Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
La rivière était passée par là, il y avait des lustres, des années, amenant dans ses flots les roches des montagnes, puis les avait laissées dans l'herbe, bien trop lourdes à porter plus longtemps et plus loin. Des boulets de forçats qui encombraient ses pas, retenaient son destin. Car ici-bas, chacun avait le sien : les choses ou les hommes.
Cela fait bien longtemps que j'entends parler d'Alysa Morgon par Binchy, du blog "Binchy and her hobbies" et Martine, du blog "Lectures et plus...".
J'avais donc précieusement noté son nom dans mon petit carnet et comme tous les auteurs qui y sont notés, je prends toujours, un jour ou l'autre, le temps de les découvrir.
Dans ce roman du terroir, dont la couverture déjà sent bon la garrigue provençale et la lavande, le lecteur découvre la famille Lion et en particulier la petite Marie.
Nous sommes à la toute fin du XIXe siècle, Marie a sept ans lorsqu'elle accompagne pour la première fois sa mère à Marseille, au couvent de la Charité, pour rendre visite à sa marraine.
Subjuguée par ce voyage, qui lui fait découvrir beaucoup de choses, la petite fille, rêveuse et gaie, qui aime tant la vie, décide qu'un jour elle-aussi entrera au couvent. Ses parents la laissent rêver, pensant qu'un jour elle oubliera son projet.
Les années passent et la vie quotidienne au mas de la Grangette bleue est bien rythmée par les travaux des champs et en particulier ceux qui entourent le ramassage des amandes, un fruit qui fait la fierté de la famille depuis des générations, et qui constitue leur principale ressource. Marie est heureuse...mais elle continue de rêver.
Un jour, le père décide de changer de culture, d'arracher les amandiers et de planter à la place des lavandes fines. Il a besoin de bras pour travailler et projette de marier sa jolie Marie qu'il adore, au beau et solide Francis. Elle ne va pas se laisser faire...
Mais sa famille qui ne veut pas la laisser entrer au couvent pour autant, et Monsieur le Curé qui les soutient, n'ont pas dit leurs derniers mots. Ils décident de la faire embaucher par un veuf du village qui a bien besoin que quelqu'un vienne s'occuper de ses jeunes enfants.
Au bout de quelques mois au manoir, toutes les certitudes de Marie s'écroulent...
Les jours et les mois s'étaient tous échappés, sans qu'on pût les retenir, les arrêter, comme coule le vin au goulot du tonneau ou se verse le grain dans le cou du silo, jusqu'à la lie, jusqu'à tarir.
Les amandiers mouraient avec le siècle qui lui aussi se terminait, épuisant ses jours dans les derniers mois du calendrier. Et les cent prochaines années seraient ainsi ornées de fleurs, présage plus léger, plus joyeux, qui évoquait déjà la prospérité, le bonheur dans leurs longs épis bleus même si un jour des ombres s'annonceraient...
Voilà un roman parfait pour les vacances, facile à lire, poétique et empli des odeurs de garrigue.
Il vous fera vivre quelques instants dans le sud-est de la France sur un plateau qui pourrait être celui de Valensole ou des Monts du Vaucluse.
Une belle façon d'entrer dans les fermes d'antan, de revivre les fêtes de villages, les veillées animées où tout le monde se réunissait pour bavarder et s'amuser, tout en dégovant les amandes.
En plus, on apprend beaucoup de choses sur la façon dont les paysans vivaient et travaillaient, sur leur conception du monde et de la famille, sur la solidarité entre membres d'un même village, sur les valeurs de ces hommes durs à la tâche...
J'ai personnellement beaucoup aimé retrouver tous ces mots provençaux qui étayent le récit, des mots que j'avais oubliés.
Marie est une héroïne attachante, même si pas un instant je ne me suis identifiée à elle, j'ai eu du plaisir à la suivre. Elle grandit avec le XXe siècle et maintes fois je ne suis dit qu'elle aurait pu être ma grand-mère...
Lire ce roman est une belle façon de rendre hommage à nos ancêtres et à leur savoir-faire et de ne pas oublier leur vie de labeur.
Une lecture à partager avec vos ados dès 13 ans.