Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Cet enseignement austère trouvait une âme préparée, naturellement disposée au devoir, et que l'exemple de mon père et de ma mère, joint à la discipline puritaine à laquelle ils avaient soumis les premiers élans de mon cœur, achevait d'incliner vers ce que j'entendais appeler : la vertu. Il m'était aussi naturel de me contraindre qu'à d'autres de s'abandonner, et cette rigueur à laquelle on m'asservissait, loin de me rebuter, me flattait. Je quêtais de l'avenir non tant le bonheur que l'effort infini pour l'atteindre, et déjà confondais bonheur et vertu.
Je poursuis ma relecture d'André Gide...
Mais cette fois il s'agit d'une découverte car je n'avais encore jamais lu, je crois, "la porte étroite" ou alors je n'en avais gardé aucun souvenir ce qui me surprend beaucoup.
Il faut dire aussi que lorsqu'on se penche sur les auteurs classiques que nous avons le plus souvent étudié au lycée, en tous les cas pour moi, nous avons entendu parler en général des œuvres, mais au bout de quelques années, il est impossible de différencier celles qui ont été lues, étudiées par des extraits ou seulement citées en classe.
Ce roman paru en 1909 a été un des premiers succès littéraire de l'auteur.
Le narrateur, Jérôme, l'alter égo de Gide, perd son père alors qu'il n'a que 11 ans.
Sa mère et lui, passent toutes leurs vacances d'été près du Havre, dans la maison de Bucolin, son oncle. Jérôme s'amuse beaucoup avec ses cousines avec lesquelles il tisse des liens étroits. C'est particulièrement Alissa de deux ans son aînée, qui lui accorde toute sa confiance et avec laquelle il partage de nombreuses journées, des jeux puis, en grandissant, des discussions sur de nombreux sujets et des échanges littéraires...
Peu à peu, cette tendresse qui émaille leur relation, se transforme en amour réciproque et tandis que le jeune homme rêve de l'épouser, Alissa devient de plus en plus exaltée...les voir mariés est inéluctable !
C'est alors qu'Alissa découvre que sa jeune sœur Juliette, s'est également éprise de Jérôme. Elle va alors tenter de repousser le jeune homme tout en cherchant mille prétextes, afin que ce soit sa jeune sœur qui soit heureuse à sa place.
Mais Juliette renonce à Jérôme ainsi qu'à son meilleur ami, Abel, qui en était épris, et choisit une autre voie. Elle se marie avec Edouard, un riche viticulteur du sud et quitte la demeure familiale.
Pourquoi me mentirais-je à moi-même ? C'est par un raisonnement que je me réjouis du bonheur de Juliette. Ce bonheur que j'ai tant souhaité, jusqu'à lui offrir de lui sacrifier mon bonheur, je souffre de le voir obtenu sans peine, et différent de ce qu'elle et moi nous imaginions...
Jérôme qui n'a pas perdu espoir d'épouser Alissa, découvre que celle-ci le repousse encore, espace leur correspondance, préfère l'éloignement à sa présence, l'amour platonique à l'amour réel.
La foi protestante qui l'anime tombe dans l'excès, et incite la jeune fille à renoncer à tout amour terrestre et charnel dont au fond elle a peur, pour se consacrer à l'amour de Dieu...plus parfait à ses yeux.
Elle aurait pu choisir d'entrer au couvent, mais André Gide en a décidé autrement.
Si tu le préfères, lui dis-je gravement, résignant d'un coup tout autre espoir et m'abandonnant au parfait bonheur de l'instant, _si tu le préfères, nous ne nous fiancerons pas. Quand j'ai reçu ta lettre, j'ai bien compris du même coup que j'étais heureux, en effet, et que j'allais cesser de l'être. Oh ! rends-moi ce bonheur que j'avais ; je ne puis pas m'en passer. Je t'aime assez pour t'attendre toute ma vie ; mais que tu doives cesser de m'aimer ou que tu doutes de mon amour, Alissa, cette pensée m'est insupportable...
Voici un roman qui nous parle d'amour impossible non pas parce qu'interdit, mais bien parce que c'est Alissa qui se croit indigne de le recevoir. Elle se sacrifie d'abord pour sa sœur, puis parce qu'elle croit que c'est le seul moyen pour que Jérôme soit heureux et accomplisse son destin.
J'ai aimé la pudeur qui émane de ce récit, son côté romantique et bien entendu autobiographique. J'ai aimé aussi son côté vieillot et suranné...
J'ai aimé les descriptions légères et poétiques des années de jeunesse, de leurs jeux, du cadre bucolique qui les entoure.
La langue employée par André Gide y est pour beaucoup et bien entendu il est plaisant de s'y plonger.
Le roman est empreint cependant, ce qui contraste avec l'insouciance de la jeunesse, de rigueur, de références bibliques, des convenances de l'époque et de ferveur religieuse.
Sans faire une analyse approfondie de l'oeuvre que vous trouverez sans peine, si cela vous intéresse sur internet, d'après moi, André Gide veut également montrer que mieux vaut un amour réel, et réaliste, apportant mille petits bonheurs qu'un amour idéalisé, trop éloigné de la vraie vie, inaccessible et incapable de nous apporter des joies simples...
A mesure que le jour de notre revoir se rapproche, mon attente devient plus anxieuse ; c'est presque de l'appréhension ; ta venue tant souhaitée, il me semble, à présent, que je la redoute ; je m'efforce de n'y plus penser ; j'imagine ton coup de sonnette, ton pas dans l'escalier, et mon cœur cesse de battre ou me fait mal...Surtout ne t'attends pas à ce que je puisse te parler...Je sens s'achever là mon passé ; au-delà je ne vois rien ; ma vie s'arrête...