Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
"Ecoute-moi bien, mon fils, lui avait-il dit. Longtemps tu rêveras de ce moment et il se passera de nombreuses nuits avant que le désir de retrouver tout cela ne s'estompe de ta mémoire. Mais je t'en conjure, regarde bien autour de toi pendant que tu le peux encore, et emporte tout ceci pour le conserver éternellement dans ton coeur. Est-ce que tu comprends ? "
Assad avait serré plus fort la main de son père et avait hoché la tête pour lui faire croire qu'il comprenait.
Mais ce jour-là, Assad n'avait pas compris ce que son père avait voulu dire.
Des migrants viennent d'échouer sur une plage de Chypre. Certains sont en vie, d'autres n'ont pas eu cette chance. 0n donne à chacune des victimes un numéro. C'est ainsi qu'une femme âgée, retrouvée ce jour-là, devient la victime 2117. Son véritable nom est Lely Kabali. Elle est d'origine syrienne, comme tous ceux qui se trouvaient sur ce bateau ce jour-là. Très vite, les policiers chargés de les recevoir, découvrent qu'elle a été en fait assassinée d'un coup de couteau.
Joan Aiguader, un journaliste espagnol, est sur place et décide de couvrir l'affaire, espérant se faire bien voir par sa hiérarchie. Mais c'est le contraire qui se produit, car il ignore l'assassinat, lorsqu'il publie son reportage dans son pays. La directrice en chef du journal, honteuse d'apprendre qu'il s'est trompé, l'oblige à mener l'enquête en profondeur, pour comprendre pourquoi cette femme a été tuée sur ce bateau ne transportant que des migrants, et par qui. C'est ainsi que Joan, repart à Chypre. Il va se retrouver mêlé à une sombre histoire de vengeance et de terrorisme. Mais, au fond de lui, il a fait une promesse à la vieille dame, il a décidé de découvrir la vérité et ne lâchera pas l'affaire...
A des kilomètres de là, au département V de Copenhague, Gordon, Carl et Assam, mènent une enquête compliquée, pour retrouver l'identité d'un mystérieux "malade mental", Alexander. Celui-ci s'est enfermé dans sa chambre, dont il refuse de sortir. Il a promis de tuer ses parents et des passants, pris au hasard de ses rencontres, lorsqu'il arrivera au score de 2117 victimes virtuelles, sur son jeu en ligne. Ils apprennent très vite qu'Alexander, qui suit l'actualité de près, veut ainsi venger la mort de cette vieille dame, devenue pour tous, la victime 2117. Il veut ainsi, en perpétrant lui-même un massacre, obliger les occidentaux à se pencher sur le sort des migrants...au lieu de rester indifférents. Gordon, Carl et Rose recherchent assidument son identité et son lieu de résidence, pour empêcher le pire d'arriver.
Mais l'équipe est amoindrie par le décès brutal de leur ancien collègue, Lars Bjorn, chef de la police danoise et de son frère...ce qui amène Assad à raconter à l'équipe, les liens particuliers qu'il nouait avec l'ancien chef.
Chez Rose, un autre membre de l'équipe, à qui il a rendu visite, Assad découvre l'article de journal espagnol écrit par Joan sur lequel figure la photo de la victime 2117. Il est anéanti. Il la connaissait ! Elle l'avait accueilli, sa famille et lui, alors qu'il était poursuivi et obligé de se cacher, car recherché par la police secrète de Saddam Hussein, il y a des années de cela.
En regardant de plus près la photo, il reconnait aussi les deux femmes en larmes, et semble-t-il terrorisées. Il s'agit de sa femme et d'une de ses filles, qu'il n'a pas vu depuis plus de 16 ans, et qu'il croyait mortes. Son douloureux passé ressurgit. A leur côté, il reconnaît aussi Abdul Azim, devenu chef djihadiste de Daesh, celui que l'on surnomme Ghaalib.
Assad, qui apparaissait toujours gai et plein de sagesse, est obligé de montrer ses faiblesses et de raconter à ses coéquipiers son passé de militaire, un passé qui lui a fait croiser Ghaalib, ce personnage d'une grande cruauté, qui aujourd'hui veut se venger, après lui avoir enlevé sa famille.
Le roman se poursuit en Allemagne, où Ghaalib met en place un attentat terroriste, après avoir pris Joan en otage. La catastrophe est imminente. Carl et Assam, partent sur leur pistes. Ils seront aidés par leurs homologues allemands et intégrés rapidement au sein de leur équipe dirigée par Herbert Weber, le chef antiterroriste bavarois.
Mais ce qu'ils ne savent pas, c'est que les bombes vont être placées dans des fauteuils roulants, celui sur lequel Joan, drogué et incapable de bouger, est retenu prisonnier, mais aussi dans trois autres...
En guise d'appât, il avait choisi un Arabe pure souche. Un jeune homme pieux avec une barbe bien longue, vêtu d'une veste coupe-vent blanche et d'un pantalon marron ample, coiffé d'une calotte blanche, de manière à ce que personne ne puisse douter de sa religion. Par mail, Hamid lui avait expliqué où et quand il pourrait croiser le mécréant et se trouver assez près de lui pour le tuer. Il lui avait promis que sa famille ne manquerait plus de rien à l'avenir, et l'homme avait accepté avec humilité, heureux de servir une cause aussi juste.
Le roman fait alterner les voix d'Assad, de Carl Morck, le policier, ami d'Assam, de Joan, le journaliste espagnol, d'Alexander, le jeune geek, et de Ghaalib. Il nous permet de connaitre l'équipe d'enquêteurs chargés habituellement des affaires non élucidées, et de croiser Rose et Gordon. En donnant la parole à différents personnages, l'auteur permet au lecteur de prendre connaissance de leurs différents points de vue.
Les jours sont décomptés de J-13 jusqu'au jour J. Les indices sont distillés peu à peu, ce qui fait monter le suspense crescendo.
Ce qui relie Carl et Assad est un lien très fort d'amitié qui va au delà du simple lien professionnel. Assad a eu une vie tragique qui nous prend aux tripes. Il fait partie des personnages attachants du roman.
L'auteur est très précis dans ses descriptions concernant la mise en place des actions terroristes, c'est totalement glaçant ! Il nous parle de radicalisation, de tortures dans les prisons irakiennes, de femmes et hommes drogués, devenus incapables de se défendre, et qui seront sacrifiés le jour J, ce qui fait monter de façon considérable la pression au fur et à mesure du décompte des jours.
Ce thriller aborde donc des sujets d'actualité. La tragédie des migrants ne peut laisser le lecteur indifférent. Il se lit facilement, car l'auteur sait disperser dans son récit, ça et là, quelques pointes d'humour qui allègent l'ambiance, nous faire entrer dans les relations complices des différents membres de l'équipe, et aussi nous faire voyager entre Espagne, Danemark, Allemagne, Irak et Syrie.
J'ai trouvé que c'était un excellent thriller, bien qu'ancré dans une actualité douloureuse et difficile.
Sur le pas d'une porte, il voyait ses filles, Nella, six ans, et Ronia, cinq, dans leurs robes couleur lavande. Elles agitaient leurs mains vers lui d'un geste doux et gracieux. Marwa, l'air souffrant, se tenait entre les deux, les yeux remplis de larmes et les deux mains sur son ventre et sur le troisième enfant à naître. Son regard était un adieu...
Je ne connaissais ni Carl, ni Rose, ni Assad, qui sont les membres du département V de Copenhague, mais je suis heureuse d'avoir fait leur connaissance en lisant ce roman. En effet, je n'avais encore jamais lu cet auteur de polar venu du nord.
Ce polar fait partie d'une série que l'auteur, lauréat de nombreux prix littéraires, a commencé à écrire en 2007. Cela ne m'a pas du tout dérangé lors de ma lecture car d'une part, l'essentiel est dit pour que le nouveau lecteur comprenne le principal et, d'autre part, chacun des opus raconte une nouvelle enquête. Il s'agit du huitième de la série.
Ce roman a obtenu le Prix Babelio "Polar et thriller" 2020.
La nuit avait été un vrai désastre. Pendant des heures, Alexander avait essayé en vain de faire avancer le jeu. Chaque fois qu'il faisait un pas en avant, il était repoussé de deux pas en arrière.
Il tapa rageusement sur le clavier, puis, conscient que cela ne le mènerait à rien, fit danser le fandango à ses doigts sur la souris. Mais il dut rapidement se rendre à l'évidence, il était dans l'impasse...