Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Si vous m'aviez posé la question une heure plus tôt, j'aurais répondu que non, je ne me rappelais pas ce sentier. Je ne crois même pas que je me serais souvenu du nom de Lettie Hempstock. Mais debout dans ce vestibule, tout me revenait. Des souvenirs attendaient à la lisière des choses, pour me faire signe. Vous m'auriez déclaré que j'avais à nouveau sept ans, j'aurais pu vous croire à moitié, un instant.
"- Jouer à quoi ?
- A ça", a-t-elle répondu. Elle a englobé d'un geste la maison, le ciel, l'impossible pleine lune et les écheveaux, les écharpes et les constellations d'étoiles vives.
J'aurais voulu savoir ce qu'elle voulait dire. On aurait cru qu'elle parlait d'un rêve que nous avions partagé. Pendant un instant, il a été si proche dans ma tête que j'aurais presque pu le toucher.
Je vais te confier quelque chose d'important. Les adultes non plus, ils ressemblent pas à des adultes, à l'intérieur. Vus de dehors, ils sont grands, ils se fichent de tout et ils savent toujours ce qu'ils font. Au-dedans, ils ressemblent à ce qu'ils ont toujours été. A ce qu'ils étaient lorsqu'ils avaient ton âge. La vérité, c'est que les adultes existent pas. Y en a pas un seul, dans tout le monde entier.
J'étais un enfant normal. C'est-à-dire que j'étais égoïste, que je n'étais pas entièrement convaincu de l'existence de ce qui n'était pas moi, et que j'étais certain, avec une conviction inébranlable, ferme comme le roc, que j'étais l'élément le plus important de la création.
Un homme d'une quarantaine d'année, revient vers son village natal pour un enterrement (peut-être un de ses parents ?).
Une fois terminée la cérémonie, alors qu'il doit rejoindre les siens une heure après, il s'évade un instant pour revoir la maison où il a vécu et se retrouve sans le vouloir, près de la ferme des Hempstock...un endroit où tant de choses extraordinaires se sont passées lorsqu'il n'avait que 7 ans.
Assis sur le banc près de l'étang, les émotions et les souvenirs qu'ils pensaient enfouis à jamais, le submergent à nouveau...
Il revoit alors avec netteté, son amie Lettie de trois ans son aînée.
Il avait vécu avec elle, les aventures les plus rocambolesques qui soient, peuplées de créatures cauchemardesques et dangereuses...Il faut dire qu'elle avait une imagination débordante !
Il retrouve le ronronnement réconfortant du chaton dont il s'occupait ; le lavabo jaune de sa chambre, juste à sa taille, qui se trouvait dans la maison détruite où ils vivaient alors avec ses parents...
Il se rappelle des événements tragiques qui ont suivi le suicide d'un des locataires retrouvé dans la voiture de son père ; de la fête d'anniversaire ratée, parce que personne n'était venu...et surtout d'Ursula Monkton, la terrible et étrange gouvernante qui était venue les garder, sa soeur et lui, lorsque leur mère avait décidé de recommencer à travailler : elle avait fait de sa vie, libre et sans soucis jusque là, un enfer !
Si la douceur des souvenirs est bien présente, comme le goût du lait de ferme et de la confiture des petits déjeuners, les livres qui emplissaient sa vie et nourrissaient son imaginaire d'enfant, les épreuves qui l'ont obligé à quitter le monde de l'enfance à jamais, le déchirent à nouveau.
Il se souvient en particulier du jour où, emmené par Lettie au coeur de la forêt, il a, malgré ses recommandations, lâché sa main. Alors, comme dans les contes de notre enfance, sa vie a basculé, et il a été obligé de faire face à toute une série d'épreuves initiatiques, toutes plus difficiles les unes que les autres qui se sont soldées par le départ de Lettie en Australie.
Mais Lettie est-elle vraiment partie ?
Les souvenirs d'enfance sont parfois enfouis et masqués sous ce qui advient par la suite, comme des jouets d'enfance oubliés au fond d'un placard encombré d'adulte, mais on ne les perd jamais pour de bon
J’aimais les mythes. Ce n’étaient ni des histoires pour adultes, ni des histoires pour enfants. Elles étaient mieux que ça. Elles étaient, tout simplement.
- Les adultes et les monstres ont peur de rien.
- Oh, si, les monstres ont peur. C'est pour ça que ce sont des monstres.
Quant aux adultes...Vus du dehors, ils sont grands, ils se fichent de tout et ils savent toujours ce qu'ils font. Au-dedans, ils ressemblent à ce qu'ils ont toujours été. A ce qu'ils étaient lorsqu'ils avaient ton âge. La vérité, c'est que les adultes existent pas.
Dans ce roman poétique mais empli de mélancolie, où le fantastique côtoie le réel, le lecteur ne peut que se laisser embarquer dans les peurs, les monstres et les zones d'ombre qui peuplent l'enfance...
J'ai aimé la façon dont le héros laisse affluer ses souvenirs, entachés par ses angoisses de petit garçon qui a peur du noir, et par son incompréhension du monde des adultes qu'il interprète à sa façon. Un petit garçon imaginatif qui plonge dans les livres et laisse sa vie réelle se peupler des créatures fantastiques rencontrées dans ses lectures...et je vous le dis : elles existent puisqu'il y croit !
Mais heureusement le cerveau est doué d'intelligence et nous fait oublier, devenu adulte, ce qui nous a marqué enfant, enfin il essaie...
J'ai aimé la famille de Lettie, loufoque mais très présente, qui sait calmer ses angoisses et éloigner ses démons avec des paroles magiques et un bon goûter.
L'auteur nous rappelle avec ses mots, que l'enfant que nous avons été sommeille toujours au fond de nous et fait partie de nous. Il nous fait revivre le monde de l'enfance avec ses fantômes, ses sensations et ses souvenirs. Voilà pourquoi, dans ce roman, chacun de nous pourra y trouver ce qu'il veut bien y trouver.
Au fil des pages, le lecteur comprend que la petite mare qui existe toujours à côté de la ferme au bout du chemin, était pour les enfants un véritable océan, juste assez grand pour contenir tous leurs rêves et toutes leurs angoisses.
Est-ce une part de lui-même que nous livre ici l'auteur ?
Je ne saurais le dire... mais ce qui est sûr, c'est que les lecteurs anglais ne s'y sont pas trompés puisqu'ils lui ont décerné le très convoité "Book of the year 2013" et que le roman a obtenu l'année suivante le Prix Locus du meilleur roman de fantasy en Amérique.
Quant à moi je n'ai pas réussi à choisir entre toutes ces citations...je les aime toutes !
A noter, que bien qu'il nous parle d'enfance, et que l'auteur ait beaucoup écrit pour les enfants, ce n'est pas du tout un roman de littérature jeunesse mais bien un roman pour adultes et adolescents.
Bonne lecture...
Les adultes suivent les sentiers tracés. Les enfants explorent. Les adultes se contentent de parcourir le même trajet, des centaines, des milliers de fois ; peut-être l’idée ne leur est-elle jamais venue de quitter ces sentiers, de ramper sous les rhododendrons, de découvrir les espaces entre les barrières.
J’ai pleuré , alors, transi et encore humide, dans cette chambre, pleuré de douleur, de colère et de terreur, pleuré en toute sécurité, sachant que personne n’entrerait et ne me verrait, que personne ne se moquerait de mes pleurs, comme on se moquait dans mon école des garçons assez imprudents pour céder aux larmes.
J’ai entendu le doux tapotement de gouttes de pluie contre les carreaux de ma fenêtre de chambre, et même cela ne m’a apporté aucune joie.
Vous pouvez lire l'avis de "Plume vive" ci-dessous...c'est elle qui m'a donné envie de lire ce titre !
L'océan au bout du chemin ✒️✒️✒️ de Neil Gaiman - Carnet de bord littéraire
Avis aux grands bambins 310 pages Au diable Vauvert Aucun autre livre lu de cet auteur Un mythe, un conte, voilà ce que ce roman est. Une plongée dans le monde de l'enfance, un monde où tout est...
http://carnet-de-bord-litteraire.over-blog.com/l-ocean-au-bout-du-chemin-de-neil-gaiman.html