Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Voici un site exceptionnel à côté duquel nous aurions pu passer sans nous arrêter, si nous n'avions pas pris le temps d'observer les cartes de la région de près. Il s'agit d'un site très préservé car d'une grande richesse écologique.
Le marais de Limagne se situe à 1080 mètres d'altitude, entre les communes de Saint-Jean-de-Nay et de Siaugues-Sainte-Marie, à une vingtaine de kilomètres du Puy-en-Velay, pour ceux qui connaissent la région. C'est un site Natura 2000.
Rien à voir donc avec la grande plaine qui se situe au centre de l'Auvergne et qui vient d'être classée sur la liste des sites naturels au Patrimoine Mondial de l'Unesco, car associée à la chaîne des Puys.
Notre petite plaine est de taille bien plus modeste...("limagne" désigne une petite plaine fertile entourée de montagnes, le mot provenant sans doute du mot latin "limus" = boue).
Ce lieu a été façonné par l'activité volcanique de la région du Devès qui s'est produite il y a environ 1 million d'années.
Comment s'est formé ce marais ?
Le marais s'est installé dans un cratère de maar de 850 mètres de diamètre.
Pour info, un maar se forme lors d'une irruption volcanique lorsque le magma brûlant qui remonte en surface, rencontre de l'eau, même en faible quantité. Il se produit alors une surchauffe entraînant la formation de vapeur ce qui provoque de violentes émissions de gaz et une explosion...d'où la formation d'un cratère.
Au départ, le fond du cratère était occupé par un lac, puis, il y a environ 18 000 ans, de l'argile a commencé à se déposer et les végétaux se sont installés.
Le lac s'est ensuite transformé en tourbière.
Ce sont les végétaux qui se sont accumulés au fil du temps, notamment les sphaignes_des sortes de mousse_ qui ont formé la tourbe. La partie immergée de la plante meurt, mais ne se décompose pas faute d'oxygène, et le tapis ainsi formé croit d'environ 5 cm par siècle.
Bien que les gens de la région appelle le marais de Limagne, "le lac", vous ne verrez pas d'eau en y allant.
La richesse de cet endroit, c'est la flore spécifique du lieu et la faune qui lui est associée. De nombreuses espèces protégées s'y développent, donnant à ce lieu un formidable impact sur la biodiversité de la région.
Il est totalement interdit d'y pénétrer pour deux raisons :
- d'abord pour le préserver... éviter de déranger la faune et de détruire la flore mais aussi d'introduire des bactéries extérieures qui risqueraient de modifier les biotopes.
- ensuite, parce que le risque d'enlisement est réel et peut surprendre un promeneur imprudent. La tourbière fait en effet 18 à 19 mètres de profondeur en son centre et 4 à 5 mètres sur les bords.
Entre deux bombements de sphaignes (ou "touradons") de nombreuses "gouilles" (résurgences d'eau) la parsèment. Elles sont emplies d'une vie aquatique intense : argyronète, batraciens...mais sont parfois profondes et dangereuses pour l'homme.
Il y a une cinquantaine d'années, le maar était boisé de hêtraies mais aujourd'hui ce sont les pins qui prolifèrent jusqu'au coeur du marais.
D'un côté, la forêt a gagné suite à l'abandon des pâturages qui en limitaient la prolifération. De l'autre, ce sont les champs cultivés ou les prairies de pâture qui dominent.
Toute la zone périphérique, champs et pâturages compris, est étroitement surveillée et les paysans ne peuvent y faire n'importe quoi...
Le marais est composé de plusieurs anneaux de végétation.
L'anneau aquatique périphérique a quasiment disparu faute d'eau. Là se développe abondemment la lentille d'eau, le rubanier, l'équisetum fluviatile (ou prêle des cours d'eau), le Comarum palustre (ou Potentille des marais) que j'ai photographié, et Menyanthes trifolatia (le trèfle d'eau) ...
Je vous donne les noms des principales espèces végétales pour ceux qui les connaissent, mais je n'ai pas pu les observer toutes.
L'anneau central comprend la partie où la tourbe est la plus ancienne, la plus épaisse et la plus active. On l'appelle la tourbière haute active.
On trouve dans cette zone la drosera à feuilles rondes, une plante carnivore fréquente dans les tourbières ; la laîche des bourbiers (Carex limosa) ; le lycopode inondé, une plante très rare en Auvergne, petite et qui ressemble à une mousse...
L'anneau de transition qui se situe entre les deux précédentes zones, présente des radeaux flottants, sur lesquels se développent une flore spécifique.
C'est là que la linaigrette grêle prolifère. Cette plante que l'on observe fréquemment en montagne en altitude (dans les Alpes, les Pyrénées) est une espèce très rare en Auvergne.
Que ce soient des espèces de plaines comme la Renoncule grande Douve (deux stations connues seulement en Auvergne), ou boréales car issues de l'ère glaciaire, comme les carex, la Scheuchzérie des marais (extrêmement rare), les linaigrettes et lycopodes...toutes les plantes présentes sur le site démontrent la grande diversité de la flore et du milieu.
C'est dommage qu'aucun sentier ne soit aménagé pour en faire le tour (en tous les cas nous ne l'avons pas trouvé s'il en existe un !).
Nous avons donc été obligés de pénétrer dans les prés à vaches situés sur le pourtour pour nous en approcher un peu plus...
Mais comme vous le voyez, si nous avons pris un grand plaisir à le découvrir, je ne peux vous en montrer davantage, car nous ne pouvions pas prélever de plantes pour les identifier...ni nous approcher du centre pour prendre des photos.
De plus, en été ce n'est pas le moment le plus favorable pour observer la flore. Nous y reviendrons donc un jour, au printemps ou si une visite commentée a lieu durant notre séjour en Haute-Loire...
La tourbière est un milieu peu connu et sa méconnaissance empêche forcément sa préservation par le grand public, tout en la favorisant puisque si elle reste méconnue, elle ne sera pas dégradée par des visiteurs, selon un point de vue purement scientifique bien compréhensible, même s'il apparaît a priori contradictoire...
C'est à méditer !