Dans la crèche provençale, tous les habitants du village viennent apporter des cadeaux à l'enfant qui vient de naître (tradition encore respectée aujourd'hui lors de la naissance d'un nouveau-né !).
Si la crèche représente sans équivoque possible une scène religieuse, celle de la nativité, elle est avant tout pour les provençaux de souche, le témoignage d'une tradition qui s'est transmis de génération en génération.
La preuve : même les familles non croyantes réalisent une crèche provençale.
Il faut donc la distinguer d'une crèche de noël qui elle seule, revêt un caractère religieux pur.
D'ailleurs dans la crèche provençale, l'accent est mis sur les villageois, les petits métiers d'antan, et la vie quotidienne.
Elle a sa place dans les maisons provençales à côté du sapin de noël (d'origine païenne, je le rappelle), et prend toute sa place dans les préparatifs de noël.
Les santonniers
Les santonniers ont modelé dans l'argile tout un petit peuple composé de gens simples représentant les villageoises et les villageois habitants la Provence. Ils sont représentés dans leurs tâches quotidiennes mais aussi exerçant de petits métiers (pour la plupart oubliés aujourd'hui), sans oublier leurs animaux : l'âne (l'ase), le boeuf (lou biou), seront placés dans l'étable pour réchauffer le nouveau-né ; les moutons (mountoun), les brebis (fedo), les agneaux (agnéu), les chèvres (cabro), les chevreaux( cabrit), mais aussi les chiens (li chin), le chat (lou cat)....
Les santonniers se transmettent de génération en génération, les attitudes et les costumes, ainsi que les objets traditionnels qui sont ceux du XVIIIe siècle, tout en réactualisant leur collection avec des personnages plus modernes.
C'est à Jean-Louis Lagnel (1764-1822) que l'on attribue la création des premiers santons (de santoun = petit saint). Fabriqués à partir d'argile non cuite, on pouvait les reproduire par moulage.
On a découvert les moules qui lui permettaient de les fabriquer, datés de 1797 à 1819. On peut voir certains de ces moules ainsi que quelques santons de sa fabrication au musée du Vieux-Marseille.
Il a permis à tout un peuple provençal de se reconnaître dans ses "figurines à un sou" et de pouvoir "faire la crèche" comme les riches !
Il a ainsi créé une véritable identité provençale...que tous les provençaux, même non-croyants, veulent conserver à tous prix encore aujourd'hui !
Par la suite fabriquer des santons, donc être santonnier, est apparu comme un vrai métier.
Et le Salon international des santonniers eut lieu en Arles chaque année.
Des foires aux santons permettent d'agrandir les collections familiales en fonction du budget de chacun et de la place qu'on a à la maison pour "faire la crèche".
Rappelons que la première foire a eu lieu en 1803 à Marseille et se tient toujours chaque année en haut de la Canebière.
Plusieurs villes de Provence (Arles, Marseille...) organisent également un concours de crèches tous les mois de décembre chez les commerçants et les particuliers.
Comment naît un santon à partir de l'argile ?
Autrefois le santonnier fabriquait les santons à partir de l'argile brute.
Aujourd'hui, il reçoit cette argile, prête à l'emploi. Il en prélève une petite boule et la pétrit longuement pour modeler un petit personnage. Ensuite il devient sculpteur et définit les traits du visage, les habits, les outils, tout en n'oubliant pas le socle qui servira au santon à tenir debout et sous lequel il apposera sa signature qui deviendra le témoin de l'authenticité du santon.
C'est à partir de ce santon de base que le santonnier fabrique ensuite le "moule mère" qui sera conservé comme témoin.
A noter, certains outils tenus par le santon (la quenouille par exemple, le fagot de bois...) sont rajoutés après.
Grâce au procédé de moulage, chaque santon sera reproduit à l'identique (ou presque) autant de fois que le santonnier le désire.
L'argile sera insérée dans le moule talqué pour éviter trop d'adhérence, puis le tout est mis à sécher. Quand l'argile commence à se rétracter, le santon est sorti du moule. Ensuite il faudra finir le séchage à l'ombre, après quelques retouches.
Aujourd'hui les santons sont cuits comme toutes les poteries et sont donc plus résistants au temps, à l'usure et à l'humidité. Une fois refroidi, chaque santon sera décoré et peint à la main.
Pour plus de détails visionner la vidéo ci-dessous, ou rendez vous dans une fabrique pour voir les différentes étapes en détails.
Les principaux santons de la crèche
Dans l'étable bien sûr, on trouve :
-Marie, agenouillée à droite de son nouveau-né, toujours vêtue de rose et de bleu.
-Joseph, debout à gauche, vêtu d'un grand manteau marron.
-l'âne (à droite) et le boeuf (à gauche) couchés dans la paille et qui réchauffent Jésus.
- à partir du 25 décembre, bien sûr il faudra mettre le petit Jésus. Il peut être placé dans la crèche n'importe quand chez les non-croyants !
Le petit Jésus est déjà né et les rois sont arrivés !
- au-dessus de l'étable, l'étoile du berger brille de mille feux et guide les bergers vers ...Jésus.
On trouve aussi les personnages traditionnels suivants :
- le ravi (lou ravi), les deux bras dressés, qui exprime haut et fort sa joie. Il est coiffé d'un bonnet de nuit, montrant par là qu'il n'a pas pensé à le lever pour suivre les villageois. Est-il l'idiot du village autant dire le "fada" ? Ma grand-mère le pensait. Elle le plaçait, soit dans l'étable, soit à la fenêtre d'une maison car, c'est lui qui crie à tue tête pour annoncer la bonne nouvelle et réveiller les autres villageois. Il est le porte-bonheur de la crèche car comme toutes les personnes "innocentes", il symbolise la pureté du cœur !
- les bergers (lou pastre) vêtus de leurs longues capes de bure, de leurs chapeaux de berger, les jambes protégées par des guêtres, et leur biasse (sac de toile où on mettait le casse-croûte) en bandoulière sont suivis de leurs moutons. Un jeune berger d'ailleurs en porte un dans ses bras. On les place près de l'étable car les premiers prévenus sont les premiers arrivés !
- l'ange (l'ange bouffareù) qui se tient sur le toit de l'étable ou d'une maison pour annoncer la bonne nouvelle ! Il souffle dans sa trompette d'or pour réveiller les villageois...
- le tambourinaire (lou tambourinaïre) joue sur son tambourin et précède la foule des villageois. Il est endimanché car c'est toujours lui qui préside toutes les cérémonies et qui rassemble la communauté du petit village.
- le meunier (lou mounie) avec son bonnet blanc caractéristique protégeant ses cheveux. Il peut se placer près du moulin. Ou bien s'il est sur son âne, il apporte un grand sac de farine et peut être en train de traverser la rivière.
Pendant longtemps j'ai cru qu'un vieux santon que je tenais de ma grand-mère et qui n'avait pas de signature dessous, était un meunier au bonnet rouge.
Il transporte deux gros seaux contenant des victuailles (je croyais que c'était de la farine).
Je ne sais pas de quand il date, mais je l'ai toujours vu enfant dans la crèche.
Grâce à un visiteur qui m'a laissé sa remarque en commentaire (voir ci- dessous) et que je remercie encore, j'ai appris qu'il s'agissait du bart(h)oumieu un personnage issu des différentes pastorales.
Il est un peu porté sur la bouteille, un peu poltron et pas très futé mais il est "brave" comme on dit en Provence, gentil et naïf. Habillé de travers, on voit bien qu'il tient une morue séchée dans la main droite.
Voilà cela fait longtemps que je me devais de corriger cette erreur (puis je l'ai oublié...) c'est chose faite aujourd'hui !
Bartoumieu que je prenais enfant pour un meunier...
- le pêcheur (lou pescadou) amateur est assis sur son rocher, il tente d'attraper quelque poisson avec sa canne à pêche. Qu'aurait-il d'autre à offrir ? C'est celui qui est en photo ci-dessous !
Le pêcheur professionnel, lui, transporte sur son dos un grand panier d'osier (canestello) rempli de poissons et sur son autre épaule, il a accroché son filet !
le pêcheur assis (lou pescadou)
lou pescadou devant la rivière
- le vannier apporte un grand panier comme berceau.
- la poissonnière (la peissouniero) venue tout droit de Marseille avec son panier de poisson sur la tête ou sous le bras est souvent représentée avec son autre poing sur la hanche.
-le rémouleur (l'amoulaïre) l'aiguiseur de couteaux, ciseaux et autres objets tranchants...
Il porte un grand tablier de peau pour se protéger des coupures et ne se déplace jamais sans sa meule de pierre et son réservoir d'eau. En même temps c'est lui qui colporte les histoires d'un village à l'autre.
C'est un métier d'antan qui était bien utile à la campagne.
- La fileuse (la fieladouiro) est une grand-mère occupée à filer la laine, assise ou debout, on la représente toujours avec sa quenouille (fielouso).
Ma petite-fille a décidé de la placer directement auprès des moutons, un raccourci qui nous a beaucoup amusé...
La fileuse et les moutons
-le chasseur (lou cassaïre) avec sa gibecière en bandoulière est suivi de son chien. Il apporte souvent un lapin et descend des bois.
- la femme aux fagots (femo au bos) arrive souvent de la même direction. Elle va pieds nus, courbée par sa charge pour apporter un peu de chaleur dans l'étable. C'est l'offrande la plus utile et la plus humble...
- Tandis qu'une femme du village apporte de l'eau...c'est la femme à la cruche (la femo a la dourgo).
On peut aussi trouver :
- l'aveugle (l'avigle) et son jeune fils en culotte courte avec sa coucourde en bandoulière (une gourde faite avec une courge sèche) qui le guide, symbole de l'amour filial ;
- les vieux (li viei) souvent par couples.
Quelquefois les vieux sont chargés d'un gros fagot qu'ils ont du mal à transporter... Moi je n'ai que le vieil homme solitaire.
La très vieille femme (ce santon appartenait à ma grand-mère)
- la femme sur l'âne (femo sus l'ase) qui apporte de la nourriture...ne me demandez pas quoi, c'est une surprise ! C'est la margarido de la pastorale Maurel.
Femme sur l'âne (Margarido)
- les bohémiens (li boumian) et leur roulotte ; trés présents dans la région d'Arles, ils font partie de la crèche traditionnelle.
- le maire (lou Conse) ; un personnage important du village !
- la lavandière (la bugadiero) qui tient son panier de linge ; elle revient de faire sa lessive au lavoir ou à la rivière. Elle porte son battoir à la main...
- La femme au berceau...
Elle apporte de quoi coucher confortablement le nouveau-né. C'est un très vieux santon qui appartenait à ma grand-mère.
La femme au berceau, l'arlésienne et une autre vieille femme apportant de l'huile
- l'arlésienne... on la place souvent près du tambourinaire. Elle apporte des petits cadeaux.
- la tricoteuse (la tricoutarello) ;
- le boulanger (lou fournié) ;
- la fermière donnant du grain à ses poules (la masiero apasturant si galino).
- le ramoneur (lou ramounaire) ;
- le forgeron et son enclume ; Il nous rappelle les petits métiers d'antan.
Le forgeron et son enclume
Le forgeron et son enclume encore
- l'apiculteur et sa ruche...
- le porteur de lavande...
quelques animaux pour agrémenter la crèche...
Enfin bien sûr... les Rois mages : Gaspard, Balthazar et Melchior le roi Maure (lou Rèi Mouro) avec leur équipage de chameaux.
Ils arrivent d'Orient guidés par une étoile. Ils représentent les continents : l'Afrique, l'Asie et l'Europe. L'Amérique n'est pas représentée car elle était inconnue à cette époque.
Et pour terminer quelques signatures (marques) de santonniers...
Quelques marques célèbres de santonniers de Provence !