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Ma mère n'aura pas tort, je l'ai abandonnée là, je n'avais plus rien à dire. Brisée par son aveu. Elle resta face à moi, ses bras croisés, serrés sur son gilet de laine peluché, les doigts noués autour de ses mains gercées. Sans le savoir, je venais de la libérer.
Petite fille, j'avais une maladie secrète.
Dès que je restais trop longtemps chez moi, je fouillais. Nerveusement. Tout le temps. Partout. J'avais l'instinct du trésor caché. Ou bien alors j'avais été rongeur ou chien de terrier dans une vie antérieure.
Voilà un court roman autobiographique, une autofiction comme on appelle ce genre de témoignage à présent, qui nous emmène à Bilbao et en Galice, au temps de Franco, puis à Paris aujourd'hui.
L'autrice, née à Bilbao en 1979, dans le pays basque espagnol, découvre alors qu'elle est déjà adulte, qu'elle a été adoptée. Totalement perturbée dans sa vie quotidienne, tant professionnelle que familiale, elle décide de quitter provisoirement Paris, pour repartir sur les traces de ses parents biologiques, tout en mettant par écrit son ressenti et son vécu. La quête de ses origines ne va pas manquer de rebondissements, ni d'émotions. L'histoire est révélée en deux parties bien distinctes.
Dans une première partie, l'autrice va nous raconter la petite enfance de ses parents, tous deux abandonnés à la naissance à cause de la vie de misère de leurs propres parents. Julian et Victoria ont en effet été élevés à l'orphelinat, avec la honte pour Julian d'apprendre que sa mère est une prostituée. Pour Victoria, c'est une toute autre violence qu'elle subit : sa famille, qui à sa naissance ne voulait pas de fille, vient la sortir de l'orphelinat, alors qu'elle a dix ans, pour la maltraiter ensuite. Je vous laisse découvrir les détails...
En parallèle, l'autrice nous parle de sa propre enfance parisienne, durant laquelle son père, gardien du théâtre de la Michodière va peu à peu sombrer dans la boisson, et sa mère courageusement, va passer ses journées à faire des ménages pour assurer à sa fille une vie meilleure. Maria forcément en sera marquée, elle qui rêve de faire du cinéma et de devenir scénariste. Elle a honte face à ses camarades de classe car elle est rejetée en tant que fille d'immigrés. Elle en veut à ses parents de leur pauvreté et devient une adolescente rebelle.
Dans la seconde partie, la voilà profondément bouleversée par ce qu'elle vient d'apprendre en se faisant tirer le tarot. Elle a été adoptée et à partir de ce moment-là, elle va partir en quête de ses ancêtres biologiques pour comprendre qui elle est vraiment.
Malgré le sujet, ce premier roman est écrit avec une certaine distance qui m'a beaucoup surprise. Cela d'ailleurs m'a empêché de ressentir de l'empathie pour elle, et a limité mon ressenti au point de vue émotionnel. C'est finalement la toute fin qui m'a davantage touchée.
L'autrice écrit bien et nous livre son histoire de manière rythmée (pas étonnant qu'elle soit scénariste). Elle est également capable d'auto-dérision, tout en ménageant le suspense, et elle en profite au passage pour nous replonger dans la grande Histoire, du temps de Franco, alors que des trafics de nouveau-nés avaient lieu entre autres exactions.
Les passages où elle témoigne de l'enfance de ses parents sont touchants mais pas tristes car elle y met quelques pointes d'humour, ce qui donne de la légèreté aux propos. Cependant j'ai trouvé son style par moment trop haché, avec de nombreux retours en arrière qui m'ont perturbé, ce qui ne m'arrive que rarement, et j'ai eu souvent du mal à savoir de qui elle parlait.
J'ai beaucoup aimé par contre sa sincérité, le fait qu'elle ne cache rien de ses différents sentiments, ni de ses réactions personnelles et de ses révoltes, passant de la colère la plus violente à la tendresse infinie, quand elle nous parle de ses parents adoptifs. Elle nous livre ses réflexions et ses propos sonnent toujours justes.
Les thèmes abordés sont intéressants puisque c'est un livre qui bien entendu parle de l'adoption, de la filiation et de la transmission mais aussi de la souffrance de l'exil, de la difficulté de l'intégration et aussi de la masculinité...et de l'orgueil blessé qu'un homme n'arrive pas à dépasser quand il ne peut pas avoir d'enfant.
Le titre provient d'un dicton basque espagnol et veut dire que d'où que l’on vienne, on transporte avec nous nos racines... ce qui est très vrai.
Il m'a cependant manqué un petit quelque chose pour vraiment apprécier pleinement cette lecture. Je suis restée trop en dehors ce que je n'aime pas du tout ressentir lorsque je lis. Ce n'était peut-être pas le bon moment pour que je découvre cet auteur. Du coup j'ai un avis mitigé sur cette lecture mais je suis persuadée qu'elle plaira à d'autres personnes.
Ce roman a tout de même obtenu le Prix Les Inrockuptibles du premier roman en 2022 et le Prix France Télévisions en 2023.
Ciel bleu gris nous racontait que tout avait commencé avec les républicaines enceintes, emprisonnées pendant la guerre civile. Elles avaient donné de la suite dans les idées aux tortionnaires franquistes, qui, sous couvert de morale chrétienne, planqués dans les ténèbres de l’Opus Dei, se mirent à leur prendre leur progéniture. Après la guerre, certains ont continué à monnayer pour des bébés. Ça rapportait, ils faisaient payer de tous les côtés. Les médecins accoucheurs arrosaient les huiles stériles du pays ou revendaient les bébés à des couples désespérés, arrangement avec les filles de famille bien nées. L'opprobre était caché sous le tapis.