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En avant-première du Festival de l'Imaginaire de Lambesc dont je vous ai parlé lundi, il y avait la semaine dernière, une conférence passionnante proposée par Catherine Ribotton, ethno-historienne et professeur agrégée d'histoire, intitulée : Sorcellerie et pouvoir féminin, quand la chasse aux sorcières touchait aussi la Provence.
Le sujet parle de lui-même et bien entendu la médiathèque était comble.
Tout le monde sait qu'entre le XVe et le XVIIIe siècle, l'Europe a été touchée par une vague de procès pour sorcellerie qui a donné lieu à des horreurs, tant au point de vue des tortures infligées aux personnes pour les faire avouer, qu'au point de vue des conditions des exécutions...les personnes étaient brûlées vives sur des bûchers devant la population entière.
Mais saviez-vous qu'en France, 80 % des suppliciés étaient des femmes ?
Et pourquoi en a-t-il été ainsi ?
Loin de moi l'idée de retracer tous les détails de cette conférence très intéressante. Mais c'est l'occasion de redécouvrir le sort que l'on réservait aux femmes à cette époque.
Lorsque les historiens parlent de véritable "féminicide" et annoncent les chiffres de 200 000 à 500 000 procès durant cette période, cela fait peur...
Catherine Ribotton est passionnée. Elle a su particulièrement intéresser le public en bien posant la problématique de l'historien qui ne peut malheureusement pas avoir accès à tous les documents concernant les procès, car certaines pièces ont été tout simplement détruites intentionnellement. Elle pose bien aussi le problème du discours unique, car qui écrit l'Histoire si ce n'est le vainqueur et dans ce cas présent, c'est donc la seule voix des ecclésiastiques qui est entendue...
Après avoir retracé le contexte historique, elle s'est attachée au cours de sa conférence, à montrer pourquoi les femmes faisaient si peur.
Les femmes détenaient en effet un certain pouvoir, avaient la connaissance des plantes, savaient guérir, aider aux accouchements, ou au contraire aux avortements, et accompagner les derniers instants d'un mourant...
Les sorcières utilisaient en particulier...
la mandragore (Johann Von Cube, photo internet)
Et puis elles étaient devenues dangereuses, car elles détenaient un pouvoir de séduction certain auquel les hommes y compris d'église avaient du mal à ne pas succomber.
Or, après une période assez libre au Moyen Âge, où même les hommes d'église pouvaient avoir une famille comme tout le monde, les débuts de la Renaissance voient se mettre en place, une répression violente des mœurs.
Résultat... les "sorcières" sont alors accusées de tous les maux, comme par exemple d'être responsables des mauvaises récoltes, donc des famines.
Deux sorcières influent sur le temps (photo internet)
Elles étaient également accusées d'empoisonner l'eau du puits ou de la fontaine ; de se transformer en loup-garou ; "d'emmasquer" (=envoûter") les chèvres qui ne faisaient plus de lait, ou les femmes enceintes ; et le pire...de manger les petits enfants ou bien de jeter le sort le plus terrible pour les couples, donc de "nouer l'aiguillette", c'est-à dire de jeter un sort d'impuissance au jeune marié, un sort particulièrement difficile à lever.
Une fois accusée, c'était bien trop tard pour la victime qui savait qu'elle allait passer sur le bûcher.
Les ecclésiastiques venaient fouiller sa maison pour y chercher des preuves et il suffisait de trouver des os (sans doute de lapin), donc c'est qu'elle mangeait bien des enfants, un grimoire (alors que la femme ne savait pas lire) donc elle pratiquait bien la magie, le plus célèbre à l'époque étant le Petit Albert...
On recherchait aussi en leur piquant plusieurs endroits du corps avec une longue aiguille, un endroit insensible, forcément il y en avait un...et c'était la fameuse marque du diable !
Ensuite elles étaient torturées car il fallait absolument obtenir des aveux ! Une des méthodes était celle de la chaise. Elles étaient assises attachées, sur une chaise que les bourreaux plaçaient au-dessus de l'eau.
Pour obtenir des aveux, ils plongeaient la chaise dans l'eau jusqu'à les obtenir.
La torture de l'eau
Et puis, il fallait qu'elles répondent aux nombreuses questions sur le sabbat, et le verdict tombait.
Je crois que je n'ai pas été la seule à trouver cette conférencière passionnante et à apprendre plein de choses indispensables pour comprendre cette période de l'histoire, mais aussi la naissance de toutes nos légendes. Nous trouvons d'ailleurs de nombreuses traces de cette période sombre dans les campagnes, dans certains romans du terroir, dans nos contes, dans nos peurs ancestrales...
De plus, les exemples pris dans ma région étaient très intéressants.
Un grand Merci à Catherine Ribotton pour cette soirée et à la médiathèque de Lambesc pour avoir eu idée de l'organiser en avant-première du Festival de l'imaginaire du Pays d'Aix...