Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
- T'inquiète pas, elle ne t'embêtera plus, a-t-il murmuré.
Sa voix m'a réconforté. Sa voix m'a porté jusqu'au bout de cette foutue marche, jusqu'au château, jusqu'au dortoir, jusqu'à mon lit où je n'ai plus pleuré que de fatigue accumulée.
Quand même, cette phrase, ces mots, j'aurais dû me méfier.
Dans ce recueil composé de trois nouvelles, l'auteur met en scène des adolescents.
Dans la première nouvelle, "Le fils de l'étoile" Mestrel, 10 ans, fait la connaissance de François alors que les deux garçons partent en colonie de vacances au Touquet dans un vieux château que les moniteurs s'amusent à faire croire hanté. Ils deviennent amis. François est mutique mais fascinant... Mestrel, timide et renfermé, est tout de suite la risée de ses camarades de chambrée. Bizarrement, tous les harceleurs tombent malades : ils ont été intoxiqués et doivent être évacués. Mestrel ne sera plus ennuyé ! L'année suivante sans l'avoir prévu, les deux garçons se retrouvent. Cette fois c'est Muriel la monitrice qui fait de Mestrel son souffre douleur, en particulier pendant les balades à pied qu'elle mène au pas et à la baguette. Tout le monde a peur d'elle...mais n'ose rien dire. Voilà qu'un matin, elle disparaît mystérieusement et tout le monde croit qu'elle a quitté les lieux...
Est-ce pure coïncidence ?
Une nouvelle tout à fait glaçante à la limite du fantastique.
Dans la seconde nouvelle, "Des noms de fleurs", le lecteur retrouve quatre jeunes adolescents, deux filles et deux garçons. Ils se sont donnés des surnoms de fleurs parce que ce qu'ils veulent avant tout c'est se battre pour la planète. Il y a Rose (Cynthia), Iris et Lys qui forment un petit couple d'amoureux, et Chardon qui les attend dans la 205 Peugeot bleue de sa mère. Ils ont décidé de quitter leur famille, et leur vie d'ados, en laissant derrière eux ce message on ne peut plus clair : "Je ne peux pas vivre sur une terre irradiée".
Que vont-ils décider de faire ainsi réunis dans la Peugeot ?
J'en ai encore froid dans le dos !
Dans la troisième nouvelle, "Le Père à Francis", un jeune de la banlieue marseillaise apprend que Jean, le père de son ami Francis vient de mourir. Il avait tout fait pour eux dans le quartier. Il avait fait construire le terrain de foot, créé le club qui même si ce n'était pas l'OM pouvait permettre aux jeunes de rêver, de se surpasser, de faire des projets, et de plus des projets, "le père à Francis" en avait plein pour eux, en particulier concernant le narrateur qui lui vouait une admiration sans borne...mais rien ne s'est passé comme il le voulait. Le lecteur est navré pour lui...
Que d'espoirs déçus !
Je me souviens qu'il y eut tout d'abord un pâle reflet bleuté, issu de nulle part. Une sorte de halo, flou, sans contours. Puis cette lueur s'intensifia, elle prit forme, une silhouette se dessina...
Qui me croira ?
Bien sûr, il y en aura toujours pour désigner en la personne de Chardon, l'unique responsable de cette tragédie. Parce qu'il était le plus engagé, le plus radical, le plus véhément, les plus désespéré peut-être, parce qu'il était le plus vieux ou le plus roux. Tout y passe. Un fanatique...
C'était une grande gueule le père à Francis. Mais c'est obligé. Si tu gueules pas y a personne qui t'écoute. Les mecs ils te calculent même pas.
Dans ces nouvelles où le suspense est bien présent, le lecteur se retrouve en plein roman noir.
Pourtant le ton employé par l'auteur est plein de douceur et empreint d'humanité. L'auteur aime sincèrement ses personnages... Il nous fait entrer dans leur quotidien en nous donnant suffisamment de détails sur leur vie pour les rendre attachants. Le dénouement n'en est que plus tragique !
Le gouffre qui existe dans la réalité entre leurs rêves et la vie quotidienne fait que le lecteur comprend très vite à quel point tout cela est dérisoire, et vain. La vie pour eux n'est que violence, incompréhension et désillusions alors qu'ils avaient la vie devant eux.
Une très belle découverte que ce recueil dont on ne sort pas indemnes, vous serez prévenus.
Ma lecture me permet de participer pour la première fois au challenge Bonnes Nouvelles 2025 qui dure tout le mois de janvier (tout à fait par hasard car j'ai emprunté en médiathèque ce livre sans savoir qu'il s'agissait de nouvelles...).
L'auteur a obtenu le Prix François-Mauriac de l’Académie française en 2009 pour ce recueil.
J'aurais pu aller jusqu'au bout de la Terre, là où le ciel commence, là où il faut des ailes pour continuer, j'aurais pu le faire...
Y a des trucs comme ça qu'on voudrait pas avoir faits mais c'est trop tard. On peut pas revenir en arrière comme sur le magnétoscope...