Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

Certaines n'avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka

Certaines n'avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka

Julie Otsuka a obtenu le PRIX FÉMINA ÉTRANGER en 2012 pour ce superbe roman qui relate un des pans souvent méconnu de l'histoire du Japon et de l'Amérique.

En effet, durant la seconde moitié du XIX° siècle, beaucoup de japonais ont émigré vers Hawaï puis vers la côte pacifique des États-Unis. Travailleurs acharnés, ils ont été embauchés dans les plantations de canne à sucre. Certains ont fini par s'établir comme artisans ou commerçants, déclenchant beaucoup d'hostilité de la part des américains.

Ces hommes font venir par paquebots entiers de jeunes femmes japonaises pour la plupart originaires de la campagne qu'ils ont épousées sans les connaître. Elles ne savent rien de leurs époux non plus, les croient banquiers et riches. Elles espèrent une vie meilleure et quittent tout.

C'est cette époque que l'auteur nous dépeint et l'originalité de ce roman est qu'au lieu de nous décrire le destin d'une ou deux de ces femmes, elle leur donne la parole à toutes, elle emploie le "nous", et "certaines", et les dépeint comme un ensemble, montrant ainsi qu'elles ont eu le même destin, celui d'être trompées au départ, de tout quitter pour mener ensuite une vie faite de travail et de misère.

Au début du XX° siècle, un bateau quitte le Japon avec à son bord de jeunes femmes dont certaines sont de toutes jeunes adolescentes âgées à peine de 12 ans.

Toutes ont été mariées par procuration à des japonais qu'elles ne connaissent pas et qui travaillent aux États-Unis.

Après une épouvantable et longue traversée, elles arrivent à San Francisco où elles vont retrouver celui pour qui elles ont tout quitté, celui qui les a fait rêver à une vie meilleure, leurs futurs maris.

Mais elles vont être déçues. Ce qui les attend et qui retentit dans le roman comme un chant collectif, c'est une nuit de noce brutale alors qu'elles sont encore pleines des nausées de la traversée et mortes de fatigue, des journées de travail épuisantes dans les champs, dans les ranchs ou chez des blancs, des humiliations, des difficultés pour parler une langue inconnue, et des enfants qu'il faudra bien faire naître parfois à même le sol, puis élever et nourrir dans des masures de fortune...et qui eux, auront honte  de leur culture.

Au fil du temps, certaines réussiront à s'intégrer, certaines même en viendront à ressentir un peu de ce bonheur tant attendu et même un peu de gratitude pour ce vieux mari avec qui elles ont partagé tant d'années.

Mais la guerre arrive et le gouvernement américain décide de les enfermer dans des camps d'internement, tout japonais étant considéré comme un traître.

La ville se vide peut à peu de ses japonais, les américains se taisent et bientôt oublient tout.

Elles étaient venues par milliers, avaient travaillé en silence, comme des forçats, sans jamais se plaindre, avaient connu la ségrégation et l'humiliation, puis en remerciement, elles ont été déportées...

Ont-elles disparu comme si elles n'avaient jamais existé ?

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article