Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Tu as donc enfin retrouvé le goût de peindre, dit Masahiko.
- Sans doute parce que je suis seul maintenant et que je n'ai plus besoin de le faire pour gagner ma vie. Cela m'a peut-être permis d'avoir envie de peindre pour moi-même.
- En toute chose, il y a un côté heureux, approuva Masahiko. Même les nuages les plus épais et les plus sombres scintillent d'une belle couleur argentée lorsqu'on les voit de l'autre côté.
Voilà la suite du roman présenté ICI.
Nous retrouvons le narrateur, dont nous ne saurons jamais le nom. Il est portraitiste. Il a finalement accepté de faire le portrait de Marié, la fille présumé de son voisin, Menshiki, et la jeune fille vient chez lui tous les dimanches matins, accompagnée de Shôko, sa jeune tante qui lit tranquillement dans le salon pendant que tous deux travaillent dans l'atelier. Ils parlent de tout et de rien mais surtout de leurs lectures, car Marié est une jeune fille étrange mais intéressante, qui n'a pas d'amis de son âge et porte un regard acéré sur les adultes qui l'entourent en particulier sur son père toujours absent de la maison.
Menshiki décide de venir par hasard un dimanche pour faire leur connaissance et les invite à venir la semaine suivante chez lui pour découvrir son propre portrait affiché maintenant dans son bureau. Lui et la jeune Shôko s'attirent. Marié s'en rend compte et se méfie.
Menshiki a fait des recherches, tout comme le narrateur, pour en apprendre davantage sur la vie de Tomohiko Amada, celui qui a peint le tableau intitulé, je le rappelle "le meurtre du commandeur". Il apprend que Tsuguhiko, son jeune frère s'est suicidé, après avoir été forcé par les nazis à participer à des massacres pendant la Seconde Guerre mondiale. Il semble que le peintre ait été mêlé, alors qu'il vivait en Autriche, à une tentative d'assassinat d'un dignitaire nazi, à la suite de quoi sa jeune fiancée a été torturée et fusillée ce qui explique peut-être son retour précipité au Japon, son mutisme, et son changement radical de style de peinture. "Le meurtre du commandeur" serait-il une métaphore de ces horribles événements ?
Un vendredi soir, la petite Marié disparait subitement à la sortie de l'école. Personne ne sait où elle !
Le commandeur qui apparait de temps en temps dans la vie (ou l'imagination ?) du narrateur, lui conseille d'accepter la proposition qui va lui être faite, s'il veut retrouver la jeune fille et la sauver.
Aussi, quand Masahiko Amada, son ami d'enfance lui propose d'aller avec lui rendre visite à son père, Tomohiko Amada, le narrateur n'est pas surpris de sa demande et accepte. N'a-t-il pas toujours eu envie de faire sa connaissance depuis qu'il loge dans sa maison ? Mais là, dans la chambre du vieil homme, les événements se précipitent. Le narrateur se retrouve dans une situation très étrange, face au commandeur qui lui demande tout d'abord de le tuer (donc de recréer dans la réalité la scène du tableau) puis, de suivre un étrange personnage apparu par une trappe (comme dans le tableau).
Le narrateur va suivre ses conseils. Voilà qu'il se retrouve dans un souterrain lui qui a toujours eu peur du noir et des espaces étroits, obligé de traverser une rivière, guidé par une étrange jeune femme qui lui dit l'attendre depuis longtemps. Il devra passer courageusement les différentes épreuves, traverser la rivière avec l'homme sans visage, boire cette eau sans saveur ni odeur, suivre son instinct et vaincre ses angoisses afin de traverser la forêt, retrouver sa soeur...
Il se retrouve finalement dans la fosse près de sa maison, sans aucun moyen d'attirer l'attention autre qu'en agitant la clochette.
C'est Wataru Menshiki, qui inquiet de ne pas le trouver chez lui, viendra le délivrer. Le narrateur découvre alors que Marié, pendant ce temps, est rentrée saine et sauve chez elle.
Où était-elle et qu'a -elle vécu pendant ces trois longs jours ?
Que se passera-t-il pour le narrateur après ce "voyage initiatique" dans les profondeurs de l'enfer ?
- Qui a dit : "La plus grande surprise que puisse connaître un homme est sa propre vieillesse".
Je lui répondis que je l'ignorais. Je n'avais même jamais entendu cette phrase. Mais en effet, c'était peut-être vrai. Pour un homme, il se peut que sa vieillesse soit un événement encore plus improbable que sa mort. Quelque chose qui dépasse de loin ce qu'il peut imaginer. C'est la sentence que quelqu'un lui annonce un jour, lui faisant clairement comprendre que son existence n'est plus indispensable à ce monde sur le plan biologique (ou sur le plan social).
Ce roman en partie fantastique, et donc auréolé de mystère, regroupe plusieurs thèmes.
Tout d'abord l'amitié, l'amour, la paternité, le couple. L'auteur nous offre de nombreuses digressions et réflexions philosophiques sur la vie et les relations humaines.
Puis il nous livre son regard sur la création artistique, et nous propose des réflexions très justes sur l'art, la peinture en tant que moyen d'exprimer ce qui n'est pas exprimable, mais aussi l'histoire de la peinture replacée dans le contexte historique du Japon donc entre tradition et modernité.
Tout cela sur fond de croyances japonaises : talisman porte-bonheur (le petit pingouin perdu par Marié qui sera retrouvé dans la fosse puis donné par le narrateur à l'homme sans visage pour pouvoir franchir la rivière), croyance dans la présence des esprits des disparus et interprétation des rêves parfois prémonitoires.
Il aborde aussi l'histoire de la Seconde Guerre mondiale à travers la vie et la jeunesse du peintre et de son jeune frère.
Dans ce second tome on est vraiment dans du roman fantastique ce qui m'a un peu déstabilisée car j'ai un peu moins accroché qu'avec le premier, mon esprit rationnel prenant par moment le pas sur le plaisir de la lecture. Mais heureusement, grâce au talent de l'auteur, le fantastique intervient dans la vie des personnages de manière totalement naturelle ce qui explique que nous n'en soyons pas vraiment surpris. Le lecteur suit le narrateur de près et vit avec lui les événements marquants, en particulier dans le souterrain, un passage qui fait appel à nos peurs enfouies parfois depuis notre enfance dans lequel même le lecteur perd la notion du temps et a l'impression de rêver.
Une suite intéressante même si j'ai moins adhéré à ma lecture, je ne la regrette pas. La fin est ouverte, si on sait ce qu'il advient ensuite du narrateur, le mystère reste entier autour du personnage de Wataru Menshiki et de nombreuses questions restent donc sans réponse.
A noter, le roman a été controversé à sa sortie à cause de quelques scènes érotiques (surtout dans le premier tome). Vous êtes prévenus...
Quand on désire vraiment quelque chose de tout son coeur, on est capable d'aller au bout de son désir. C'était ce que je pensais. A travers un canal bien spécial, le réel peut devenir irréel. Ou l'irréel devenir réel. Si on le désire de tout son coeur. Mais cela ne prouve pas que l'on soit libre...
Personne ne sait comment sont les choses réelles...Tout ce que l'on voit avec les yeux résulte en fin de compte uniquement de la relation entre des choses et des phénomènes. La lumière d'ici est la métaphore de l'ombre, l'ombre d'ici la métaphore de la lumière...