Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
J’ai toujours eu l’impression d’être passée à côté de quelque chose en lisant Jim Harrison tout en essayant de recommencer encore et encore…Je suis pugnace à vrai dire !
J’ai donc emprunté ce dernier roman parce que la bibliothécaire m’a dit qu’il était bourré d’humour…et que c’était du Grand Harrison.
C'est que ce bougre écrit bien et ses sujets de prédilection sont intéressants mais pour le lire au second degré, il faut s'accrocher !
C’est l’histoire de l’inspecteur Sunderson, 66 ans, un héros dont l’auteur a déjà parlé dans un de ses derniers romans intitulé "Grand Maître", paru il y a 3 ans, mais que je n’ai pas lu.
Sunderson vient de prendre sa retraite et de s’acheter une petite cabane au nord du Michigan.
Mais voilà qu’à peine arrivé sur les lieux, au fin fond de la forêt, il découvre que ses voisins sont des truands qui s’entretuent de père en fils (ou de mère en fille) et commettent crime sur crime. La terrible famille Ames sème la terreur depuis des générations !
Ses membres mâles ou femelles n’hésitent pas à tuer ceux qui s’approchent un peu trop près de leur domaine, à se bagarrer au moindre problème et à assassiner ceux qui ne partagent pas leur point de vue sur la vie. Dès le plus jeune âge, les enfants sont d’ailleurs armés et savent protéger les maisons d’un éventuel étranger…
Dans cette famille sans foi, ni loi, la violence est la règle, mais aussi les viols, les bagarres, les beuveries et les vols en tous genres. Les femmes sont battues à mort et les gamines à peine pubères, violées sans scrupules par tous les hommes de la famille. C’est l’enfer sur terre au milieu de paysages sublimes…
Même les policiers de la région ont renoncé à faire appliquer la loi. Mais lorsque les meurtres reprennent de plus belle et, devant l’insistance de Sunderson, ils se remettent à la tâche…
Le roman débute par l’histoire de Mona, la fille adoptive de Sunderson : elle vient d’abandonner ses études pour partir à New York avec son petit ami qui fait partie d’un groupe de rock. Diane, sa mère, est folle d’inquiétude. Elle demande à Sunderson d’aller la chercher à New York. Ce qu’il fait aussitôt car il ne peut rien lui refuser, malgré leur divorce. Mais le groupe est sur le point de partir en Europe et Sunderson doit absolument empêcher ce voyage. Il va monter de toute pièce une histoire abracadabrante de chantage et se retrouver grièvement blessé après avoir été violemment agressé.
Une fois sorti de l'hôpital, bien qu'encore convalescent, il peut enfin retourner pêcher avec Marion, son ami indien…
Mais six mois plus tard, alors qu'il n'est pas tout à fait remis de son agression, Diane lui demande de partir à Paris chercher Mona qui a contracté une hépatite, et vient d’être abandonnée par son petit ami.
Là-bas, fatigué par le décalage horaire, il s’endort et cède aux avances de Mona (pas si malade que çà !). Certes elle l’a provoqué mais de là à ce qu’il couche avec elle...
Bien sûr Sunderson va énormément culpabiliser, finir par le dire à Diane ce qui aggravera leur désaccord, mais tout çà n'est qu'anecdotique...
Mon avis
Le roman se lit facilement mais ne m'a pas emballé ! Il faut même être solide pour le finir tant il y a de longueurs.
En plus c'est un faux roman policier (ce qui est annoncé dès le titre) et malgré les meurtres à élucider, il n’y a pas vraiment d’action, ni de suspense mais beaucoup de répétition. C’est paradoxal, je sais...
Peut-être faut-il être de sexe masculin pour mieux comprendre les fantasmes du héros, s'amuser de ses frasques sexuelles et de ses beuveries et le trouver sympathique ?
D’un côté, on a les membres de la famille Ames qui s’entretuent et Sunderson qui participe à l’enquête par simple curiosité d'ancien flic (ou désœuvrement) mais aussi, le lecteur le comprend, pour essayer de disculper la petite Monica, qui, la pauvre, a peut-être été complice mais comme elle lui fait la cuisine (et bien d’autres choses agréables durant son temps libre), qu’il l’a sortie de la violence familiale et lui a trouvé un bon job, il veut absolument la protéger de son ignoble oncle qui la viole depuis qu’elle est gamine…
D’autre part, on a Sunderson qui, entre deux parties de jambes en l’air avec des gamines, et de parties de pêche à la truite, se remémore les grandes enquêtes qui ont étayées sa carrière, sa rupture dramatique avec Diane, son ex-femme qu’il aime toujours et dont il regrette la présence, et ses multiples et éphémères rencontres avec la gent féminine...
Au milieu, il nous livre (et l’auteur à travers lui) ses réflexions psychologiques sur une société américaine en déroute, sans foi ni loi, où la violence règne malgré le poids de la religion (et des péchés), où la possession d’arme incite les hommes à s’en servir, où la culpabilisation de tout un peuple d’avoir exterminé les indiens, a marqué la civilisation à jamais… Il veut d'ailleurs dénoncer cette violence aveugle pour maintenir dans son pays la liberté, qui lui est chère.
Ce héros qui arrive à nous livrer ces réflexions profondes sur des sujets graves et d'actualité, est pourtant absolument insupportable et je ne l’ai trouvé à aucun moment sympathique ou attachant mais pourtant ses réflexions le sont...
La femme que je suis en a eu marre de son côté "voyeur" lorsqu’il reluque sa voisine en train de faire son yoga en petite culotte, de ses fantasmes constants d’homme vieillissant mais encore vigoureux (tout du moins dans le roman !) et de ses passages à l’acte irréfléchies, actuels et passés.
J’en ai eu marre aussi de ses beuveries suivies de gueules de bois puis de culpabilisation et de promesses de ne plus recommencer, ainsi que de ses apitoiements sur lui-même et de ses regrets parce que sa femme l’a abandonné, parce qu’il buvait comme un trou et en cachette en plus, et baisait (ce qu’il fait toujours) dès qu’il voyait un joli petit cul passer à proximité (surtout s’il appartient à une jeunette de 18 ans).
Et bien sûr, comme beaucoup d’américains, il bouffe n’importe quoi, n’importe quand et n’importe comment.
Et en plus, il assume !
C’est pour moi lassant au possible… et pas du tout amusant, même si j'en conviens l'auteur provoque ainsi l'esprit "politiquement correct" qui sévit dans nos sociétés modernes.
Donc vous l’aurez compris, je me suis forcée à poursuivre cette lecture, attendant en vain une soudaine révélation qui n’a pas eu lieu.
Sexe à chaque page ou presque, heureusement sans grande description mais envahissant tout de même, alcool à gogo, drogues, inceste, alternent (ouf ! le lecteur souffle un peu !) avec les parties de pêche à la truite en compagnie de Marion, son ami indien.
Tous deux se ressourcent ainsi pendant des heures dans l’eau froide et par n’importe quel temps… au milieu d’une nature sauvage et dangereuse.
Bon je reconnais que le héros est pétri de contradictions et que l’idée de faire le tour des sept pêchés capitaux dans le même roman est originale, d’ailleurs le titre est assez clair à ce sujet. Il me faisait redouter le pire et le pire est en effet dans ce roman.
La lectrice que je suis trouve pourtant qu'il y a quelques bons passages et que le roman est écrit par un grand écrivain !
Il y a des pages amusantes comme celles où il nous décrit sa découverte, alors qu'il n'est qu'un enfant des sept péchés capitaux mortels, et en particulier de la luxure dont il abusera par la suite...
Les pages où il décide d’écrire sur le carnet que Diane lui a offert sont également intéressantes puisque Sunderson décide d’écrire sur le huitième péché capital, la violence, et n’y arrivera pas alors qu’il baigne dans cette violence depuis toujours, de part son métier et maintenant par son voisinage.
Son analyse de la société américaine est tout à fait passionnante.
Il a aussi des réflexions très intéressantes sur l'acte d'écriture.
Mais j’avoue qu’encore une fois, je n’apprécie pas totalement ce grand romancier américain, que je ne suis qu'à peine sensible à son humour, et, il faut bien l’avouer aussi, que toute cette violence sans morale m’agresse au bout d'un moment et diminue mon plaisir de lire… Car sur le plan de la violence, le lecteur n’est pas déçu !
Dans un vrai roman policier, cela ne me touche pas de la même façon...
Il faut donc admettre que j’ai besoin d’un peu plus de poésie en ce moment et que peut-être le moment était mal choisi pour moi de lire ce roman.
Mais, si je me souviens bien, j’avais dit la même chose en lisant "Dalva" que j’avais trouvé difficile à lire mais que j’avais lu jusqu’au bout sans me forcer. Dans ce roman-là, l'auteur parlait d'amour et même si la violence y était présente et l'alcool abondant, je l'avais aimé. J'avais également beaucoup aimé certaines nouvelles du recueil "Légendes d'automne" que j'ai lu bien avant de débuter ce blog.
Quelques extraits et réflexions du héros
"Il s’aperçut soudain de l’absurdité du sexe…La faim vous file la tremblote, vous met la tête à l’envers. Pareil avec le sexe. Votre corps est soudain incontrôlable et votre cerveau aux abonnés absents. Vous êtes à nouveau un jeune crétin, votre corps a seulement envie de baiser. T’es rien qu’un animal ! clament les gonades." (p. 66)
"Notre conquête du continent ressemblait étonnamment à celle de l’Allemagne nazie. Les soldats américains dirigeaient leurs fusils près du sol dans les tentes pour s’assurer de tuer toutes les femmes et les enfants, et pas seulement les guerriers…Il avait grandi avec de nombreux Indiens, si bien que les morts des livres avaient pour lui un visage humain." (p. 68)
"Orgueil. La plupart des hommes sont orgueilleux sans raison précise. Ils se comportent comme s’ils dirigeaient les Nations Unies…
Avarice. Compte tenu de mon éducation, je peux m’accorder une bonne note sur ce chapitre…
Envie. Je n’ai jamais très bien compris ce péché mortel. Je ne suis pas très sûr de ce qu’il inclut…
Luxure. Sans doute un de mes points faibles. Je ne sais pas pourquoi… J’essaie de me trouver des excuses. Peut-être ne suis-je pas entièrement sincère ? La générosité dont je fais preuve envers moi-même est vraiment sans limites !
Gourmandise. Je suis absous de ce péché, mais quand je savoure un bon plat, je le dévore jusqu’à la dernière bouchée.
Colère. Je bats tous les records sur ce chapitre…La colère consume une énergie folle alors qu’on aurait pu l’utiliser pour corriger la situation…
Paresse. Mon père ne se contentait pas de tondre la pelouse, il l’attaquait avec notre vieille tondeuse…on a attendu de moi que je suive son exemple…" (p.102- 112)
"Sommes-nous dignes d’une vie après la mort ? Tant d’êtres que le destin a fait souffrir toute leur vie en sont plus dignes que nous. Un ami médecin lui avait montré une photo de cadavres d’enfants noirs entassés comme des Lego devant une clinique africaine. Et ces corps d’enfants syriens qu’il avait vus à la télé. C’était insupportable. Qui pouvait abattre froidement un enfant ou le laisser mourir de faim ? Le monde était rempli d’atrocités qu’il ne pouvait pas digérer… " (p .129)
"A l’Université, en cours de philosophie, il pensait beaucoup trop souvent au mystère de la sexualité, un sujet qui ne figurait pas au programme des séminaires. C’était bien sûr plus intéressant que "Critique de la raison pure" de Kant. "(p 310)
"...(le) service religieux (qui) lui avait rappelé le fameux sermon sur les Sept Péchés Capitaux qui l’avait autrefois tant effrayé et dégoûté. Des semaines durant, il s’était attendu à mourir à chaque instant à cause de ses péchés. Il n’était pas mort, bien sûr, mais les dégâts étaient là. Il n’avait plus jamais réussi à considérer le christianisme comme une religion pacifique et il avait constamment l’impression que quelqu’un le surveillait…" (p. 314)
Voilà, ces quelques extraits choisis, vous donneront, je l'espère, une chance d’apprécier ce romancier plus que moi, si vous ne le connaissez pas encore !
Jim Harrison, de son vrai nom James Harrison, est né en 1937 à Grayling dans l’État du Michigan.
Son père était agent agricole.
A 8 ans, alors qu'il joue avec des camarades, le petit James perd accidentellement son oeil gauche.
A l'adolescence, il décide de devenir écrivain. Puis s'installe à Boston et à New York.
Marié à 23 ans, il a eu deux filles avec sa femme, Linda King.
Pour élever ses filles il renonce, après sa license, à débuter une carrière universitaire et écrit des articles dans des journaux.
La famille s'installe dans une ferme dans le Michigan en 1967.
Après avoir écrit et publié des poésies, il écrit ses premiers romans (et nouvelles)qui seront publiés à cette époque.
Dans les années 80, il écrira aussi des scénarios.
Il a écrit en tout plus de 25 ouvrages, dont les célèbres "Légendes d’automne", "Dalva", "De Marquette à Vera Cruz".
Son œuvre a été traduite dans 27 langues.
"Péchés capitaux" est son cinquième livre publié chez Flammarion, après "Une odyssée américaine", 2009 ; "Les Jeux de la nuit", 2010 ; "Grand Maître" et "Une heure de jour en moins", 2012 ainsi que "Nageur de rivière", 2013.
Jim Harrison partage sa vie entre le Michigan, le Nouveau-Mexique et le Montana mais j'ignore... s'il adore pêcher !
Son oeuvre fait partie du mouvement intitulé "nature writing", un genre littéraire à part entière qui regroupe des auteurs aimant écrire sur la nature, les grandes forêts, les grands espaces, les animaux sauvages, romans qui s'apparentent le plus souvent à des récits de voyage et d'aventure.