Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Ta maison, notre maison, a vieilli d'un coup. C'est à peine si je la reconnais tant elle est vidée de sa substance...
Par quoi commencer ? Il faut des cartons, des sacs, tout un système de tri, il faut déshumaniser tout ça, anéantir ton univers puisqu'il n'a plus de bien-fondé. J'erre d'une pièce à l'autre telle une intruse, ce que je vais faire est sacrilège, pardonne-moi. Tu n'as pas eu le temps de préparer ton intérieur à cet outrage, tu ne m'as pas dit ce qui doit être respecté et ce à quoi tu renonces. C'est à moi de choisir, de trancher et de condamner.
Restons encore aujourd'hui, dans le sud de la France.
Toute cette semaine, mes chroniques littéraires mettront à l'honneur les femmes, demain étant, vous le savez tous, la Journée internationale des Droits des femmes.
Flora est dévastée, sa mère tant aimée avec qui elle entretenait une relation fusionnelle, vient de mourir d'une leucémie aiguë, à 56 ans à peine. Elle est désorientée, elle a perdu non seulement une mère, mais aussi une amie, une sœur, une confidente, un modèle, et elle se sent très seule.
En vidant la maison, un acte terriblement douloureux pour elle, elle découvre un cahier, dont elle ignorait l'existence. C'est un journal, écrit il y a des années. Bien entendu, passée la première surprise, Flora, qui croyait que sa mère n'avait aucun secret pour elle, décide d'en prendre connaissance.
Sa mère y raconte une courte période de sa vie durant laquelle, elle avait décidé, alors qu'elle avait à peine la trentaine, de partir en vacances quelques jours seule, sans le père de Flora, la petite fille passant quelques jours chez sa grand-mère.
En effet, cette année-là, Frederic le mari de Viviane, se montre violent verbalement et la déprécie sans cesse. Elle décide donc, de louer un gîte pour faire une pause. Là-bas dans le sud de la France, dans le petit village perdu des Cévennes, St Jean de Buèges, elle va renouer avec la nature, arriver à dormir sans cachets, et surtout reprendre confiance en elle et goût à la vie. De plus, sous les yeux bienveillants de sa logeuse et des habitants, elle va faire connaissance avec un homme plus jeune qu'elle, amusant et bien décidé à ce qu'elle découvre la région et ne s'ennuie pas, c'est Gilles. Ils tombent amoureux, l'été facilitant les rencontres. Ils sont faits l'un pour l'autre et décident de ne plus jamais se quitter. Mais, le séjour de Viviane se termine, c'est un déchirement. Elle doit repartir...et avant leurs retrouvailles, Gilles tient à se recentrer sur ses études : il doit absolument réussir son diplôme de droit. Viviane retourne donc à Paris, pour acter son divorce, car elle est bien décidée à quitter Frederic.
Rien ne se passera comme prévu...
Frédéric s'oppose violemment à leur séparation, la dépréciant encore davantage dans cette décision qui pourtant lui appartient. Il menace de lui enlever Flora, en faisant intervenir ses relations pour en avoir la garde. Viviane est anéantie car elle sait qu'il est capable de tout, et elle n'arrive pas se décider à abandonner sa petite fille qu'elle aime tant.
Tandis que Gilles réussit ses études, et qu'il décide de ne pas prendre contact avec elle par respect (il a décidé que Viviane le contacterait en temps voulu, quand elle serait prête), elle renonce...
Ils ne se reverront jamais.
Vingt-cinq ans après, en prenant connaissance du contenu de ce cahier, Flora est bouleversée. Elle comprend la décision de sa mère, uniquement prise par amour pour elle, et sa souffrance, d'autant plus que son père a fini par la quitter des années après. Elle conçoit alors un projet fou : prendre contact avec Gilles, devenu juge de paix...
Maman,
Quand je sonde notre passé- on ne peut donc plus parler que de passé ! - je me dis que nous sommes allées au-delà de l'affection d'une mère et sa fille ; que ce soit bien ou mal, je m'en fiche complètement, les psys ont des idées fixes à ce sujet, moi pas, d'autant que je n'ai pas d'enfant, donc je ne sais pas où est la norme-le politiquement correct de la maternité.
Tu l'écris dans ton cahier dès la première page : nous nous sommes reconnues et apprivoisées, cela ne s'est pas fait en deux jours mais après ç'a été un pacte indéfectible.
C'est la première fois que j'entends ces mots, jusqu'alors aucun homme ne s'est hasardé à me dévoiler sa vulnérabilité, au contraire, chacun d'eux croyait devoir endosser le rôle de conquérant.
C'est un roman qui se lit d'une traite, comme une parenthèse dans notre propre vie. Je ne me suis pas ennuyée une seule seconde tant il est prenant. Le roman est émouvant et j'avoue avoir été très touchée par certains passages qui correspondent bien au ressenti que nous pouvons avoir, enfin je parle pour les femmes, là.
En effet, ce roman nous parle d'amour et de passion, d'inattendu, de résilience et de deuil, et bien entendu de secrets de famille. Les dialogues sont plein d'humour et sonnent toujours juste. A travers les propos de Viviane, l'auteur nous parle de la relation amoureuse avec beaucoup de finesse et de sensibilité. Elle analyse avec beaucoup de justesse la réaction et les doutes qui assaillent les personnages quand la passion est là, et qu'ils ne s'y attendaient pas.
Les personnages principaux sont très attachants et ont tous une personnalité intéressante et marquante.
Flora, désormais seule, ne peut laisser le lecteur indifférent tant ses propos nous touchent. Nous avons tous une mère qu'elle soit encore là ou pas, et nous comprenons le vide créé par sa disparition. Flora est meurtrie mais sûre d'elle et n'ayant pas manqué d'amour dans sa vie, elle est bien décidée à réparer ce qui a été détruit à cause d'elle. Passionnée par son métier, elle n'hésitera pas à s'en servir pour arriver à ses fins.
Viviane jeune nous apparait fragile mais déterminée à reprendre en main sa vie. C'est une belle personne, et j'ai aimé lire ce qu'elle a écrit dans son journal, la manière dont elle remet peu à peu sa vie en question, ses doutes et ses réflexions.
Frédéric, le mari de Viviane, est odieux, on connait tous des hommes capables de tenir de tels propos méprisants qui ne veulent que dominer leur femme et n'hésitent pas à leur manquer de respect, voire à devenir violents, verbalement ou physiquement.
Quant à Gilles, on aimerait toutes avoir un jour croisé un ami (ou plus si...) aussi rassurant, respectueux, léger et empli d'humour, sans pour autant manquer de sérieux.
Les personnages secondaires sont vivants et bien du sud, en tous les cas, ils sont bien décrits dans un contexte très réaliste. Seule Bénédicte qui sympathise avec Viviane, m'a semblé par moment "un petit peu trop" caricaturale...mais elle est crédible et elle a toujours des histoires à raconter sur les gens, ou la vie du village, et son parcours de femme est intéressant car il correspond bien à une réalité, lui-aussi.
Le roman alterne la voix de Flora qui vient de perdre sa mère (et sa raison de vivre) et s'adresse à elle en commençant son récit par "Maman", et des passages du cahier racontant cet été-là, vingt-cinq ans avant donc. Le découpage est subtilement mis en place pour créer le suspense. D'ailleurs, je ne m'attendais pas du tout au dénouement.
L'auteur a une plume très agréable et poétique, elle nous décrit les paysages de cette région du sud Cévennes, avec beaucoup de réalisme, et les mots employés ont une puissance évocatrice que je n'avais pas rencontré depuis longtemps dans un roman, peut-être est-ce dû au fait que je connais le sud, mais j'ai ressenti intiment la chaleur de l'été, entendu les cigales chanter, senti l'odeur du romarin en me promenant avec Viviane sur les sentiers, au milieu de la garrigue qui ressemble tant à la mienne. Le lecteur comprend tout de suite que l'auteur connait bien ce lieu qui sert de décor au roman et y a passé ou y passe du temps.
La relation fusionnelle entre Viviane et sa mère, fait bien entendu réfléchir le lecteur...et le fait que sa mère renonce à sa vie amoureuse pour elle, je suis certaine que beaucoup de femmes le comprendront et se reconnaitront dans les pages où elle raconte sa décision.
Ce n'est pas un livre triste malgré les passages poignants et l'évocation du deuil et de la perte d'un être cher, la violence psychologique perpétrée par le mari, et les faits tels qu'ils sont. Cela fait du bien de lire ce genre de livre plutôt "joyeux" finalement, même si le lecteur sait dès le départ qu'il y aura des passages tristes.
J'ai aimé aussi le décalage de vocabulaire entre le présent et le passé, les dialogues entre Viviane et Gilles ne ressemblent pas à ceux des amoureux d'aujourd'hui et cela permet de remonter agréablement dans le temps.
Au passage, un peu de philosophie fera aussi réfléchir le lecteur.
Merci à l'auteur de m'avoir accordé sa confiance et de m'avoir contacté personnellement pour que je découvre son livre et vous le propose en lecture. J'ai passé un très bon moment de lecture, et j'ai été touchée par les belles valeurs qui traversent les personnages en particulier Viviane.
Finalement, mon seul bémol, c'est que je ne trouve pas le titre à la hauteur du livre, il donne l'impression d'un contenu léger, voire superficiel, or l'écriture est très recherchée et chaque mot choisi avec beaucoup de finesse et de justesse.
Ce livre a obtenu le Premier Prix catégorie Roman, du Concours "les Arts Littéraires" décerné en 2021, un prix vous l'aurez compris, largement mérité pour un premier roman.