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Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

L'homme de la montagne / Joyce Maynard

Philippe Rey, 2014 ; 10/18, 2015

Philippe Rey, 2014 ; 10/18, 2015

Il y a un peu plus de trente ans, un jour de juin au coucher du soleil – sur un versant de montagne dans le Marin County, Californie –, un homme s’est approché de moi, tenant dans ses mains un bout de corde à piano, avec l’intention de mettre fin à mes jours. J’avais quatorze ans, et il avait déjà tué beaucoup d’autres filles. Depuis ce jour, je sais ce que signifie regarder un homme dans les yeux en se disant que son visage est la dernière chose qu’on verra jamais.
C’est à ma sœur que je dois d’être ici pour raconter ce qui s’est passé ce soir-là. Par deux fois, ma sœur m’a sauvée, alors que moi, je n’ai pas su la sauver.
Voici notre histoire.

 

Je n'avais jamais rien lu de Joyce Maynard et encore une fois ma curiosité a été piquée lorsque je l'ai trouvé à la médiathèque.

 

Pendant très longtemps, j'ai cru que ma vie se déroulerait ainsi - les hommes inventant des tours de magie pour moi - et pendant encore plus longtemps, j'ai pensé que ce devait être ça la vie, même quand cela ne l'était pas.

Nous avions découvert depuis un bon bout de temps que la vie était pleine de mystères, dont beaucoup ne seraient jamais résolus, même par le meilleur détective du monde.

 

L'histoire...

 

En juin 1979, en Californie du Nord, tout près de San Francisco, Rachel 13 ans et sa soeur Patty, 11 ans sont totalement livrées à elles-mêmes suite au divorce de leurs parents.


Depuis que leur père est parti, leur mère est dépressive. Lui est inspecteur de police et se trouve trop occupé pour venir les surveiller. Elle, travaille comme dactylo et se plonge dans un livre pour se distraire dès qu'elle peut le faire. En dehors de son travail, elle ne sort de la maison que pour se rendre à la médiathèque.

Comme la famille n'a pas de télé, les deux sœurs regardent les nouvelles à travers la baie vitrée de leurs voisins et, comme il n'y a pas le son, elles interprètent les événements à leur façon !

 

C'est ainsi qu'un jour elles voient apparaître leur père sur l'écran : il est chargé d'une enquête importante...

Déjà très occupé par ses nombreuses maîtresses, l'inspecteur Torricelli n'aura plus beaucoup de temps à consacrer à ses filles que pourtant il adore. C'est un homme très charismatique mais volage. Il tente pourtant de se fixer mais ses filles l'en dissuadent. Les instants de bonheur et de partage, à la plage ou au restaurant, deviennent de plus en plus rares au fur et à mesure que l'été passe. 

En effet, l'enquête lui prend de plus en plus de temps : le tueur s'attaque à des jeunes femmes, sportives et brunes, toujours selon le même procédé. Il sévit dans le parc du Golden Gate, tout près du quartier où habitent ses filles. C'est là qu'elles ont l'habitude d'aller jouer et de passer la journée à courir durant les vacances. Il leur fait donc promettre de ne plus y retourner. Mais c'est mal connaitre leur esprit d'aventure et la grande liberté dont elles aiment jouir, sans entraves...

 

Pour se faire mousser auprès de ses camarades de classe, Rachel n'hésite pas à donner des détails croustillants sur l'affaire, alors que jamais personne ne lui en parle à la maison. Sans le vouloir, elle se trouve propulsée sur le devant de la scène, s'intègre dans un groupe d'ados qui la rejetait pourtant jusqu'à présent, tombe amoureuse d'un des garçons, se maquille et délaisse sa sœur. 

Tandis que Rachel découvre les tourments de l'adolescence, Patty ne lui en tient pas rigueur : elle profite de sa solitude pour promener le chien des voisins et se perfectionner en basket...

Rachel est persuadée de pouvoir aider son père à traquer le tueur. Ce désir tourne tellement à l'obsession qu'elle va monter un stratagème incroyable, sans savoir que tout cela va les amener à croiser la route du véritable tueur, qui sait pertinemment qu'elles sont les filles de l'inspecteur chargé de l'enquête...

 

En quarante-quatre ans d’existence, il y a au moins une chose que j’ai apprise sur les filles de treize ans. Cette chose, je la connais pour avoir été l’une de ces adolescentes, et aussi la sœur, l’amie et l’ex-amie de plusieurs autres.
Les filles de treize ans vivent dans deux mondes séparés.

La fille de treize ans déteste sa mère. Adore son père. Déteste son père. Adore sa mère. Alors quoi ?
Les filles de treize ans sont grandes et petites, grosses et maigres. Ni l'un ni l'autre, ou les deux. Elles ont la peau la plus douce, la plus parfaite, et parfois, en l'espace d'une nuit, leur visage devient une sorte de gâchis. Elles peuvent pleurer à la vue d'un oiseau mort et paraître sans cœur à l'enterrement de leurs grands-parents. Elles sont tendres. Méchantes. Brillantes. Idiotes. Laides. Belles.

Il m’arriva alors quelque chose d’étrange :une soudaine flambée d’amour pour celle à qui je ne pensais pas souvent – ma propre mère, qu’on pouvait taxer de négligence, mais qui ne me disait jamais comment m’habiller, ne m’emmenait jamais chez le pédicure avec elle, ni n’essayait de me faire embaucher chez les pom-pom girls. En ce moment, elle devait se trouver à la bibliothèque, cherchant de nouveaux livres d’obscurs gourous indiens ou un recueil de poèmes de Sylvia Plath. Peu importait d’ailleurs. J’ai compris ce jour-là qu’en nous laissant libres de nos choix, ma soeur et moi, elle nous avait fat un grand cadeau. Patty et moi n’appartenions à personne qu’à nous-mêmes.

 

Mon avis

 

Ce roman évoque à merveille le temps de l'insouciance et les années 60 où les enfants jouaient sans cesse au-dehors, sans que leurs parents ne s'en inquiètent. Ce sont des moments heureux, inoubliables au cœur de la nature sauvage, que le lecteur partage avec les deux sœurs. 

Elles vivent en symbiose et se suffisent parfaitement à elles-mêmes.

Elles ont, surtout Rachel, une imagination débordante et remplissent les vides de leur vie en imaginant des événements improbables qui vont les conduire à commettre d'irréparables bêtises !

 

L'auteur décrit avec beaucoup de finesse, de tendresse et de réalisme ce temps particulier de l'adolescence, ses élans  incontrôlables, ses contradictions et ses émois, à tel point que le lecteur se sent proche des jeunes filles.

La construction du roman est sublime.

La fin en particulier, bâtie comme un roman dans le roman, nous relate ce qui se passe lorsque Rachel, devenue adulte et écrivain, toujours obnubilée par ce tueur qui court toujours, écrit un roman pour raconter cet été-là : c'est le roman que nous sommes en train de lire !

Longtemps après cet été-là, alors que celui qui a été arrêté à sa place purge toujours sa peine, Rachel tend dans son roman, un piège au véritable tueur en mentant sur un des éléments de l'enquête...Elle devine qu'il est autant obsédée par elle, qu'elle par lui, car elle est la seule, avec sa sœur, à avoir vu son visage. Elle sait qu'il lira le roman dès sa sortie et elle l'attend !

 

C'est un roman à la fois finement psychologique et un roman d'apprentissage avec un suspense digne d'un thriller...

J'ai aimé l'écriture simple et fluide, le ton qui sonne juste et le regard que l'auteur pose sur l'adolescence.

J'ai aimé sa façon d'aborder tout en pudeur, la vie d'une famille désunie, l'amour du père et le détachement de la mère qui finalement donnent aux deux sœurs la liberté de se construire, sans les enfermer dans un carcan, ni leur dire ce qu'elles doivent faire, ou penser...et bien sûr, j'ai aimé aussi l'amour et la complicité entre les deux sœurs. 

Un auteur que je suivrais sans nul doute et qu'il était temps que je découvre...

 

Vous pouvez lire l'avis d'Hélène ci-dessous.

 

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