Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Bassam et Rami en vinrent à comprendre qu'ils se serviraient de la force de leur chagrin comme d'une arme.
Mon nom est Rami Elhanan, je suis le père de Smadar. Je répète cette phrase chaque jour, et chaque jour elle devient quelque chose de nouveau parce que quelqu'un d'autre l'entend. Je la dirai jusqu'au jour de ma mort, et elle ne variera jamais, mais continuera d'ouvrir une minuscule brèche dans le mur...
Bassam Aramin (palestinien), et Rami Elhanan (israélien) nous racontent leur histoire. Ce ne sont pas des personnages de fiction. Ils ont tous deux perdu leurs filles Abir Aramin et Smadar Elhanan, de manière tragique, tristes victimes du conflit israélo-palestinien qui n'en finit pas de détruire deux peuples qui s'affrontent pour la même terre.
Abir était partie acheter des bonbons quand elle a été victime d'un tir et a reçu une balle en caoutchouc dans la nuque.
Smadar s'est retrouvée avec ses copines au milieu d'un attentat-suicide en plein cœur de Jérusalem.
Deux enfants disparues à jamais à dix ans d'intervalle dans une guerre qui n'en finit pas... Combien d'autres resteront anonymes ?
Les deux pères se rencontrent dans une association, le Cercle des parents.
Ils recherchent les causes, le pourquoi des choses, le hasard qui a fait que "tout est géographie" et que leurs filles chéries se sont retrouvées-là, à ce moment-là, au mauvais endroit.
Tous les deux décident de participer à des conférences, pour informer, parler de leur recherche constante de la paix, une recherche qui n'a pas toujours été leur objectif principal, car ils ont eu tous deux des vies mouvementées, mais qui l'est devenu à présent... car de vengeance, il n'en est pas question, de colère oui mais ensuite, qu'en faire pour qu'elle ne soit pas vaine.
Ils nous content leur vie passée, l'histoire de leur famille. Bassam a fait de la prison pendant 7 ans, il a commis des crimes quand il était jeune et qu'il ne désirait que se venger. Il ne pensait pas qu'un jour son chagrin le rapprocherait d'un père juif qui comme lui avait souffert. La famille de Rami a connu l'holocauste, son grand-père est un rescapé des camps...
Tous deux nous parlent de la personnalité de leurs filles, Abir et Smadar, avec mille petits détails, dans des passages bouleversants que je ne suis pas prête à oublier.
Sans cesse dans leurs propos, ils nous parlent des oiseaux, symbole de liberté, leur pays étant placé sur les couloirs des grandes migrations, mais bien entendu, ils nous parlent aussi de politique, de religion, de vie quotidienne au Moyen Orient (dans des villes désertées car détruites), de culture et de bien d'autres sujets souvent érudits, ou très spécialisés, que je ne vais pas énumérer ici.
Le lecteur est invité à découvrir les détails de ce drame qui a détruit la vie de ces deux familles, les deux pères cherchant à comprendre, à défaut de l'accepter, comment ils en sont arrivés là...
La question essentielle qu'il (Einstein) souhaitait poser à Freud était celle-ci : estimait-il possible de guider le développement psychologique de l'humanité de façon à la rendre résistante aux psychoses de la haine et de la destruction, libérant ainsi la civilisation de la menace persistante de la guerre.
L'Apeirogon c'est une figure géométrique qui comprend un "nombre dénombrablement infini de côtés" et donc de facettes. On peut donc l'observer en commençant par n'importe lequel et choisir celui que l'on préfère. Quel que soit notre choix, sa découverte sera multiple et d'une grande richesse de points de vue, car cela paraît impossible d'en faire le tour, sans en oublier une entrée.
L'auteur nous en propose 1000 différentes pour appréhender l'histoire de ces deux pères ayant tous deux perdu leur fille, à dix ans d'intervalle, dans des circonstances dramatiques. Ces "entrées" de quelques lignes à peine ou de plusieurs pages, sont numérotées de 1 à 500, puis après quelques pages centrales écrites à la première personne d'après des interviews réels de Bassam et Rami, de 500 à 1.
La construction est originale et peut perturber le lecteur car elle entraine forcément quelques répétitions. Les événements sont retracés en alternance, selon le point de vue de chacun, là où il en est de sa réflexion et de sa compréhension, ou de sa recherche d'une réponse.
Ce livre n'est pas facile à lire, l'auteur se disperse souvent dans des digressions que le lecteur a parfois du mal à relier au récit principal, mais qui enrichissent le récit, nous font réfléchir et il y a toujours un lien que l'on comprend parfois plus tard. Il faut se laisser porter pour être emporté, c'est la seule solution, lâcher-prise pour comprendre.
C'est un roman bouleversant qui ne s'oublie pas, tant il est riche et porte en lui d'humanité.
D'autres avis chez Alex, chez Eve pour qui c'est un coup de cœur, ou plus mitigés sur Babelio...
Qu'est-ce qu'on peut y faire ? On ne pouvait pas nier la possibilité de vivre côte à côte. Je ne demande pas forcément que les gens s'entendent tous, ni rien de mièvre ou de farfelu- je demande qu'il leur soit permis de s'entendre. Et à partir du jour où j'ai commencé à y réfléchir, je me suis dit que j'avais mis le doigt sur la plus importante de toutes les questions : qu'est-ce que tu peux faire, toi, pour tenter d'empêcher que d'autres endurent cette souffrance insupportable ?
Tout ce que je peux vous dire, c'est que de cet instant-là jusqu'à aujourd'hui j'ai consacré mon temps, ma vie, à aller dans le plus d'endroits possible, à discuter avec le plus de gens possible, des gens qui veulent écouter-même des gens qui ne veulent pas écouter- pour livrer ce message simple, très élémentaire, à savoir : Nous ne sommes pas condamnés, mais nous devons essayer d'écraser les forces qui ont tout intérêt à nous faire taire.