Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Si tu crois en la science, tu ne peux pas croire au divin.
Voilà un roman étrange qui nous transporte sur l'île de Batz au large de Roscoff, un endroit que je connais un peu pour y avoir passé des vacances d'été inoubliables en famille, il y a des années à présent.
Madenn tient un petit restaurant sur l'île. Hors saison, elle n'a souvent que peu de clients et attend patiemment la venue d'Isaac, un ado âgé de 16 ans, qu'elle a pris sous son aile depuis que sa mère est morte dix ans auparavant et que le père est dépressif. Pourtant au départ, elle ne l'avait pas laissé approcher, par pudeur certes mais aussi de peur de souffrir à cause de lui un jour, mais à présent, il lui manque quand il ne vient pas.
Depuis peu, une nouvelle famille est venue s'installer sur l'île, la famille Bourdieu. Le père est enseignant d'histoire à St-Pol-de-Léon. C'est un homme plutôt rigide et très pieux. Dans la petite communauté de l'île, on le considère même comme quasiment intégriste. La femme est gentille et cherche à protéger ses enfants de l'autorité paternelle. Ils sont venus vivre sur l'île, pour tenter d'améliorer la santé de leur petite Julia, gravement atteinte d'asthme. Ils ont aussi un fils, Hugo, âgé de 16 ans et passionné d'astronomie qui, malgré l'interdiction du père, va se rapprocher d'Isaac.
Isaac et Hugo se sentent différents, comme exclus du monde et cela les attire l'un vers l'autre irrésistiblement. Hugo, depuis qu'il a découvert la vie des étoiles, s'est détaché de la religion et son père lui en veut beaucoup pour cela et surtout ne le comprend pas. Le lecteur a même l'impression qu'il ne l'aime pas.
Un jour, le père Bourdieu reçoit Anne, religieuse chez les Filles de la Charité, arrivée depuis peu à Roscoff. Une des ses condisciples lui a prédit que la Vierge apparaîtrait en Bretagne et elle est persuadée que c'est pour elle qu'elle viendra, voilà pourquoi elle quitte Paris et se retrouve là, dans cette région qui n'est pas la sienne. Depuis toute petite, elle attend la visite de celle qu'elle a priée tous les jours avec ardeur et voudrait vivre ce que Catherine Labouré a vécu au XIXe siècle.
Or rien ne se passe comme prévu, car c'est à Isaac qu'elle (la Vierge_qu'il ne nommera pas !) va apparaître. Le jeune ado est bouleversé. Il apprend que sa mère aussi "voyait"...
L'information circule vite dans ces petites contrées isolées, et toute la région se retrouve tourneboulée par l'événement qui, très rapidement, va prendre des proportions incroyables, mettant en danger Isaac et obligeant son père habituellement en retrait, à réagir. Il y a ceux qui n'y croient pas et pensent qu'Isaac a tout inventé (comme Anne la religieuse, un peu jalouse), ceux qui y croient mais ont peur des conséquences pour les habitants de la région car ils n'ont pas oublié la prédiction : quand une apparition survient, elle est toujours suivie d'un drame...
Alors la population tremble et sous le coup de la passion et de "l'hystérisation" de l'évènement, les jalousies, les rancœurs et les blessures enfouies se réveillent...
Michel Bourdieu se retourna enfin, toisa à l'entrée du salon ce second fils qui n'avait ni la carrure ni l'aplomb du premier, dont la présence seule suffisait à soulever en lui un mépris qui lui échappait encore. Certains enfants se résument à ceux que l'on leur préfère.
- Tu sors ?
- Je vais utiliser ma lunette. Je reviens dans une heure.
- Il fait nuit dehors.
- C'est le principe.
Michel Bourdieu se détourna, l'air vexé.
Voilà une autrice que j'avais découverte avec son remarquable et remarqué roman qui a obtenu plusieurs prix "Le bal des Folles", présenté ICI, qui a été également adapté au cinéma (et pour une fois j'ai vu le film !).
Ce second roman est différent par son sujet, la religion, mais également par ce qu'il implique de la Bretagne d'aujourd'hui, de ses croyances encore vivaces et de leurs conséquences collectives. C'est un roman d'ambiance qui s'attarde beaucoup moins sur les personnages que ce que je pensais au départ. Le point de vue sociologique, et l'analyse des comportements de groupe, sont toutefois intéressants.
L'auteur a très bien restitué l'ambiance de la région et la vie sur l'île qui se retrouve c'est vrai, souvent isolée du continent lors des tempêtes. Les croyances, les légendes ont encore la vie dure en Bretagne, comme encore dans beaucoup de nos régions et je serais curieuse d'avoir l'avis d'un habitant de l'île sur ce roman et les représentations qu'il véhicule.
L'auteur sait aussi, par les multiples détails qu'elle intègre dans son récit et les dialogues réalistes, donner beaucoup de crédibilité aux personnages ce qui m'a permis d'apprécier la lecture de ce livre. Cependant j'ai été un peu déçue par leurs échanges, chacun d'eux restant dans son monde sans vraiment tendre la main aux autres. Ils ont tous par contre une relation particulière avec le ciel, en fonction de leur vécu, des êtres disparus, qu'ils aiment les étoiles comme Hugo, ou soient croyants comme son père ou la religieuse.
Madenn est un personnage féminin formidable, forte et émouvante à la fois dans son rôle de mère de remplacement. J'ai aimé aussi le jeune Isaac tout en ayant un peu pitié de lui et en pressentant que seul un drame pourrait le sortir de la situation dans laquelle il s'est mis sans le vouloir.
C'est un roman qui se lit facilement, mais ne m'a pas enthousiasmé comme je l'espérais. J'ai donc un avis plutôt mitigé sur ma lecture. Trop de mystères peut-être ou trop de religion dans les propos ? Je suis restée souvent devant le promontoire face à la mer, sans rien ressentir. J'ai aimé par contre les balades et les descriptions des paysages, l'ambiance sur l'île étant tout à fait plaisante quelle que soit la météo et me rappelant de merveilleux souvenirs.
J'ai vu que sur le site Babelio, les avis étaient plus que mitigés...je me sens moins seule.
Vous pouvez aller lire l'avis de Géraldine ICI.
- Les bretons ne défient pas la nature, ils lui obéissent. Ils ont encore le sens du sacré.
Car il fallait obéir, oui, se soumettre au plus grand, reconnaître le sacré et tendre vers le divin, et c'est parce que l'homme contemporain l'avait négligé, parce qu'il avait cru s'émanciper en désacralisant toute chose, qu'il causait l'effondrement de son temps.
- Une société qui ne vénère rien n'est pas libre. Elle est malade, vous comprenez ?
Dès lors qu'on ne doute plus... c'est là que surviennent les miracles.