le père de Camille, qu'elle a aimé si peu de temps avant qu'il s'enfuit, lorsqu'il a appris qu'il allait devenir père.

 

Elle se souvient aussi de la difficile relation qu'elle a eu avec sa mère trop parfaite et qui adorait cuisiner, alors qu'elle, Sophie est nulle en cuisine !

 

Ce mot "catastrophe" fait son chemin dans son cerveau tourmenté et fragilisé et nuit aussi à son travail. Comment peut-on se concentrer sur un mode d'emploi d'appareil ménager quand rien ne va plus dans la vie de sa toute petite fille, qu'elle aime plus que tout, d'un amour exclusif et fusionnel ?

 

Et voilà que justement, son patron lui confie la notice explicative d'un four !

Il ne manquait plus que cela...

 

Ce que j'en pense

 

L'auteur ne manque pas d'humour et décrit cette situation psychologique particulière avec finesse. C'est un roman qui se lit rapidement et facilement. Sa lecture est agréable même si je l'avoue, j'ai lu certains passages concernant le mode d'emploi, un peu plus "en diagonale".

 

C'est cependant très intéressant de suivre le "délire" de Sophie autour de son four et de ce qu'elle pourrait faire cuire dedans (un gigot ? un agneau entier?!), intégrant sa propre vie au mode d'emploi qu'elle tente de rédiger en vain.

Alors qu'elle utilise habituellement un langage clair et concis, plutôt aseptisée, pour rendre accessible le langage technique à l'utilisateur, elle va se laisser complètement aller, car elle est submergée par ses propres sentiments.

Ce sont les chapitres intitulés "Mode d'emploi".

 

La relation qu'elle entretient avec Camille, sa fille, est tout à fait particulière et très réconfortante pour toutes les deux. Camille a la chance d'avoir une mère loufoque et pleine d'imagination qui entre dans son jeu d'enfant quand il le faut et accepte sa vie cachée même si son silence de petite fille, angoisse sa mère au plus haut point.

 

La relation infantilisante avec la maîtresse est tout à fait bien décrite, chaque parent peut à l'occasion se sentir "redevenir tout petit" dans ce type de relation avec l'école, même si les événements n'ont parfois rien de dramatique ou s'il n'a pas vécu de traumatisme particulier comme notre héroïne.

La révolte provoquée par cette relation à la maîtresse (et à l'école) particulièrement obsédante, donne l'occasion à l'auteur d'écrire les pages les plus loufoques et délirantes de son roman, riches en fantasmes les plus divers...mais dérangeantes, car pour ma part je n'ai jamais songé à une maîtresse en ces termes !!

Ce sont les chapitres intiulés "La maîtresse".

 

Il faut se laisser porter par l'état d'esprit de Sophie (totalement névrosée) pour mieux entrer dans son personnage et comprendre comment ses angoisses réellement disproportionnées par rapport aux événements, peuvent provoquer en privé autant de violence, d'obsénités et de vulgarités souvent gênantes.

 

Sophie passe tant de temps à culpabiliser et à se reprocher ce qu'elle est devenue, ce qu'elle aurait du (ou pu) faire (ou ne pas faire), que le lecteur qui ne la trouvait pas très sympathique au départ, finit par avoir envie de l'aider à franchir ce cap difficile et veut savoir absolument comment elle va s'en sortir ce qui booste son envie de finir le roman coûte que coûte !!

 

Dans les chapitres intitulés "Sauvagerie" où l'auteur décrit les événements traumatisants du passé de Sophie, elle nous parle en fait de la difficulté des relations humaines...et aussi de ce qu'elle appelle dans le titre "la loi sauvage", c'est-à-dire quand le plus fort (la loi, la maîtresse,...) a toujours raison et est forcément gagnant.

 

La nature humaine n'est-elle pas ainsi faite qu'au lieu de vivre les événements présents tels qu'ils sont, notre passé les parasitent complètement, créant des angoisses inutiles et des attentes improbables...

 

Voilà en quoi ce roman peut avoir un aspect dérangeant et pourquoi il est difficile de dire en tant que lecteur, si on a aimé, un peu, beaucoup...ou pas du tout !

 

 

Extraits :

 

"Je n'avais évidemment pas conscience que les paroles de Mariannicklelièvre avaient une portée historique. Je ne savais pas qu'on avait exterminé des millions de Juifs, j'ignorais la torture, les camps, j'ignorais aussi qu'un être humain puisse tuer un autre être humain, je ne savais rien des exterminations en tous genres, j'ignorais ce mal."

 

"Le directeur m'apparut jusque dans mon sommeil. Il me demandait de ne pas oublier de mettre mon réveil. Et je ne comprenait pas comment ce merdeux pouvait surgir dans mon lit pour me rappeler à l'ordre, m'expliquer qu'être mère, c'était aussi se réveiller le matin. "

 

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