Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Le journal que je tenais, et où il était essentiellement question de jaseurs disparus et des maux dont souffraient ma chienne et ma chatte avait pour but de me rappeler chaque jour la vie creuse que je menais. Je parlais des oiseaux pour confirmer l’existence d’un vide.
Voilà longtemps que mes copines du Cercle de Lecture me parlaient de cet auteur que je n'ai jamais lu. Et donc, j'ai suivi leur conseil et commencé par son meilleur roman "Les chaussures italiennes", d'autant plus que la suite "les bottes suédoises", vient de sortir à cette rentrée littéraire et que je compte bien le lire dans la foulée. De plus comme l'auteur est décédé l'année dernière, je me suis dis que c'était la moindre des choses de lire enfin un de ses romans.
L'histoire
A 66 ans, Fredrik Welin, un ancien médecin, vit seul avec sa chienne et sa chatte, toutes deux très âgées, dans une île perdue de la Baltique, en Suède.
Fredrik est venu vivre là, dans la maison de ses ancêtres après avoir commis une erreur médicale terrible qui a mis fin à sa carrière de chirurgien, une erreur qu'il n'arrive pas à oublier, ce qui se comprend.
Depuis douze ans, son quotidien est bercé par les changements de saison, les paysages magnifiques, l'entretien de la maison et l'idée que peut-être, un jour de printemps, il s'occupera de son vieux bateau qui pourrit au fond du hangar.
Il se force tous les jours à creuser un trou dans la glace, pour s'y enfouir et se sentir, grâce à la morsure du froid, un peu plus vivant.
Le froid de l'autre côté de la vitre me rappelle celui qui émane de mon propre corps. Je suis assailli des deux côtés. Mais je lutte, contre le froid et contre la solitude. C'est pourquoi je creuse un trou dans la glace chaque matin. Si quelqu'un, posté sur les eaux gelées avec des jumelles, me voyait faire, il me prendrait pour un fou. Il croirait que je prépare ma mort.
Seule la visite quotidienne de Jansson, le facteur de l'archipel, vient rompre sa solitude et son quotidien, qu'il ait ou pas du courrier à lui apporter, d'autant plus que ce dernier est hypocondriaque et se fait examiner très souvent pour une quelconque maladie imaginaire.
Un matin du solstice d'hiver, Fredrik retrouve sur la mer gelée, son ancien amour de jeunesse, Harriet, qu'il a lâchement abandonnée sans un mot, et en préméditant son acte, presque quarante ans auparavant.
Pourquoi Harriet est-elle venue jusque-là, d'autant plus qu'elle se déplace avec un déambulateur ?
Harriet se sait condamnée par un cancer incurable et souffre beaucoup. Elle compte bien avant de mourir, révéler à Fredrik ce qu'elle lui a caché toute sa vie et lui faire tenir la promesse qu'il lui avait faite à l'époque, de l'emmener au bord du petit lac où lui même avait vécu un moment inoubliable avec son père, alors qu'il n'était qu'un enfant.
Les voilà partis tous deux en voiture sur les routes gelées, pour retrouver le lac de son enfance.
Fredrik ne sait pas encore, qu'en revenant ainsi sur son passé, c'est toute sa vie qu'il va devoir revisiter et reconstruire avec ses regrets, ses remords et tout ce qu'il a tenté d'enterrer pour l'oublier mais auquel il ne peut plus désormais échapper...
La mort ne me fait pas peur. Ce que je n’aime pas, c’est l’idée que je vais devoir rester morte si longtemps...
Ce que j'en pense...
Voilà un écrivain que je découvre avec ce roman.
Cela ne m'étonne pas qu'Henning Mankell soit considéré comme un très grand écrivain nordique et qu'il soit le lauréat de nombreux prix car c'est un roman très bien écrit.
Les paysages sont grandioses et moi qui aime ces univers gelés et rudes, j'ai trouvé les descriptions de la nature particulièrement réalistes. L'île, la mer gelée tout l'hiver, les îlots alentours, les rochers déchiquetés par l'érosion, constituent à eux seuls un personnage à part entière et sont responsables de l'ambiance froide du roman. Mais si l'auteur les décrit avec réalisme, il n'y glisse aucune poésie, ce que j'ai trouvé dommage.
En dehors des paysages, l'auteur nous décrit des vies dévastées par l'incompréhension et la peur, mais aussi et surtout par le mensonge.
Le lecteur entre dans l'intimité des personnages et découvre leurs angoisses, la difficulté de leurs rapports, leurs solitudes et surtout le poids du passé.
Cependant, je n'ai pas du tout aimé la personnalité du héros, cet homme qui s'est retiré du monde pour fuir ses responsabilités...ce n'est pas ma tasse de thé, et même s'il recherche la rédemption, à aucun moment il n'a réussi à me toucher. Les réflexions qu'il nous livre sont pourtant profondément humaines et elles ont le plus souvent des accents de sincérité, mais moi, en tant que lectrice, je ne les ai pas trouvé très crédibles.
Je restais assis à me demander pourquoi j’avais choisi de devenir celui que j’étais…Pourquoi étais-je devenu cet homme perpétuellement en quête de nouvelles cachettes plutôt que d’intimité ? Pourquoi avais-je toujours vécu comme un renard avec plusieurs issues à son terrier ?
Il y a, je le reconnais de beaux passages au niveau littéraire, de belles scènes très cinématographiques d'ailleurs, au niveau des rencontres, mais je suis restée sur les rives gelées de son île, une position inconfortable d'ailleurs pour moi qui vis avec mes tripes et qui aie une sensibilité souvent exacerbée. J'ai trouvé que l'ensemble manquait d'intensité.
J'ai préféré de loin les personnages féminins, même si, touchées en plein cœur par la vie, elles sont quasiment devenues "caractérielles".
J'ai mieux compris leurs émotions, leurs révoltes, leurs désirs...sans pour autant m'attacher à aucune d'elle.
Seule Louise, m'a intéressé et explique que je tenterais la lecture de la suite...
C'est un livre dans lequel j'ai mis du temps à entrer et que j'ai trouvé beaucoup trop nostalgique, mais surtout c'est la froideur des échanges qui m'a beaucoup surprise. Ces personnes qui ne savent pas aimer leur prochain, ont sans nul doute des circonstances atténuantes, mais leurs états d'âme ne m'ont pas ému, comme c'est le cas habituellement dans ce type de roman.
Seules les chaussures italiennes viennent donner un peu d'espoir et de gaieté au roman et nous font rencontrer quelques personnages improbables, mais intéressants, mais je ne vous dirai pas ce qu'elles font là.
J'en conclus que l'auteur n'est peut-être pas, malgré son talent, mon style d'écriture et que trop de distances dans l'expression des sentiments, trop de froideur dans les rapports humains, expliquent que je ne l'ai pas apprécié à sa juste valeur...et que ce soit même pour moi, une déception.
Quant à la valeur symbolique de l'ensemble, aux thèmes qui sont mis en avant dans le roman comme par exemple, la vie et la mort, la culpabilité et la rédemption, la vieillesse et la maladie, la vérité et le mensonge...thèmes universels évidemment, je trouve qu'ils ne sont pas traités de façon très profondes.
Cependant en consultant internet, je m'aperçois que je suis loin d'être la seule et que beaucoup de personnes ont un avis mitigé sur ce grand romancier.
Alors je vous laisse libre bien sûr (!) d'avoir un avis contraire sur ce roman dont on a tant parlé dans les médias peut-être trop, ce qui explique peut-être que j'en attendais trop...
Un court instant j’ai osé me voir, tel que j’avais été et tel que j’étais devenu.
Le seul enjeu pour un être vivant est de ne pas lâcher prise. La vie est une branche fragile suspendue au dessus d’un abîme.