Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Pourquoi en grandissant, doit-on perdre sa capacité à l'émerveillement ? Pourquoi se met-on à attendre autre chose de la vie que ce qu'elle a à nous donner ?
Voilà un roman qui permettra sans doute à nos adolescents de se poser des questions sur l'hyperconsommation dans nos sociétés dites "modernes" ou en tous les cas qui ne manquera pas de susciter des débats animés.
Hugo voit sa vie d'adolescent bouleversé par la mutation de ses parents, tous deux enseignants, à Mayotte. Or Mayotte a beau être une île française, rien ne ressemble là-bas à la métropole. Les Mahorais vivent dans la misère et le plus total dénuement, l'île accueille de nombreux immigrés comoriens, et il est le seul élève blanc de sa classe. Impossible pour lui de se faire des amis.
Les soirées entre expats ne se passent pas de manière très plaisante pour ses parents non plus, les plus anciens écrasant les petits nouveaux sous les conseils. De plus la mère de Hugo déprime tout comme lui de devoir passer quatre ans dans ce coin perdu de l'océan indien.
Ni la plongée sous marine, ni les plages paradisiaques, ni la vie rêvée ou l'enthousiasme de son père et de sa petite sœur, n'arrivent à combler le manque pour Hugo. Seule Françoise, la documentaliste du collège, est un soutien pour l'adolescent, elle l'aide à comprendre le monde qui l'entoure car elle vit ici depuis des années, et est mariée avec un mahorais.
Mais Hugo, déraciné et isolé, va tomber amoureux de Zaïnaba, et sa naïveté va lui faire commettre des erreurs : Zaïnaba se retrouve enceinte. Ses parents le rapatrient alors en urgence en France, où il va finir son année scolaire chez ses grands-parents en attendant leur retour...
Là, il va ressentir un véritable choc quand il réalise le contraste entre les deux cultures. Presque quatre ans ont passé, il a mûri et découvert une autre culture. Il pose alors un regard lucide et sans concession sur notre vie en métropole. Ici tout est trop, trop de slogans publicitaires, trop de monde, trop de modes, trop d'achats en tous genres d'objets dont personne n'a réellement besoin mais dont personne ne peut se passer. Les adolescents eux-mêmes sont les victimes toutes désignées de la société de consommation, ils pèsent une valeur marchande considérable et les marques savent comment les prendre pour cible.
Coupé du monde, Hugo s'enfonce dans une révolte d'adolescent au départ silencieuse et boudeuse, qui l'isole totalement des siens, puis après sa rencontre avec Charlotte, de plus en plus active quand il découvre que des groupes de résistance existent...
L'adolescence était un luxe que les enfants de l'île n'avaient ni le temps, ni les moyens de s'offrir.
J'avais aimé l'idée d'être amoureux d'elle et qu'elle le soit de moi, le désir que nous avions l'un de l'autre, le plaisir que nos corps, comme par magie, étaient capables de se donner...
J'avais adoré me sentir un homme auprès d'elle.
Et c'est en vivant enfin normalement à Mayotte que j'ai compris que c'est parce que je connaissais si mal la vie sur cette île que, inconsciemment, elle me faisait peur.
C'est un roman pour les adolescents qui aborde divers sujets : le dépaysement, le choc des cultures, l'ouverture aux autres et à leur mode de vie, même différent du notre.
Il porte sur les expats un regard sans concession. Ils vivent entre eux, s'offrent des loisirs très chers et inaccessibles pour les autochtones, afin de profiter au maximum des plaisirs faciles du lieu mais sans vraiment se tracasser pour les personnes vivant sous leurs yeux. Enfin heureusement il y a des exceptions !
Ce qui les amène dans ces contrées reculées, c'est avant tout le salaire supplémentaire qui leur est versé et leur permet lorsqu'ils reviendront en métropole de pouvoir s'acheter la maison de leur rêve, entre autre. C'est un peu caricatural bien entendu, mais c'est très bien décrit de l'intérieur. Est réaliste aussi, le racisme larvé et en tous les cas, le sentiment de supériorité qui les anime tant là-bas qu'une fois revenu en métropole.
C'est un roman qui suscitera beaucoup de débats sur l'hyperconsommation par contraste avec le dénuement total des habitants de Mayotte. Hugo est choqué de voir des gens se disputer violemment pour un vêtement ou un objet pendant les soldes et choqué par la façon dont ses proches vivent en métropole. C'est le sujet de la seconde partie.
J'ai lu ici ou là des critiques qui disaient que les deux parties n'étaient pas vraiment en lien. Au contraire pour moi, elles sont extrêmement reliées car Mayotte c'est la France.
Bien entendu, ce roman plaira aux ados car il est question de crise d'adolescence et de quête de soi, de premier amour et de sensualité. Ici, il y a des priorités différentes et les filles en particulier, même adolescentes sont plus libres car elles ont accès à la contraception et peuvent continuer leurs études en toute tranquillité ce qui n'est pas le cas là-bas. Il plaira aussi aux ados parce qu'il leur parle d'un adolescent qui cherche sa place dans le monde et doit se trouver alors qu'il se sent entre deux cultures très opposées.
Un roman à découvrir à partir de 14-15 ans. Merci à ma petite-fille de me l'avoir prêté pendant les dernières vacances de Noël. Comme toujours je suis très en retard pour présenter mes lectures.
Je ne crois pas avoir croisé de métropolitains fondamentalement racistes durant mon séjour sur l'île, mais je suis certain que tous, s'ils faisaient honnêtement leur examen de conscience, se rendraient compte qu'ils se sentent supérieur aux îliens, d'une manière ou d'une autre.