Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Alice espérait tellement que quelque chose se passerait en ouvrant cette valise : un déclic, un signe. Peut-être se souviendrait-elle du visage de sa mère? Un objet pouvait-il procurer ce genre de réaction? Au moment de faire le dernier pas, elle s'arrêta. Elle avait si peur que la valise soit vide qu'elle ne pouvait plus marcher. Elle chercha le regard de Jeanne et se surprit à bâiller.
- N'aie pas peur, mon lapin, l'encouragea sa nourrice. Vas-y, ouvre-la.
L’histoire commence en mai 1943 à Salies-de-Béarn. C’est la guerre et Alice qui a 5 ans, vit à la campagne avec Jeanne, sa nounou. La vie est simple dans les campagnes et rythmée par celle des bêtes. La petite fille est entourée de tendresse ce qui compense un peu l'absence de ses parents.
Malgré la méchanceté de certains enfants à l'école, le fait qu'elle n'ait pas le droit de s’éloigner de la ferme, ni de parler aux gens qu’elle ne connait pas, Alice est heureuse…
L’enfance est là avec ses rêves, l’envie d’aller chercher les œufs dans le poulailler toute seule, comme une grande, puis l’eau au puits (il faut traverser la route et faire bien attention de ne pas renverser l'eau en chemin), l’affection pour Crème son chaton, l’école et ses jeux.
Alice voudrait surtout savoir pourquoi sa maman à elle n’est pas là, pourquoi elle l’a abandonnée en lui laissant une petite valise contenant quelques habits de bébé et un journal montrant des photos prises en Espagne, et signées par un mystérieux Vago…Elle se pose beaucoup de questions.
Jeanne tente de lui expliquer ce qu'elle peut comprendre, mais en ce temps-là les adultes ne donnaient pas de détails aux enfants. De nombreux "pourquoi" restent donc sans réponse : "parce que c’est la guerre" lui dit Jeanne pour toute explication.
Justement Alice ne sait pas trop ce que cela veut dire "la guerre", jusqu’à ce qu’elle voit Thomas, un de ses camarades de l’école, emmené par les allemands...
La guerre se termine et Alice voit ses camarades de classe partir les uns après les autres, avec leurs vrais parents. Elle s’aperçoit qu’elle n’était pas la seule, à être placée chez une nounou dans la région. Mais sa mère à elle ne revient toujours pas et elle a peur.
Et puis un jour, une voiture est là, deux femmes sont assises dans la cuisine et l'attendent. La première lui parle, elle est assistante sociale, l’autre...c'est Diane, sa mère. Alice doit quitter Jeanne pour toujours et les suivre à Paris. C'est un drame pour elle. De plus, sa mère est fluette, pâle, et muette, loin de la femme superbe dont Alice avait rêvée, ni de la femme courageuse que Jeanne lui avait décrite…une femme-fantôme qui ne la regarde pas et ne lui parle pas.
Là-bas d’autres surprises attendent la petite Alice, et malgré l'amitié qui se noue entre elle et le petit Jean-Joseph, elle va vivre une grande solitude dans une ville qui lui fait peur, mais où elle ne restera pourtant que peu de temps avant de partir à New-York, retrouver son père qui s'est remarié. De l'autre côté de l'atlantique, elle n'est pas la bienvenue et il lui faudra encore se poser des questions pour tenter de comprendre pourquoi...
Peu à peu, elle va réussir à apprivoiser son oncle Vadim, devenu aveugle pendant la guerre, suite à un accident. Tous deux ne vont avoir plus qu'une seule idée en tête, rejoindre la France ...
Alice passait des heures sur le pont. Le vent giflait son visage, s'infiltrait dans ses cheveux. Elle était si proche de l'eau qu'elle pouvait en sentir quelques gouttes, lorsque les vagues étaient hautes. C'était dans le vacarme de la foule et des hélices qu'elle parvenait à oublier...
- Je ne partirai pas sans toi.
Il la serra dans ses bras. Ils restèrent ainsi un long moment, plus rien d'autre ne semblait compter. Vadim caressait ses cheveux. Il lui disait qu'elle était une personne magnifique, qu'elle deviendrait une femme extraordinaire. Qu'elle était la seule à ne pas voir en lui qu'un aveugle.
Dès les premiers chapitres du livre, le lecteur comprend le désarroi de cette petite fille intelligente et courageuse. On la suit pendant quatre années, jusqu’à ses 9 ans date à laquelle elle découvrira sa véritable identité, grâce à sa mère qui lui a écrit tout ce qu’elle voulait savoir dans un carnet, avant de mourir, parce qu’écrire, c’est plus facile que de parler quand tout va si mal.
Le regard qu’Alice porte sur les événements, ce que nous, lecteurs nous comprenons de ses mots d’enfants, est une façon tout à fait originale de nous faire entrer dans son histoire…et dans celle de sa famille.
Mais pour l'auteur qui en est à son premier roman c'était un pari risqué, si je puis dire, car comment rendre véridique les propos d'une enfant. L'auteur y arrive tout à fait bien, dans la première partie du livre qui sonne juste, un peu moins dans la seconde... En effet au départ du roman, le personnage d'Alice est crédible, mais à partir du moment où elle part à Paris, puis à New York, je n'ai plus du tout trouvé véridique son ressenti, ni son vécu. Le roman devient en effet rempli d’invraisemblances dont je ne vous dresserai pas la liste. Le style est un peu trop simpliste et finalement je ne peux que constater que je suis restée en dehors de cette partie-là de l'histoire, sauf dans la toute fin que j'avais certes devinée, mais qui m'a néanmoins touchée.
J'ai du coup un avis mitigé...mais je ne regrette pas cette lecture pour autant.
Vous aurez compris que Diane, la mère d’Alice sort des camps, qu’elle a du mal à survivre au traumatisme et qu’en plus elle est malade. Il est évident que renouer un lien avec son propre enfant, recréer une famille, a été pour tous les rescapés des camps et leur famille, une nouvelle épreuve.
J'ai aimé cependant, le début du roman et dans la toute fin, la relation emplie de tendresse et d'admiration, qui se noue entre la petite Alice et Vadim, ce qui donne l'occasion à l'auteur de nous livrer ses plus belles pages.
Pour conclure, je dirai que c'est un roman facile à lire, malgré le sujet. Les personnages sont attachants. Il peut être lu dès l’adolescence (je dirai vers 13 ans) et sa lecture peut même permettre aux ados de découvrir les conséquences de la guerre, autrement. Vous pouvez donc sans problème partager cette lecture avec eux...
De plus, l'auteur connaît son sujet et les invraisemblances ne concernent pas les faits historiques qui sont au contraire justes et bien amenés. C'est le personnage d'Alice qui est en décalage avec les événements vécus. Elle est très mature pour son âge (trop par moment même pour l'époque), et malgré ses angoisses de petite fille, j'aurai aimé éprouver davantage d'empathie pour elle...ce qui n'a pas été le cas (dans la seconde partie, je me répète mais c'est important).
Aujourd'hui, j'ai été longue...mais je voulais rendre hommage, à travers la présentation détaillée de ce livre, à tous les enfants rescapés de la guerre qui ont vécu des jours douloureux et ont vu leur enfance brisée à jamais.
N'oublions pas que ce jour férié est là pour commémorer la signature de l'armistice, le 8 mai 1945, signature qui a mis fin à la Seconde Guerre Mondiale.
N'oublions jamais !
De toute façon où qu'on aille, les hommes sont toujours aussi violents, stupides et égocentriques. Ils ne se contentent pas d'avoir raison. Ils veulent imposer aux autres le fruit de leurs certitudes. Ils tuent père et mère par orgueil, par fierté nationale, et se font piéger par des frontières qu'ils ont eux-même inventées...Et comme l'homme a besoin de frontières, de limites, les guerres ne cesseront jamais...
Sarah Barukh - Elle voulait juste marcher tout droit - ZAZY - mon blogue de lecture
Elle voulait juste marcher tout droit Sarah Barukh Editions Albin Michel Février 2017 432 pages ISBN : 9782226329769 4ème de couverture : 1946. La guerre est finie depuis quelques mois lorsqu'Alice
http://zazymut.over-blog.com/2017/06/sarah-barukh-elle-voulait-juste-marcher-tout-droit.html