Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Voilà un thriller politique intéressant mais très très noir !
Le plus célèbre des écrivains algériens lancent un véritable coup de gueule et dénonce les problèmes de son pays. Véritable déclaration d'amour à son peuple dans laquelle il décortique les maux qui à ses yeux, empoisonnent l'Algérie : mafia, corruption à tous les niveaux, cynisme, résignation de la population... il nous dépeint une société algérienne malade et déchirée entre les puissants qui font leur propre loi, et le peuple qui n'a que le foot pour rêver encore et oublier les problèmes de la vie quotidienne...
Le roman démarre comme un vrai polar...
Une jeune fille est retrouvée morte dans la forêt. Maquillée, apprêtée comme si elle sortait d'une fête, elle a été atrocement mutilée (un sein a été arraché à coup de dents).
L'enquête est confiée au commisaire Nora Bilal, une jolie et intègre jeune femme. Elle voudrait mener jusqu'au bout son enquête sans céder aux pressions de sa hiérarchie mais, plus elle s'approche de la vérité, plus on l'empêche de continuer : ses recherches sont sabotées, ses témoins éliminés les uns après les autres...
De plus c'est difficile, pour elle qui est flic, d'assumer le fait d'être une femme lesbienne ( dans d'autres pays), d'autant plus quand sa compagne est une droguée...
En parallèle, le roman nous présente un baron de la presse, Ed (Eddie) Dayem qui a le "pouvoir de dévoiler le secret des dieux et de l’instruction, de rendre la sentence avant les juges et d’exécuter le suspect avant le bourreau” ; Haj Hamerlaine, un vieillard puissant qui dirige le pays et tire toutes les ficelles et que personnellement je trouve tout à fait ignoble ; le lieutenant Guerd, un flic macho et corrompu ; l'inspecteur Zine, devenu le souffre-douleur de Guerd mais soutenu par Nora Bilal ; et enfin, un ancien journaliste, Sid-Ahmed, qui s'est réfugié tout seul dans une bicoque au bord de la mer depuis qu'il a perdu sa femme, tuée par des terroristes.
Même si l'auteur tombe souvent dans la caricature, il a le mérite de dévoiler ce qui, d'après lui, paralyse son pays, ou de régler ses comptes avec son pays où "chacun se bat pour ce qu'il n'a pas". Il dénonce l'engrenage dans lequel se trouvent les fonctionnaires ou dirigeants avides de pouvoir et d'argent.
Les dirigeants du pays sont-ils tous sans foi ni loi ? Sont-ils tous des tricheurs et des menteurs ? La presse est elle vraiment muselée à ce point ? Est-ce vrai ce que dénonce Yasmina Khadra ? Je n'ai pas la réponse... je pense juste que l'auteur, contestataire dans l'âme, veut rendre compte de sa propre vision de la réalité sociale. Il le fait avec courage sans avoir peur des représailles. Il le fait avec ses propres armes, c'est-à-dire ses mots à lui !
L'intrigue est habilement menée et l'enquête pleine de rebondissements...
Mais le roman reste difficile à lire. Le langage trop cru est empreinte de pessimisme. Le lecteur s'emmêle souvent dans les personnages, doit revenir en arrière pour relire tel ou tel passage. Provocateur, certains propos de l'auteur peuvent choquer comme lorsqu'il compare les gens du peuple à des êtres primitifs...
Heureusement, après toutes ces horreurs, la fin du roman permet à Zine, le flic désabusé et malheureux d'avoir le beau rôle et de regagner un peu de confiance en lui, du coup le lecteur respire un peu lui aussi.
A ne pas lire sur la plage donc, surtout si vous voulez vous changer les idées... Cà tombe bien je n'y vais jamais en plein été : il y a trop de monde !