Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Les voiliers et les femmes. Quelque chose disjoncte chez les hommes, à ce niveau-là. Il y a quelque chose de si irrésistiblement féminin dans les voiliers, que les hommes oublient que ce sont des objets. Sinon pourquoi les plus bourrus loups de mer baptiseraient-ils leur bateau "Roxanne" ou "Juliette" ? Ce n'est pas seulement de l'amour, c'est du désir...
Les bateaux ont-ils une âme ? Apparemment. Du moins, leur essence se mêle-t-elle à celle de leur propriétaire. Et de même que les gens finissent par ressembler à leur chien, ils finissent par ressembler à leur bateau.
Les bateaux abandonnés racontent des histoires. Des gens ont la tête ailleurs, ils sont licenciés, ils tombent malades ou divorcent et leurs bateaux évoquent des vies tristes et compliquées ; les bâches bleues masquent temporairement le déclin, jusqu'à ce que le vent change de direction...
Pendant une course, il dictait non seulement les manœuvres du bateau, mais aussi l'ambiance et les émotions. S'il plaisantait, nous nous détendions tous, mais pas question de le distraire intentionnellement...
Au coeur de la baie de Seattle, la famille Johannssen se passionne pour la voile depuis des générations. Le grand-père dessine des bateaux, le père les construit, la mère passionnée de physique et de mathématiques étudie leur trajectoire, la force du vent sur les voiles et la poussée de l'eau. Les enfants suivent le mouvement et effectuent sans rechigner (ou presque) les sorties du dimanche par tous les temps. Ils n'ont pas le choix et doivent eux-aussi être passionnés coûte que coûte.
Mais la passion ne suffit pas ! Ni Bernard, l'aîné, ni Josh, le cadet n'arrivent à la cheville de Ruby, la petite sœur. Elle, quand elle navigue, elle fait corps avec l'eau et le vent, et sait se glisser entre les bateaux pour gagner les courses.
Mais un jour Ruby se dérobe lors d'une course et refuse de la gagner. La famille ne survit pas à cet échec et se disperse.
Le lecteur les retrouve tous, des années plus tard. Bernard est parti faire le tour du monde et ne donne quasiment pas de nouvelles, en fait il est en fuite. Ruby, après des années en Afrique à tenter de sauver le monde, s'isole dans une communauté.
Josh est le seul à s'occuper de ses parents. Il travaille désormais sur un chantier naval où il passe ses journées à retaper de vieux bateaux pour des passionnés souvent désargentés, mais qu'il essaie d'aider à réaliser leur rêve. Il passe son temps libre en soirée à faire des rencontres pour tenter de trouver l'âme sœur, sans résultat probant et, le lendemain, il amuse bien ses collègues de travail en leur racontant sa soirée.
La mère devenue enseignante se perd chaque jour davantage dans ses recherches qui lui permettent de fuir un quotidien qui la fait trop souffrir. Elle voue un culte passionné à Einstein qui aimait aussi les bateaux. Le père en veut à la terre entière. Il devient de plus en plus irascible et taciturne. Et le grand-père dessine toujours des bateaux. Ses petits-enfants l'adorent et c'est un personnage terriblement attachant, un doux rêveur en fin de compte.
Un jour, le père ramène à Josh un des premiers bateaux (un Joho 39) ayant appartenu à la famille et lui demande (lui ordonne plutôt) de le remettre en état pour que tous participent à une ultime course, la célèbre Swiftsure. Au départ Josh n'y croit pas et se rebiffe, mais son père le harcèle chaque jour davantage pour arriver à ses fins.
Quand le jour de la course arrive, tous en attendent finalement quelque chose, mais rien ne se passera comme prévu...
Sur l'eau, nous nous sentons compétents, exaltés, et le bonheur dure jusqu'au moment où nous débarquons, quand nous trébuchons sur le trottoir, que nous ne trouvons plus nos clés de voiture, que nous ne nous souvenons que notre jardin est envahi de mauvaises herbes...
- Je dirais au contraire que Josh est le membre le plus ambitieux de notre famille...
- C'est lui, a-t-elle poursuivi, qui voit toujours ce qu'il y a de mieux chez chacun de nous...
- Et c'est lui aussi qui croit qu'il peut réparer tout ce qui est cassé, même s'il sait que ça cassera encore, probablement. C'est notre confident et notre complice, et je parie qu'il en fait autant pour un tas d'autres gens. Il essaie toujours, même quand c'est peine perdue, de se débrouiller pour que chaque chose, chaque personne, reste intacte. Voilà son ambition.
Il faut aimer la mer, et si possible la navigation, pour apprécier vraiment ce roman.
Cependant, la voile n'est pas le sujet principal malgré les apparences. L'auteur décrit merveilleusement bien les ambiances qui règnent au sein de la marina, sur le chantier de construction, sur le pont d'un bateau, comme au sein de cette famille aimante bien que pas du tout comme les autres. Les difficultés de communication sont bien présentes et les silences parfois lourds à porter, mais l'amour qui les unit est bien là à chaque instant dans les actes de chacun.
J'ai peur que toutes les descriptions et tous les termes techniques gênent certains lecteurs. Perso je n'ai pas trouvé ça trop long car je connaissais la plupart d'entre eux, ayant fait un peu de voile quand j'étais ado et ayant dans ma famille, plusieurs membres passionnés par la navigation.
Si on passe outre ces descriptions techniques, on découvre un roman prenant, drôle et touchant qui nous parle de l'emprise d'une passion (ici la voile) sur les membres d'une même famille, et de ses conséquences dans leur vie, une passion qui les unit au départ, mais qui va finir par les séparer peu à peu.
J'ai aimé que ce soit Josh, le plus calme et sensible de la famille qui raconte leur histoire. Il décrit leurs relations conflictuelles avec beaucoup de finesse, car comme en mer, l'humeur de ses proches peut passer du calme à la tempête. Mais la tendresse dont il fait preuve envers sa fratrie et ses parents, transparaît à chaque page. Sa personnalité est très attachante car il est en plus très généreux et capable de donner beaucoup de lui-même pour des inconnus, pour ses amis ou sa famille.
J'ai aimé découvrir cette famille dont tous les membres finalement s'aiment, mais se déchirent car ils ne savent pas comment se parler vraiment...sauf sur un bateau.
J'ai aimé la kyrielle de personnages secondaires qui entoure les membres de la famille.
J'ai apprécié autant les moments d'humour, et parfois le cynisme des personnages et donc des dialogues, que les moments émouvants.
Pour aimer ce roman, il faut donc se laisser porter "face au vent" afin d'arriver à franchir la ligne d'arrivée sans encombre, mais attention la fin est poignante, vous êtes prévenus.
Une belle découverte que cet auteur que je ne connaissais pas. Je la dois encore une fois à Hélène. Merci à elle de m'avoir donné envie de découvrir cet auteur et ce titre.
N'oubliez jamais que ces histoires varient en fonction de la personne qui les raconte et qu'aucun récit des premiers exploits de Ruby sur l'eau n'échappe aux contestations. Le problème vient en partie du fait qu'un grand nombre de ses prouesses n'étaient pas crédibles...Et ainsi que l'on prouvé les pêcheurs et les marins à travers les siècles, avec l'aide des reflets, des mirages et du rhum, le curseur de la vérité est situé plus bas quand on est sur l'eau.
Je suis en pause vacances pour les jours à venir !
A bientôt donc...