Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Revenons quelques temps dans les Bouches-du-Rhône, pour continuer à découvrir le village de Rognes dont je vous ai déjà parlé sur ce blog.
Quand il arrive à Rognes, que ce soit par le Vaucluse ou en provenance d'Aix-en-Provence, la première chose que le visiteur aperçoit, c'est la colline du Foussa et son étrange fenêtre qui domine le village.
Le nom de "Rognes" apparaît dès 1150. Il signifie "fort des ruines" faisant sans doute référence aux vestiges des occupations humaines, la région ayant été habitée dès la préhistoire. Il n'est pas impossible aussi qu'un dénommé Runius se soit installé ici bien avant les seigneurs médiévaux.
Le mot "foussa" vient du provençal "creuser des fosses". On ne s'attend donc pas à trouver pareil toponyme en hauteur. Et pourtant il proviendrait du fait que la colline est entièrement constituée de molasse et que les hommes y ont creusé de tout temps des habitations troglodytes que je vous montrerai prochainement.
En tous les cas, cette appellation n'apparaît que vers le XVIIe siècle bien après que la citadelle dont je vais vous raconter l'histoire ait disparu et donc il pourrait aussi faire référence, aux fossés comblés qui entouraient le château...
C'est au Moyen âge que les hommes s'installent sur les hauteurs du Foussa pour se préserver des trop nombreuses invasions.
Le village appartient alors à Bertrand d'Alamanon...
C'est à cette date qu'une grande citadelle protégée par des remparts est construite sur le plateau. Elle était destinée à surveiller et assurer la défense du péage de Gontard situé sur la Durance.
Plus tard, au début du XVIe siècle, à cause des invasions liées aux guerres d'Italie et aux guerres de religion, un nouveau rempart de 800 mètres viendra protéger le village, alors devenu propriété des Agoult (par mariage). Ce rempart était ponctué de sept tours et de trois portes dont deux à herses et encerclait l'ensemble du bourg.
La citadelle sera démolie entre 1597 et 1600 sur ordre d'Henry IV comme la plupart des places fortes de la région. N'en subsiste que cette étrange fenêtre, classée aux MH depuis 1928...
Il n'en fallait pas plus pour qu'une légende prenne naissance autour de ce vestige...
Durant les guerres de religions, les habitants, fidèles au roi, mais pris en tenaille entre les Ligueurs et les protestants, offrent toute leur confiance au Capitaine La Salle, un gentilhomme gascon, dès qu'il est nommé en tant que gouverneur du fort en 1589. Mais celui-ci et ses hommes les trahissent...
Selon la légende rapportée par l'abbé Martin et Marie Tay, auteur d'une monographie du village en 1885, on dit que c'est son propre barbier, prénommé Pierre Cadet, qui l'aurait étranglé et jeté par la fenêtre du château-fort du haut de la falaise.
D'autres disent qu'il aurait été jeté du haut de ces 30 mètres, vivant...et n'aurait pas survécu.
D'autres enfin, affirment qu'il a été décapité !
Quoi qu'il en soit, son successeur a pris ses fonctions en 1592...et des documents conservés aux archives d'Aix-en-Provence signalent un mystérieux procès en 1596 et 1597, qui se serait déroulé à Aix-en-Provence, procès concernant le Sieur La Salle qui n'a pu avoir lieu que si cet homme tyrannique était encore de ce monde...
La fenêtre de la citadelle, n'aurait été conservée que pour témoigner de la trahison de cet homme, ou bien selon les historiens, pour prouver au monde entier que les Catholiques du village avaient eu le courage d'affronter, en ces temps troublés, un étranger à la ville, forcément huguenot...
Voilà pourquoi dans le village on l'appelle souvent encore aujourd'hui "la fenêtre de la légende".
Heureusement le village, malgré son surprenant blason symbolisant un verrou, sait maintenant accueillir les étrangers...
Quoi qu'il en soit, au-dessus de la fenêtre, côté village, on peut admirer deux arcs trilobés géminés nous laissant imaginer la beauté de la citadelle disparue à jamais. On voit aussi de part et d'autre de l'ouverture les bancs de pierre permettant aux soldats de s'installer pour mieux surveiller l'horizon. A droite de la fenêtre existante, on aperçoit le reste d'une seconde fenêtre au-dessus de laquelle se trouve aussi un arc trilobé, ce qui nous permet aisément d'imaginer que toutes les fenêtres étaient extérieurement décorées ainsi.
N'hésitez-pas à agrandir les photos pour mieux les voir...
Par la fenêtre de l'ancien château-fort, on a une vue unique sur l'horizon... le Luberon et la vallée de la Durance au nord, la chaîne de la Trévaresse ainsi que le village de Rognes vers le sud (et ses nouveaux lotissements) et au delà, les vestiges du moulin à vent du Péguerin, situé en face sur la colline et bâti à l'emplacement d'un ancien oppidum. Au loin derrière le moulin, on voit le haut de la Sainte-Victoire.
La colline du Foussa est entièrement constituée de molasse une roche tendre que le temps et l'érosion ont façonné.
Voici en particulier le gros rocher sur lequel tous les enfants du village ont grimpé un jour.
Nous n'avons pas pu nous empêcher de faire de même car la vue d'en-haut est surprenante...
A noter, ce gros rocher supportait au XIIe siècle, la tour d'observation en bois de la citadelle qui constituait donc le donjon. Il faut imaginer le mur d'enceinte du château le reliant à la fenêtre toujours en place.
Du haut du rocher...non seulement nous découvrons encore mieux le village mais aussi l'emplacement de la citadelle. Comme vous le voyez, j'ai été gênée par le contre-jour pour faire mes photos...
Sur la dernière photo, vous apercevez au loin le Luberon.
D'autres vestiges du passé peuvent s'observer sur le plateau : par exemple, le passage creusé dans la pierre permettant d'atteindre la fenêtre de la citadelle, la paroi creusée directement dans le rocher d'une salle du château et un muret de pierre ancien.
Au sol sur le plateau, directement dans les rochers, en fouinant un peu, on trouve aussi de nombreuses petites cavités, vestiges des anciennes fondations, mais aujourd'hui cachées par la végétation.
La colline du Foussa a été entièrement habitée jusqu'en 1909, date du terrible tremblement de terre qui a ravagé la région (et dont je vous reparlerai).
Je vous montrerai donc dans mes prochains articles les quelques vestiges observés en montant sur le plateau du Foussa et en particulier, les vestiges des maisons détruites lors du séisme et les habitats troglodytes creusés dans la colline, enfin, comme d'habitude...si vous le voulez bien !