Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Rose, le monde est comme un cerisier qu'on n'a pas regardé pendant trois jours. Tu étais hier une enfant joyeuse, une adolescente meurtrie, une jeune femme en colère, mais le monde tourne si vite que je m'adresse à une femme du passé alors que c'est à celle que tu deviens que je voudrais écrire.
Alors qu'elle n'a jamais connu son père, japonais de naissance, Rose qui approche de la quarantaine, se rend au Japon pour découvrir chez le notaire ses dernières volontés et la lettre qu'il lui a laissée. Elle est reçue dans sa maison, au petit soin de Sayoko, l'employée qui a servi son père toute sa vie, et de Kanto, le chauffeur. Elle va être prise en charge également par Paul, assistant et ami fidèle de son père qui est belge et parle français, mais vit au Japon depuis des années.
Celui-ci est chargé de l'emmener dans divers endroits que son père a choisi pour elle, tout en répondant à ses multiples questions. Ainsi elle visite la ville, ses jardins, ses temples, ses restaurants et bars à thé (et à bière ou à saké).
Au départ agressive et emplie d'amertume, elle se laisse aller à être même carrément désagréable. Elle en veut à son père de l'avoir abandonnée, découvre que tout n'est pas si simple. Celui-ci l'a en effet vu grandir à distance comme le prouve une pièce entièrement tapissée de photos d'elle à tous les âges de sa vie, petite avec sa mère, adolescente, et même devenue adulte et avec ses amants. Sa vie entière était donc connue de son père. Elle comprend alors que c'est Maud, sa mère dépressive et suicidaire, qui avait voulu couper les ponts, que lui l'a aimé à distance car il ne pouvait faire autrement, et en avait fait la promesse, et cela malgré le fait que Paule la grand-mère ait tout tenté pour plaider sa cause.
Amateur d'art contemporain et doué en affaire, il est aimé de tous dans la petite ville de Kyoto. Dire qu'elle est sa fille lui ouvre toutes les portes. Peu à peu, la jeune femme découvre une autre facette d'elle-même dont elle ne connaissait pas l'existence et ce voyage qu'elle ne voulait pas effectuer, va non seulement la mener à découvrir son père mais aussi à mieux se connaître elle-même.
De quoi le deuil est-il le plus difficile ? De ce qu'on a perdu ou de ce qu'on a jamais eu ?
Dans la nuit elle rêva qu'elle se promenait avec son père dans un champ de prunier près d'un temple de bois sombre. Derrière eux marchaient les démons de ses contes d'enfance. Devant une fleur d'une beauté extrême, les pétales en éclairs de diamant, les étamines comme des traits d'encre claire, Haru lui tendait la main en disant : Tu prendras le risque de la souffrance, du don, de l'inconnu, de l'amour, de l'échec et de la métamorphose. Alors, de même que la fleur de prunier est en moi, ma vie entière passera en toi.
Je n'avais jamais rien lu de Muriel Barbery depuis la sortie de son roman qui l'a propulsé sur le devant de la scène et que tout le monde connait soit pour avoir lu le livre soit par le film, "L'élégance du hérisson". Je l'avais lu à sa sortie et je l'avais apprécié bien avant le battage médiatique qui a suivi. Cependant je l'avais trouvé un peu trop feel-good à mon goût...
Autant le dire franchement, dans celui-ci, je n'ai pas du tout aimé le personnage de Rose. Cela m'a considérablement gâché mon plaisir de lecture. D'un autre côté, j'ai eu du mal à lâcher le livre car je voulais savoir si elle allait enfin lâcher prise et se laisser aller à découvrir ce père qu'elle rêvait de mieux connaître. Le fait qu'elle soit botaniste et ne s'intéresse pas vraiment à ce qui l'entoure en dehors de son nombril m'a beaucoup surprise au départ, mais au fur et à mesure que j'ai découvert son enfance, sa vie avec une mère dépressive, ses doutes d'adolescente, je lui ai pardonné sa froideur, son indifférence envers la vie, la distance qu'elle sait mettre entre elle et les autres, sa peur de la relation aux autres.
Elle a vraiment un caractère détestable et sait particulièrement se montrer désagréable avec ceux qui l'entourent et qui ont aimé son père. Ils ne sont pas responsables de ce qu'elle a vécu et elle se comporte trop souvent comme une adolescente capricieuse. Alors qu'elle a plein de questions à poser sur son père, il faudra attendre la toute fin pour qu'elle se décide à le faire.
J'ai trouvé cousu de fil blanc l'évolution de sa relation avec Paul. Il est son opposé en tout et les contraires s'attirent, c'est bien connu. Cependant, il faut bien reconnaître qu'il la comprend et l'aide à évoluer en mieux.
J'ai aimé cependant l'ambiance toute douce de ce roman initiatique, l'immersion dans le Japon moderne mais aussi ancestral, avec ses coutumes, ses silences, la cérémonie du thé et la présence des fleurs partout, chacune correspondant à un état d'esprit, à une humeur particulière.
Peu à peu, Rose se découvre en même temps qu'elle découvre les lieux et les personnes qui aimaient son père et qu'il aimait aussi en retour.
Certains passages sont très poétiques, et j'ai apprécié les descriptions des paysages, l'ambiance dans les temples, les légendes qui précèdent chacun des chapitres qui portent ensuite leur nom.
Et autre point positif, je trouve la couverture très belle.
Ce n'est donc pas un coup de cœur, mais un livre agréable à lire et à découvrir, empli de douceur et qui fait du bien, car il nous invite à profiter de l'instant sans arrière pensée...et à suivre le chemin vers lequel nous devons aller.
Vous pouvez aller lire l'avis enthousiaste d'Anne ICI. C'est elle qui m'a donné envie de l'emprunter à la médiathèque.