Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Le passé survit en chacun de nous. Peu importent les coups reçus, ces blessures ne sont que les déchets difformes de la mémoire, si souvent manipulés qu'ils en deviennent incolores, à peine vivants.
Voici un recueil de trois nouvelles écrites par Jim Harrison, un auteur américain dont je vous ai déjà parlé sur ce blog.
Elles ont été publiées après sa mort. Ce sont donc là les tous derniers écrits de l'auteur.
"Les Oeufs", la plus longue, nous parle de Catherine une femme très solitaire qui a choisi de vivre dans une ferme isolée du Montana s'opposant ainsi à la volonté de sa famille. Elle ne pardonne pas à ses parents la fuite de son frère, ni leur attachement excessif à l'alcool. Depuis qu'elle est toute petite, elle adore les poulets et a décidé d'en faire de l'élevage. Heureusement, pendant son adolescence, elle a passé du temps en Angleterre avec ses grands-parents et cela lui a permis de découvrir le monde. Elle a vécu avec eux des années de guerre plutôt difficiles, coincée dans le blitz londonien mais a fait quelques connaissances. Maintenant qu'elle est rentrée chez elle et est devenue adulte, elle fuit ses parents qui sont à présent séparés : sa mère vit avec un homme très riche et est devenue une personne superficielle, et son père est toujours autant accro à l'alcool... Tout cela ne simplifie pas sa vie privée, car ce qu'elle désire plus que tout au monde, c'est avoir un enfant mais sans le père.
C'est ma nouvelle préférée du recueil.
"Le Chien" (C.B.) reparle d'un des héros fétiches de l'auteur que personnellement, je n'ai jamais croisé dans son œuvre, Chien Brun. C'est un sang mêlé et une force de la nature qui aime les femmes et n'hésite pas à arriver à ses fins quoi qu'il advienne. Il vit comme un aventurier, ne possède rien, même pas une carte de sécurité sociale, mais il aime les chiens (il travaille d'ailleurs à attraper et recueillir les chiens errants). Il aime aussi pêcher une belle truite de temps en temps pour le prochain repas. Mais au fond de lui, il rêve de fonder une famille avec Gretchen qu'il aime plus que tout et avec qui il a eu une petite fille. Mais elle lui préfère les femmes. Cette nouvelle est très touchante car ce héros pas comme les autres, est tellement humain, qu'on ne peut rester indifférent à ses aventures, ses doutes et ses rêves. L'auteur met le doigt sur nos contradictions humaines, les relations de couple, la jalousie et notre besoin de sécurité et de liberté mêlé. J'ai beaucoup aimé aussi cette nouvelle.
La troisième, "L'affaire des Bouddhas hurleurs" est la plus courte du recueil. Elle met en scène l'ex-inspecteur Sunderson aujourd'hui retraité qui aime toujours autant la pêche en solitaire et malheureusement l'alcool. Pour aider les autres, il se met dans des situations incroyables et va devoir infiltrer une secte zen pour inciter une jeune fille qui en fait partie, fille d'un ami, à rentrer chez elle. Les membres passent beaucoup de temps à pousser des cris comme les singes (d'où le titre). Le problème est que l'inspecteur aime beaucoup les très jeunes filles ce qui est condamnable bien entendu. Il ne pourra pas résister à la toute jeune Barbara qui le provoque en lui proposant de s'occuper de son jardin. Comme il ne veut pas faire de la prison, il prendra une décision irrévocable. C'est la nouvelle que j'ai le moins aimé, non pas à cause du langage cru employé par l'auteur, ou des scènes de sexe, mais entièrement à cause des obsessions du héros qui rendent le récit particulièrement répétitif et lourd à porter, voire dérangeant par moment. Mais l'écriture de l'auteur rattrape ce ressenti et il y a tout de même, de beaux passages et de surtout l'humour...
Elle scruta le visage de C.B. pour essayer de comprendre cette humeur inédite.
Lui aussi tâchait d'y comprendre quelque chose. Il n'avait pas l'habitude de voir ses émotions plonger jusqu'au fond de leur réservoir, vers ces lieux que nous gardons tous secrets, mais aussi où nous nous protégeons et tentons de nous cacher des autres et de nous-mêmes.
Dans ces nouvelles qui comme les appellent les anglo-saxons sont des "novellas", c'est à dire des textes plus longs que des nouvelles, mais plus courts que des romans, l'auteur reprend ses thèmes de prédilections.
J'ai toujours eu du mal avec Jim Harrison parce que ce sont des lectures exigeantes et je m'étais toujours promis de le relire et de ne pas renoncer depuis que je l'ai découvert dans les années 80 (j'étais si jeune à l'époque !) avec "Légendes d'automne", un recueil de nouvelles magnifique réédité depuis avec une nouvelle traduction et plus tard "Un bon jour pour mourir", puis ma lecture plus récente de :
- Dalva, voir ICI sur mon blog.
- Péchés capitaux, voir ICI sur mon blog.
La lecture de ces nouvelles me permet de me replonger avec grand plaisir dans son univers et sa belle écriture.
Ses personnages sont toujours hauts en couleurs, les situations rocambolesques, les évènements surprenants et les récits riches en rebondissements.
Il y a aussi un côté cocooning dans ses nouvelles, un bon plat bien arrosé (un peu trop à mon goût) qui mijote et que l'on partage entre amis ou amants, des qualités humaines indéniables, de la tendresse qui fait tomber les masques et les carapaces des plus endurcis...
Ce que j'aime c'est la manière dont il nous fait entrer dans la peau de ses personnages que nous les trouvions sympathiques ou pas, on est pris au piège de leurs failles et de leurs faiblesses car il nous les décrit avec beaucoup de tendresse et non sans humour.
Ce sont des personnages qui lui ressemblent et sont dépassés par leur désir de vivre. Ils sont toujours tellement maladroits dans leurs relations avec les autres, imprévisibles, trop avides d'amour et ils abusent de l'alcool ce qui ne simplifie pas les choses.
Il faudrait que je relise son œuvre à présent.
En tous les cas, ce recueil me permet de participer pour la troisième fois au challenge "Bonnes nouvelles".