Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Il était une fois un pays qui avait construit des prisons pour enfants parce qu'il n'avait pas trouvé mieux que l'empêchement, l'éloignement, la privation, la restriction, l'enfermement et un tas de choses qui n'existent qu'entre les murs pour essayer de faire de ces enfants-là des adultes honnêtes, c'est-à-dire des gens qui filent droit.
De Nathacha Appanah je n'ai lu que "Tropique de la violence" dont je vous ai parlé récemment ICI.
Forcément, j'avais envie de découvrir son dernier roman, un court roman de 125 pages à peine, qui se lit d'une traite en une soirée tant le lecteur a envie d'en connaître l'issue.
Loup est un jeune garçon encore mineur. Il vient d'être arrêté par la police après avoir provoqué un accident. Non seulement il n'avait pas de permis, mais il roulait en sens inverse. Après plusieurs heures de conduite, la fatigue est certainement responsable de cette erreur ainsi que de sa tentative de fuite.
Il est jeune et fragile et n'émet qu'une seule explication à son geste : il voulait voir Paloma, sa sœur. Une sœur qu'il n'a pas revu depuis 10 ans.
A l'époque elle s'était disputée avec sa mère alors qu'elle partait faire ses études, et elle avait promis de revenir très vite chercher Loup. Il a attendu et elle n'est pas venue...
Loup est un jeune ado à présent mais il n'a pas changé. Il est toujours hypersensible et doux, incapable de se battre, et il ne sait toujours pas gérer son stress, et doit courir pendant des heures jusqu'à épuisement pour pouvoir enfin se sentir mieux.
Bien entendu, l'auteur va nous conter l'histoire de cette famille pas comme les autres, une famille qui ne sait pas communiquer et qui ne vit que dans le silence pesant et les non-dits.
Eliette, la mère, a été élevée comme une petite fille modèle. Elle était si jolie que ses parents en adoration, n'ont pas réalisé qu'elle souffrait d'être ainsi considérée comme un objet. Un ami de la famille lui volera d'ailleurs son enfance. Elle va se rebeller et devenir une adolescente imprévisible., Puis elle va fuir pour toujours ses parents, après avoir mis le feu à leur maison. Elle se fera ensuite appeler "Phénix" et élèvera seule ses deux enfants, avec courage mais beaucoup de froideur, de distance et d'orgueil.
Les enfants forcément seront meurtris par tant de solitude, par le manque de tendresse et de manifestations d'amour...
L'arrestation de Loup est bien une rupture bénéfique, mais suffira-t-elle à cette famille enfermée dans les non-dits, pour changer le cours de son histoire ?
Sa mère et sa sœur savent que Loup dort en prison, même si le mot juste c’est maison d’arrêt mais qu’est-ce que ça peut faire les mots justes quand il y a des barreaux aux fenêtres, une porte en métal avec œilleton et toutes ces choses qui ne se trouvent qu’entre les murs. Elles imaginent ce que c’est que de dormir en taule à dix-sept ans mais personne, vraiment, ne peut imaginer les soirs dans ces endroits-là.
Paloma et Loup ont leurs mains posées sur la table et cette promiscuité leur suffit, eux qui ont grandi dans l'amour distant que leur procurait leur mère, un amour prudent, un amour dont on avait l'impression qu'il pouvait s'échapper au moindre bruit. Ils savent se contenter de cela...
Bien entendu, je ne vous en dirai pas davantage, le roman est court mais intense. C'est un roman qui n'est cependant pas centré uniquement sur la mère, sur son vécu et ce qu'elle a pu transmettre à ses enfants de ses propres souffrances. Il nous parle aussi de l'héritage affectif que l'on transmet en tant que parent, aux générations futures.
Mais il dresse également un portrait des enfants d'une grande justesse et nous décrit l'univers carcéral pour mineur, sans concession.
La plume de Nathacha Appanah est très sensible que ce soit quand elle nous parle de l'enfance de Phénix, du ressenti de Loup en prison ou de la prise de conscience de Paloma qui, finalement malgré ses promesses, a laissé tomber son frère.
Elle se veut aussi poétique ce qui justement ne m'a pas semblé indispensable dans cette histoire.
Cela explique en partie que j'ai été moins conquise par ce roman que par ma lecture du précédent. L'histoire aurait mérité à mon avis d'être un peu plus approfondie mais je reconnais que j'ai lu ce roman avec plaisir et que, ce qui n'est pas dit en clair, se comprend sans aucun problème entre les lignes...
Parfois, on aimerait savoir, n'est-ce-pas, la nature exacte des paroles : leur poids sur les âmes, leur action insidieuse sur les pensées, leur durée de vie, si elles sucrent ou rendent amers les coeurs. Iront-elles se loger quelque part dans le cerveau et un jour, on ne sait ni pourquoi ni comment, réapparaître ? Auront-elles un effet immédiat et déclencher colère, tristesse, stupeur ? Seront-elles incomprises, confuses ?