Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Le poète pose un autre regard sur la vie : il la tord, la malmène, l'embellit. Il ose le symbole, rapproche deux réalités et crée un monde nouveau. Tu étais le meilleur des poètes, Krosto : quand tu poussais la porte de mon atelier, les poches de ton veston débordaient de papiers annotés, griffonnés, dessinés, et ton rire suivait de près tes pas.
Pour rendre service à son ami Philippe, qui n'a pas de moyen de transport, Florent se retrouve au cimetière du Père Lachaise un jour triste de novembre. Il a perdu son père quelques mois auparavant et son ami cherche à le distraire par tous les moyens.
Désœuvré, en attendant que Philippe ait fini son travail, Florent erre parmi les tombes. Les souvenirs douloureux des derniers jours de son père remontent à la surface. Voilà que peu à peu, il tombe sous le charme du lieu, et qu'en suivant un chat, il se retrouve devant la tombe de Guillaume Apollinaire. Il ramènera de sa balade dans le cimetière un bout de bois que Philippe vient de couper, sur lequel les cernes de croissance sont visibles et marquent les saisons, mais sur celui-ci, la belle saison semble éternelle.
A partir de ce jour-là, connaître la vie de Guillaume Apollinaire (Gui ou Kostro pour les intimes) va devenir pour Florent une véritable obsession d'autant plus qu'il semble en lien spirituel avec le poète. En effet, tandis qu'il (re)découvre les vers du poète, des souvenirs de sa propre enfance remontent à la surface. Et, en parallèle, de nombreux rêves (des coïncidences ? des hallucinations ?) lui font vivre des pans entiers de la vie du poète qui s'avèrent après vérification, être vrais.
Florent est désorienté, il ne comprend pas d'où proviennent ces images, ni ce qui lui arrive. Il délaisse tout ce qui l'entoure, sa thèse, ses amis, et même Louise sa compagne.
Il va prendre l'habitude d'aller marcher en forêt pour ressentir le vécu du poète, se rendre dans ses lieux préférés, marcher dans ses pas pour mieux le comprendre. Peu à peu, sa vie quotidienne s'en trouve profondément transformée.
Bien entendu, le lecteur découvre les personnages célèbres qui ont entouré Guillaume Apollinaire, ses amis fidèles comme Picasso, ses passions et bien entendu, ses amours, ses muses donc...
Le poète me façonnait, me redonnait des contours que je ne me connaissais pas, un souffle de vie dont je goûtais chaque caresse. Son énergie créatrice me fascinait : rien ne semblait l'arrêter, cet homme était un touche-à-tout jamais rassasié, toujours en quête de nouvelles formes poétiques, d'un art aux limites inexplorées.
La mort efface les tourments, les peines et les souffrances. Les hommes ne retiennent des disparus que le bon, l'excellent ou la fantaisie; tandis qu'au -delà de ces murs les vivants ne sont que petitesse, aigreur et vindicte.
Nous, les étrangers, les sans-le-sou, nous brûlions notre vie par les deux bouts. Toujours et intensément. A deux, nous étions plus forts, nous nous comprenions, il nous suffisait d'un regard pour faire fi des autres et de leur esprit étroit. Dans ce monde pourri jusqu'à l'os, où les hommes préfèrent les chants d'obus à ceux des sirènes, désormais je suis seul.
Le choix de nous faire connaître la vie du poète à travers le regard de ses proches, est tout à fait intéressant.
L'auteur donne la parole en alternance à Florent qui nous raconte son quotidien et à un ami, une muse ou une autre personne faisant partie de la vie du poète. Ainsi le lecteur découvre le ressenti de Pablo Picasso, du Douanier Rousseau, de Marie Laurencin, Madeleine Pagès, de Lou (Louise de Coligny), de Jacqueline son épouse, puis Ruby...toutes ces personnes nous parlent du poète, de ce qu'il leur a apporté, de leur séparation, de la vie quotidienne avec lui.
Le roman ne suit pas une chronologie précise puisqu'il suit les découvertes faites par Florent, ses hallucinations lorsqu'il se trouve dans un lieu, ou lorsqu'il fait d'improbables rencontres, ses rêves éveillés ou nocturnes. Les deux vies de Guillaume et de Florent s'entremêlent au point que par moment la lecture demande beaucoup d'attention pour démêler le réel du rêve.
J'ai aimé ce que Florent nous apprend sur son enfance, ses blessures, la mort de sa mère, le silence de son père, les manières un peu brutales dont celui-ci fait preuve pour le faire grandir (comme le "larguer" seul dans la forêt en lui demandant de retrouver la voiture sans aucune aide extérieure).
J'ai aimé bien que je sois restée simple spectatrice, le fait de mieux connaître la vie et les amours d'Apollinaire, son enfance, ses blessures, son engagement durant la guerre et bien entendu ses derniers instants. N'ayant pas fait d'études littéraires, je connaissais seulement quelques épisodes de sa vie.
J'ai été conquise par l'étendue de la culture de l'auteur, heureuse de relire entre les pages des poèmes d'Apollinaire, des extraits de lettres, des citations.
J'avais beaucoup aimé le premier roman de l'auteur présenté ICI sur le blog "A crier dans les ruines" et j'ai donc abordé cette lecture avec grand plaisir. J'avais hâte en effet de retrouver la plume à la fois plaisante, poétique et très fluide de l'auteur.
Je savais que ce roman serait aussi un hymne à la nature, tant vantée par le poète. Sur ce plan-là je n'ai pas été déçue.
Je sors pourtant de cette lecture avec un avis mitigé, car j'ai été déçue par la dernière partie du livre qui représente pourtant peu de pages.
La dixième muse c'est Gaia que nous connaissons tous. Elle symbolise tout ce que représente la nature vivante, à la fois source de vie et de destruction. Elle nous oblige à nous interroger sur notre lien avec la Terre et la nature, au fait que nous faisons partie de l'univers et que nous soyons, que nous le voulions ou non, reliés aux autres êtres vivants et aux éléments.
Mais, bien que je sache tout cela et connaisse la puissance de sa symbolique qui prend sa source dans la mythologie, arrivée à cette partie-là de ma lecture, j'ai décroché.
Est-ce le style trop "scolaire" à mon goût de ces quelques pages ? L'impression que l'auteur a voulu étaler sa culture ? Je n'ai pas la réponse et vous me connaissez, je privilégie toujours la sincérité.
C'est un comble pour moi qui aime tant la nature, et qui ait surnommé ma première chatte "Gaia" de passer ainsi à côté de ces pages que d'autres ont adoré.
Peut-être avez vous lu et aimé ce roman ? En tous les cas, d'autres avis enthousiastes ou plus ou moins partagés sont sur Babelio ICI, et totalement enthousiastes chez T Livres ? ICI, et Hélène ICI.
Ne t'inquiète pas ma Ruby, je suis comme ces arbres en hiver : sur leurs branches dénudées, les oiseaux ne se posent pas et vont chercher ailleurs un meilleur refuge ; leur tronc paraît sans vie, presque mort, mais au printemps s'ouvrent de nouvelles feuilles. Ce soir, je suis ce chêne millénaire. Un peu tordu, je peine à trouver la lumière, mais dans quelques mois, j'aurais de nouvelles ramures, et mes bras pourront de nouveau t'accueillir. Fais-moi confiance, la guerre m'a épargné, je suis invincible.