Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Nous voilà, nous, la classe intermédiaire. On nous arme, intellectuellement, avec des diplômes de journalisme, de droit, d'économie, de psychologie, de management, de cinéma, etc., et nous avons le choix : au service de qui allons-nous mettre nos armes ? au service des nouveaux seigneurs ou de leurs serfs ?
...j'avais trouvé ma voie, enfin, mon chemin, une raison d'être : rendre à la réalité ses aspérités, quand mille autres cerveaux, dans cent bureaux, à tous les étages de tous les pouvoirs, les communicants, les chargés de ceci, les directeurs de cela, ont pour fonction de lisser la réalité, de la gommer, d'en atténuer la dureté. Et ils accomplissent leur tâche avec encore plus de zèle, d'efficacité, qu'ils l'ignorent pour de bon, ce réel, qu'ils le regardent de loin, de haut, derrière des statistiques, des textes de loi, des numéros de dossiers...
Je ne voudrais pas qu'on se trompe : ce n'est pas Rothschild que je vous reproche, c'est la gauche(...) ça se mérite, la gauche.
Je ne lis jamais d'essai politique. Cela ne m'intéresse pas du tout, non pas la politique, mais les essais sur ce sujet. Je trouve que l'on a assez d'infos dans les médias en ligne (car je ne regarde plus les médias à la TV) pour nous faire notre propre opinion.
Mais en ce jour de 1er mai 2019, Journée internationale des travailleurs, j'ai décidé de vous parler justement de ces travailleurs et de leurs mouvements de lutte, en vous résumant brièvement le dernier livre de François Ruffin que j'ai eu l'occasion de lire et d'apprécier, et qui me semble particulièrement bien les mettre à l'honneur.
Ce 1er mai 2019 est en effet particulier car il fait suite au long combat des gilets jaunes sur lequel tout a été dit ou presque...
N'y voyez aucune polémique de ma part, chacun pense ce qu'il veut et je ne veux même pas le savoir, car j'ai choisi sur mon blog de ne jamais parler de politique, et c'est un choix que j'assume ! Qu'on soit d'accord ou pas d'accord avec le parti dont François Ruffin est proche, la France Insoumise, je trouve que ses propos et les témoignages contenus dans cet essai, apportent un éclairage réaliste sur les causes de la révolte.
Ce livre s'adresse tout d'abord à notre président, vous l'aurez compris, vu le titre. Il est sorti le 21 février dernier, donc il faut le replacer dans son contexte. C'est un livre qui raconte en parallèle deux parcours de deux hommes que tout oppose.
Le président, et l'auteur qui cherche à comprendre pourquoi tous deux ont pris des voies diamétralement opposées, alors qu'ils sont sortis du même lycée d'Amiens dans les années 90.
L'auteur bien entendu explique ce qu'il n'aime pas depuis toujours chez son adversaire. C'est d'ailleurs ce qui m'a le plus surprise, cette haine quasi-viscérale de l'autre qui ne s'explique pas avec la raison. Je n'aurais pas cru François Ruffin capable de la ressentir pour quelqu'un, mais il s'en explique de façon très sincère.
Le lecteur apprend au fil des chapitres, ou, selon les faits évoqués, vérifie ce qu'il savait déjà, certains aspects troublants de la vie du président avant son élection, comme par exemple la vitesse avec laquelle il a bâti ses réseaux amicaux dans le monde de la finance depuis sa sortie de l'ENA et bien entendu sa montée en flèche vers l'élection...poussée par les médias et les lobbies. Il y a comme un vent de corruption qui souffle sur ces pages que tout le monde devrait lire, car bien entendu très peu de ces faits ont filtré dans les médias (et ils ont tous été vérifiés donc ne sont pas contestables).
Comment une personne qui ne fréquente que des normaliens, des banquiers, des stars, des multimillionnaires peut comprendre la vie de ceux qu'il ne connaît pas ? Toute la question posée par François Ruffin est là...
Et derrière cette question surgit la suivante : Pourquoi ce président jeune et dynamique a-t-il attisé autant de haine en si peu de temps, car après tout il ne fait qu'aggraver la politique libérale déjà mise en place par ses prédécesseurs ?
En même temps, tandis que l'auteur cherche à apporter des réponses à ces questions, il se dévoile aussi.
Le lecteur découvre que ce qu'il avait déjà perçu de qualité de cœur et de droiture chez l'auteur, comme sa sincérité, son humanité, ses doutes et ses constantes remises en question, ainsi que son désir de toujours écouter et comprendre les autres, se vérifie à chaque page. Il est très réaliste et sincère quand il nous parle de lui-même et raconte l'importance de certaines rencontres, faites à ses débuts quand il était reporter en Picardie, ou depuis qu'il est député. Il nous montre à quel point ces rencontres ont changé sa vie et son regard à jamais, car bien entendu, s'il est allé au plus près des gens c'est pour mieux les comprendre. Nous-mêmes, sommes touchés par ces témoignages tout à fait réalistes et évocateurs de la vie quotidienne de ces personnes, trop souvent oubliés par notre système social et économique.
Finalement, en politique comme dans la vie, tout est toujours question de perspective. Selon d'où on se place au cœur du peuple, on ne ressent pas les choses de la même façon...
Au-delà de la prise de position politique qui étaye bien évidemment l'essai, j'ai trouvé que cet écrit était intéressant car, d'une part il nous montre à quel point le président croit réellement au pouvoir de l'argent et que cela est tellement naturel pour lui que forcément, il ne peut pas se mettre à la portée de ceux qui n'en ont pas...et d'autre part, que lui-aussi est sincère à sa façon, car il ne s'en cache pas, ce qui engendre ce terrible ressenti, ce sentiment de profonde injustice, l'impression d'être non seulement oublié mais méprisé, et la colère légitime qui en résulte, qui serait d'après l'auteur le vrai foyer de ce mouvement, né d'un ras-le-bol profond et d'un ressenti ne répondant plus à la raison et donc, devenu incontrôlable au fil des semaines dans les rangs des gilets jaunes, manifestants ou sympathisants.
Dans un style direct, sans fioriture, sans grand blabla philosophique incompréhensible, et toujours percutant, l'auteur nous donne ici un essai accessible à tous, tout en proposant une analyse dramatiquement objective et réaliste de la situation. S'il commence par exposer clairement son opposition politique, il poursuit en nous démontrant que ce qu'il veut surtout au plus profond de lui-même, c'est que cessent ces injustices sociales et morales qui aggravent la précarité de milliers de foyers français.
Voilà pour la lecture de ce livre, c'est mon hommage du jour à tous les travailleurs, à mes ancêtres, à mon père...à ceux qui se sont battus pendant des années pour acquérir des droits sociaux que nous sommes en train de perdre...les uns après les autres.
C'est un hommage à ceux qui ont des rêves pour leurs enfants et ne peuvent pas les réaliser et qui voudraient leur offrir un avenir meilleur que le leur, ce que nos parents à nous, ont aussi voulu réaliser, et qui eux, y sont pour la plupart parvenus, parce que l'ascenseur social à cette époque-là fonctionnait, bien qu'une certaine forme de mépris était déjà bien présente, y compris chez certains enseignants. Une de mes maîtresses ne disait-elle pas de moi, alors que j'étais toujours première en classe et scolarisée dans une école de centre ville où, par le pur hasard, se trouvaient scolarisés surtout des enfants de petits bourgeois :
"Elle travaille bien cette petite, pour une fille d'ouvrier" ! C'est une phrase que je n'oublierai jamais et j'aurais bien voulu ne jamais entendre la fin qui donnait à ce "compliment" comme un air de regret...
Demandons-nous pourquoi, l'ascenseur social ne fonctionne plus ou presque plus aujourd'hui, et demandons-nous aussi, en ce jour férié du 1er mai 2019, obtenu grâce aux luttes passées, dans quel monde nous voulons vivre demain et lequel nous voulons pour nos enfants et petits-enfants.