Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Adele avait appris que les soucis des hommes sont mille fois plus sérieux que ceux des femmes. Que les femmes devaient garder leurs problèmes pour elles, alors que les hommes pouvaient les gueuler à la cantonade, les jeter à la figure des autres.
Elle [Dora] se demandait jusqu'à quel point il est permis de s'acharner, de laisser l'espoir détruire ta vie. Il paraît que les limites sont une illusion, qu'il suffit de le vouloir pour les dépasser. Mais c'est faux...
Dans un quartier pauvre de Labriola, que les habitants surnomment "i Lombriconi" (les vers de terre), à quelques pas du centre ville de Bologne, la vie n'est pas facile pour la famille d'Adele depuis que la mère et ses deux filles ont quitté le quartier et la belle maison où elles vivaient. Mais ça c'était avant...avant que le père, volage et frimeur, aille en prison, avant que l'argent devienne rare.
La mère ne songe qu'à aller travailler pour que ses filles poursuivent leurs études et n'aient pas la même vie qu'elle, et surtout ne commettent pas les mêmes erreurs, car seules les études d'après elle, permettent de sortir de cette situation précaire et sans espoir.
Mais chacun doit se débattre avec son destin et sa propre vie, n'est-ce pas ?
Lorsque Adele apprend qu'elle est enceinte, sa vie bascule. Elle n'a pas encore 18 ans, Manuel son copain joue au petit caïd et ne tardera pas à se faire arrêter (le lecteur saura pourquoi à la toute fin du roman) et elle envisage donc dès le départ d'abandonner le bébé_une petite fille_ à la naissance.
Adele travaillait bien en classe, mais comme toutes les adolescentes, elle aimait aussi s'amuser, se balader au centre commercial avec ses copines, regarder les séries à la TV ou la chaîne Youtube. Aussi lorsqu'elle est tombée amoureuse de Manuel, elle n'a pas songé un seul instant aux conséquences possibles. Il était tellement beau ! Il aurait pu être acteur sans problème et d'ailleurs même sa mère le trouvait magnifique...
Au fil des neuf mois de sa grossesse, le lecteur voit Adele évoluer. Elle ne veut plus aller au lycée. Elle décide dès le début de ne pas se faire avorter et veut porter son bébé jusqu'au bout, mais que fera-t-elle exactement ensuite...deux seules options s'offrent à elle, l'abandonner ou le garder.
Les liens qui vont l'unir à Zeno, son voisin d'immeuble vont transformer sa façon de voir la vie et lui redonner l'espoir, d'une vie parfaite.
En parallèle, l'auteur nous raconte la vie de Dora, professeur de littérature, dans un lycée du centre ville, et de son mari Fabio, architecte, un jeune couple plutôt aisé mais malheureux. En effet, tous deux passent leur temps à aller d'examen en examen, pour tenter d'avoir un enfant. Ils n'en peuvent plus et leur couple est près d'exploser car Dora est tellement obsédée par son désir d'enfant qu'elle en tombe malade physiquement et psychologiquement.
Ils décident alors d'abandonner l'idée d'avoir leur propre enfant et de s'investir désormais dans les démarches pour adopter...
Elle eut du mal à contenir sa joie.
Une mère ne suffit pas. Les pères aussi ça compte.
Même les menteurs et les voyous...
Vous l'aurez compris le thème de ce livre est la maternité, la maternité désirée ou non.
D'ailleurs le roman commence par le récit de l'accouchement d'Adele, le matin de Pâques, seule...et c'est ensuite que l'auteur revient neuf mois en arrière pour nous raconter son histoire ainsi que celle de Dora. Puis nous ferons en conclusion un bref retour dans le présent, dans une troisième partie, en guise de conclusion.
Voilà une fresque sociale révoltante...parfaitement décrite par cette jeune auteur(e) d'origine italienne qui nous montre dans ce roman la situation des femmes pauvres, et de toute une jeunesse sacrifiée qui pourtant trouve au cœur même de la misère, des raisons d'espérer qu'une vie meilleure puisse exister.
Certains ne résistent pas à l'argent facile comme le fera Manuel, et en paieront le prix, d'autres s'en sortent, mais tous ont des rêves que Silvia Avallone sait particulièrement bien décrire, ainsi que leurs relations d'amitié, l'amour qui les unit, la solidarité...sans lesquels on ne pourrait pas vivre et grandir.
Les hommes n'ont pas le beau rôle dans ce roman mais sont finalement aussi attachants dans leur maladresse et leur incapacité à prendre leurs responsabilités que les mères, trop envahissantes et protectrices.
Tous ont un passé, des blessures profondes, une enfance meurtrie que l'auteur nous racontera par petites touches...
Seul Zeno apparaît différent. C'est lui qui fera le lien entre les deux histoires. Obligé de prendre en charge sa mère dépressive et incapable de s'occuper de lui depuis qu'il a 13 ans, il est plus mâture que les autres. Doué pour les études, passionné de littérature classique, il a décidé d'écrire lui-même un roman centré sur sa voisine, qui n'est autre qu'Adele...seule possibilité pour lui, d'échapper au déterminisme social.
Les différents personnages du roman sont tous importants. Ils se croisent, se rencontrent parfois, sont embarqués dans le même destin. Mais ne croyez pas que tout soit cousu de fil blanc, car rien de ce que vous allez imaginer pendant le déroulement de ces neuf mois de grossesse, ne va se passer...ou seulement en partie !
C'est un roman d'une grande force qui me fait regretter de ne pas avoir lu plus souvent cet auteur, dont je ne connaissais que "Marina Bellezza" présenté ici sur le blog.
A noter le quartier décrit par l'auteur n'existe pas, il a été totalement imaginé...
Adele l'ignorait, comme elle ignorait bien des choses, mais il y avait longtemps qu'elle était pour lui une amie.
Pas n'importe laquelle. Il se sentait avec elle un lien plus pur, plus exclusif. Le lien entre un écrivain et son personnage principal.
Il pouvait raconter la douleur des autres, mais pas leur bonheur. Du bonheur il était forcément exclu.