Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
"Je vois ce que les femmes ne peuvent voir. Je vois ce que les hommes ne montrent pas aux femmes. Je suis la fille qui veut être libre comme un garçon. Je suis la fille sans nom"...
C'est le premier roman de l'auteur que je lis et je ne regrette pas cette découverte bien que, encore une fois, ce livre soit un pavé de plus de 650 pages et que j'ai pris toute une semaine pour le lire.
Evidemment, je suis enthousiaste puisque c'est ma première lecture de l'auteur, alors que j'ai vu sur internet que certains lecteurs se lassaient de ses sagas. A voir donc pour mes lectures futures de ses œuvres !
Si elle avait dû décrire ce "barrio", elle aurait simplement dit qu'il était poussiéreux. La poussière était partout, faite de la terre sèche des rues non pavées, qu'on traînait avec soi et que chaque bourrasque de vent venait plaquer sur les maisons, et aussi une poussière plus fine, qui enveloppait ce quartier et ses habitants et les rendait pour ainsi dire flous, comme si leur existence était incertaine. Il y avait de la poussière dans le regard résigné des passants, sur leurs chaussures parce qu'ils traînaient les pieds, et peut-être dans leurs cœurs parce qu'ils n'avaient pas vraiment d'avenir.
Les gens qui la regardaient passer avaient des yeux éteints, la bouche édentée, la peau fripée, jaunie et terne, comme les figues sèches. La crasse qui couvrait les corps ne suffisait pas à dissimuler leur misère, la faim les dévorait jusqu'aux os. Une pauvreté pareille, Raquel l'avait croisée dans les villages juifs d'Europe de l'Est, là où elle avait grandi. Une misère sans espérance.
L'auteur nous emmène en Argentine en 1912.
Dans la nouvelle ville de Buenos Aires, viennent de débarquer plusieurs européens qui ont fui de chez eux pour différentes raisons.
Rosetta a quitté subitement son village d'Almaco, en Sicile, après avoir été harcelée par le baron qui voulait lui acheter ses terres après la mort de ses parents. Elle n'a pas du tout été soutenue par les habitants de son village, ni même par le curé qui lui reproche son désir d'indépendance, son orgueil mais aussi de braver les interdits.
Un jour elle est attaquée puis violée par une bande d'hommes cagoulés. Humiliée, vaincue, moins forte qu'elle ne le laisse prétendre, elle abandonne ses terres pour toujours et fuit son village. Elle embarque alors sur le premier bateau venu.
C'est là qu'elle va croiser pour la première fois Rocco, un jeune sicilien qui ne veut pas se soumettre à la mafia locale comme le faisait son père, et qui, encore protégé par la parole des hommes et ce qu'ils doivent au père, réussit à quitter son île natale.
Débarque aussi la jeune Rachael (Raquel dans la suite du roman), une jeune fille juive de 13 ans, qui a décidé de tenter le voyage après la mort de ses proches, plutôt que de rester au village avec sa marâtre. Ce qu'elle ne sait pas c'est que toutes les jeunes filles qui ont été embarquées avec elle, et ont quitté leur Pologne natale, ne vont pas devenir des domestiques, comme promis à leur famille, mais vont servir de "chair fraîche" dans les bordels de la ville, en particulier celui appartenant au terrible Amos, un homme violent et d'une grande perversité. La chance de Rachael sera d'être très jeune, pas encore femme et de ressembler à un garçon... mais aussi de savoir lire.
Tous trois vont être confrontés à la dureté de ce monde où personne ne leur fera de cadeaux. En effet, les malfrats sont partout et la violence règne dans la ville...
Le baron adorait la pauvreté : la pauvreté, c'était la véritable richesse des riches, c'était la clef magique pour obliger les gens à accepter ce qu'ils n'accepteraient jamais autrement.
L'erreur vis-à-vis des êtres humains, comme des animaux, c'était toujours de sous-estimer ce qu'ils étaient capables de faire. Car il existait des humains et des animaux qui ne se résignaient jamais. Pour reconquérir leur liberté, certains renards étaient prêts à ronger leur propre patte coincée dans un piège, jusqu'à se l'arracher. Et cette maudite gamine était un véritable renard...
Je n'avais encore rien lu de Luca Di Fulvio et j'ai pris un grand plaisir à découvrir sa plume et à entrer dans son monde. Il a de grande qualité de conteur, ce qui fait que les pages de ce pavé s'avalent sans problème et que j'ai eu du mal à le laisser tomber pour aller dormir, tant je me suis attachée aux personnages et à leur destinée.
Il y a de nombreux rebondissements ce qui ajoute au suspens.
Cependant, certains événements violents, en particulier dans les bordels de la ville, sont à la limite du soutenable. Le lecteur passe de la colère, à l’écœurement...
C'est un grand roman d'aventure, d'amour et d'amitié qui nous parle de liberté, de rêves, de désillusions aussi mais de l'importance de s'unir et de s'entraider pour changer le monde.
C'est ainsi seulement que la vie leur donnera une seconde chance !
Un auteur à découvrir absolument...
Pour la première fois, depuis qu'elle avait débarqué, elle se dit que cette ville avait un cœur. Et elle se dit aussi que jamais jusqu’à ce jour elle ne s'était sentie chez elle.
"Je m'étais toujours demandé si les mots pouvaient avoir des ailes, intervint Alfonsina Storni, émue comme les autres. C'est toi Raquel, qui m'as fait comprendre que c'était possible".