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Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

La valse des arbres et du ciel / Jean-Michel Guenassia

Albin Michel, 2016

Albin Michel, 2016

J'ai renié Dieu depuis longtemps, je le maudis chaque jour de ma vie et je le maudirai jusqu'à mon dernier souffle. Car malgré les cathédrales qu'on lui a construites, malgré les millions de prières qu'on lui adresse, il ne s'intéresse pas aux hommes, en réalité, il n'est qu'un impuissant, un dieu de pacotille. Peut-être que Vincent l'a entrevu, mais je ne le crois pas. Vincent a peint ce monde de façon bien plus belle que lui ne l'a créé.

Ce que je vois n’est ni banal ni paisible, ce sont les blés et les arbres qui vibrent comme s’ils étaient vivants et passionnés de vivre, avec le vent qui les bouleverse, le jaune qui s’agite de partout et le vert qui tremble...

 

A la fin du XIXe siècle, à Auvers-sur-Oise, le Docteur Gachet élève seul ses enfants, depuis le décès de sa femme.

Selon les principes de l'époque, il envoie Paul en pension dans une prestigieuse école, tandis que Marguerite, sa fille aînée qui vient pourtant d'obtenir le baccalauréat, est promise au fils d'un riche pharmacien de la ville qui doit reprendre les affaires  de son père.

Marguerite ne veut pas se marier mais son père ne lui demande pas son avis.  Elle rêve de devenir peintre, mais il lui est impossible d'entrer aux Beaux-Arts car  aucune fille ne peut s'y inscrire.

 

Elle étouffe dans cette famille dénuée d'amour, sa mère étant décédée alors qu'elle n'était qu'une enfant, personne ne peut intercéder en sa faveur et elle, qui a l'esprit ouvert, rêve de s'affranchir des convenances et de choisir sa destinée. Alors elle décide qu'elle partira en Amérique. 

Mais l'époque n'est pas favorable à l'émancipation des filles, et son père a sur elle une grande emprise psychologique qui ne fait qu'accentuer son désir de liberté. 

 

C'est alors qu'elle croise Van Gogh. Il a 37 ans. Nous sommes en 1890 : il vient d'arriver dans la ville pour consulter le Docteur Gachet, suivant ainsi les conseils de son frère Théo. Il sort de dépression et redoute les rechutes de sa maladie. Il s'installe à l'auberge de la ville et, il peint.

 

Marguerite est aussitôt subjuguée par la beauté de ses œuvres.

Que lui importe que Van Gogh ne soit pas connu et qu'il soit même critiqué par ses pairs. Il peint un tableau par jour et ne se satisfait jamais de ses créations. Marguerite admire les couleurs que les autres détestent. Elle se moque que ses dessins ne reflètent pas le réel mais ce qu'il ressent...et aimerait arriver un jour à faire de même. 

Elle le suit partout et lui voue une admiration sans borne tandis que peu à peu, elle tombe amoureuse de lui. 

Marguerite ignore alors qu'elle sera son dernier amour.

 

La peinture ne s'apprend pas, les leçons ne servent à rien !
N'aie pas peur de te mettre en danger, de te casser la figure et de souffrir. Trouve ton chemin seule, tu n'as besoin de personne pour être peintre, regarde ce que tu as devant toi, ferme les paupières, et peins ce que tu vois à l'intérieur de toi. Et si tu ne vois rien, s'il n'y a rien, arrête de peindre.

 

Jean-Michel Guenassia nous révèle dans ce roman une version surprenante des derniers jours de la vie du peintre. Dans sa postface, il précise qu'il s'est inspiré des recherches et des découvertes plus ou moins récentes pour réécrire sa fin tragique.

Le grand intérêt du roman est en effet d'être étayé de documents, d'articles de presse qui sont de véritables leçons d'histoire car reproduits tels quels, de lettres de Vincent à son frère Théo dont j'avais lu il y a très longtemps la correspondance, bien avant d'avoir ce blog. 

L'auteur réinterprète donc à sa façon et éclaire d'un jour nouveau, les documents de l'époque et les circonstances supposées de la mort du peintre. Cette version des faits a le mérite de permettre au lecteur de s'interroger...

 

Certains des personnages ont réellement existé et tout le monde sait que le peintre est décédé d'une blessure par balle. 

Mais Van Gogh, qui avait plein de projets en tête, s'est-il réellement suicidé ? Des doutes sur son suicide ont été émis dès le début du XXe siècle.

Si ce n'est pas un suicide, qui lui a alors tiré dessus ?

Pourquoi ne l'a-t-on pas transporté à l'hôpital ?

Autant de questions qui trouvent des réponses possibles dans ce roman...

 

C'est Marguerite, maintenant âgée, qui raconte son histoire d'amour avec le peintre. Le fait qu'elle emploie le "je" comme si elle nous offrait ses confidences, renforcent l'impression de véracité et donne le ton du roman. 

Le chemin de Van Gogh a-t-il réellement croisé celui de Marguerite, lors de son séjour à Auvers-sur-Oise  ? Nul ne le sait...et il ne parle pas de cette idylle dans ses lettres à Théo. Tout ce que nous savons c'est qu'elle est par deux fois présente dans ses tableaux. Mais peut-être Van Gogh a-t-il voulu simplement faire plaisir au Docteur Gachet qui le recevait,  en faisant le portrait de sa fille...

 

Le Docteur Gachet, présenté comme l'ami des impressionnistes, l'était-il vraiment ? Lui qui fréquentait les milieux artistiques parisiens, qui invitait de nombreux peintres à venir dans son atelier, installé dans le grenier de sa maison et qui devint l'ami de Pissarro, de Renoir, de Monet, de Cézanne, et de Van Gogh était-il un faussaire comme certains l'ont supposé ?

Quoi qu'il en soit à la fin de sa vie, il possédait une incroyable collection de tableaux offerts par ses amis, en échange de ses soins. 

 

Si je n'ai pas trouvé l'idylle entre Marguerite et Van Gogh d'un quelconque intérêt, j'ai par contre adoré, les moments où l'art prend toute la place, où Marguerite découvre la peinture de Van Gogh et nous la décrit.  Ces passages sont magnifiques et très poétiques. C'est si réaliste que je voyais sans peine le peintre choisir ses couleurs, assis là,  au bord du champ de blé ou de la rivière...

Ce roman reste donc avant tout, un superbe portait de Van Gogh, peintre décrié en son temps mais devenu un de nos plus grands artistes contemporains. Un peintre qui n'était pas fou et qui nous a laissé une oeuvre extraordinaire.

C'est pour toutes ces raisons que ce livre est à découvrir, si vous aimez Van Gogh...

 

Un jour, ce journal sera découvert, et cette histoire sera révélée. Pour qu'elle reste secrète, comme elle l'a été jusqu'à ce jour, il aurait fallu que je brûle ce carnet, mais je ne peux m'y résoudre, car il constitue l'unique lien qui me relie à lui et, dans ces pages, je peux relire notre histoire et retrouver ma jeunesse.

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