Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Le pick-up. Parfois, cela me revient avec une clarté qui m'étonne. Les vitres salies par la poussière , l'inclinaison du pare-brise, la crasse sur le tableau de bord, l'odeur d'essence, et de pommes pourries, et des chiens. Je ne saurais dire précisément combien de fois je me suis retrouvée enfermée dans le pick-up. Ni la première fois que c'est arrivé, ni la dernière...
A la voir ainsi devant moi, à l' entendre utiliser ce surnom que je n'avais plus entendu prononcer depuis une éternité, je me sentais envahie d'une sorte de chaleur liquide. Comme si toute la tension accumulée en moi avait formé un bloc compact, et que ce bloc n'existait plus.
Alors que Lucy Barton vient de subir une opération bénigne, des complications l'obligent à rester plus longtemps que prévu à l'hôpital.
Lorsqu'elle émerge de son sommeil, c'est sa mère qu'elle retrouve assise auprès d'elle, sa mère...qu'elle n'avait pas revu depuis ses années d'étudiante.
Tandis que celle-ci, au lieu de donner des nouvelles de la famille, ou d'en demander de la sienne, s'enfonce pendant cinq jours durant, dans des commérages sans fin touchant la vie de personnes de leur entourage commun, Lucy se retrouve plongée bien malgré elle, dans des souvenirs d'enfance.
De vieilles blessures refont surface...
Elle nous raconte alors, son enfance dans une petite ville de l'Illinois où la famille, d'une extrême pauvreté, est installée dans le garage de la minuscule maison de l'oncle.
Une enfance, différente de celle des autres où, pour fuir les conditions de vie de la famille, la petite Lucy préfère rester seule à l'école, près du chauffage pour y faire ses devoirs, puis, lorsque les devoirs sont finis... pour lire.
Une enfance où elle a honte de sa condition sociale, de son père trop rigide, de sa mère qui ne sait pas aimer ses enfants...mais qui leur permet tout de même de survivre au quotidien, c'est déjà ça.
Une enfance, où les autres lui font trop souvent sentir qu'elle n'est pas comme eux.
Une enfance qu'elle veut oublier maintenant qu'elle s'en est sortie, qu'elle est devenue écrivain et qu'elle vit à New York, et surtout qu'elle n'a plus aucun lien ni avec sa famille, ni avec sa fratrie...
Est-on obligé de fuir les siens, parce qu'on veut réussir sa vie ?
Peu de mots, des phrases et des chapitres très courts donnent une ambiance particulière à ce roman. Il m'a à la fois terriblement touché par moment, et complètement laissé indifférente, voire ennuyé dans d'autres...
Les souvenirs reviennent par flashes et donnent lieu à de nombreux retours en arrière, entrecoupés de scènes de vie à l'hôpital.
J'ai trouvé que certains sujets (peut-être trop douloureux pour l'auteur si ce roman est autobiographique) auraient mérité d'être davantage développés. Lors de la lecture, le lecteur croit qu'ils vont être à nouveau abordés plus loin, mais il n'en est rien...
J'ai donc un avis mitigé sur ce roman.
Pourtant les thèmes abordés m'intéressaient : la construction de soi, le poids des fantômes du passé, les relations mère-fille, des relations qui, dans ce roman, sont à la fois complexes, emplies de non-dits et tellement humaines.
Lucy est attachante et sa recherche personnelle qui aboutira des années après cet épisode, à la faire changer de vie, ne peut nous laisser indifférents.
C'est de plus une lecture courte, facile à lire, une histoire simple et sensible qui aurait pu pour moi être un vrai coup de cœur tant certaines phrases sont belles et touchantes...mais comme je vous l'ai dit, je n'ai pas accroché avec d'autres passages.
Aux Etats-Unis, il a été considéré comme un chef-d'oeuvre...pas pour moi, mais je reconnais que je l'ai lu avec plaisir et que je suis contente d'avoir découvert cet auteur et son écriture toute en délicatesse et retenue.
Je lirai donc votre avis avec grand plaisir si vous le lisez un jour.
J'ai cessé d'écouter. C'était le son de la voix de ma mère dont j'avais besoin : ce qu'elle disait n'avait pas d'importance. Alors j'ai écouté le son de sa voix ; avant ces trois derniers jours, je ne l'avais pas entendue depuis longtemps et elle était différente. Ou peut-être était-ce mon souvenir qui était différent car, d'habitude, le son de sa voix me crispait. Tout le contraire de ce que j'entendais là, avec ce sentiment pressant, cette urgence.