Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Globalia, ou nous avons la chance de vivre, proclamait le psychologue, est une démocratie idéale. Chacun y est libre de ses actes. Or la tendance naturelle des êtres humains est d’abuser de leur liberté, c’est à dire d’empiéter sur celle des autres. La plus grande menace sur la liberté, c’est la liberté elle-même. Comment défendre la liberté contre elle-même ? En garantissant à tous la sécurité. La sécurité c’est la liberté. La sécurité, c’est la protection. La protection, c’est la surveillance. La surveillance, c’est la liberté.
L'obsolescence programmée des choses faisait partie de la vie. Il était acquis qu'elle entretenait le bon fonctionnement de l'économie. Acquérir était un droit mais posséder était contraire au nécessaire renouvellement des productions.
Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu de roman d'anticipation. Et je devais pour le Cercle de lecture auquel j'appartiens lire un des romans de Jean- Christophe Rufin. Aussi lorsque j'ai découvert ce titre, j'ai trouvé que c'était une bonne chose de le lire.
"Globalia" est un roman moderne et visionnaire qui dresse le portrait d'une société soi-disant démocratique, mais protectrice à l'excès qui a enfermé ses habitants dans une sorte d'énorme bulle où tout est parfaitement calculé, contrôlé, vérifié...
Dans cette société régit par un seul état, on parle l'anglobal et on emploie le globar pour payer.
Mais la prospérité apparente du lieu où l'expression de chacun est favorisée, cache en réalité un régime totalitaire qui surveille chacun étroitement par l'intermédiaire de la "Protection sociale", une sorte d'armée secrète visant à faire respecter l'ordre et qui n'hésite pas à faire de vos proches, vos pires ennemis et espions...
Des fêtes factices et obligatoires sont créées pour satisfaire le besoin de s'amuser, chacun sait tout sur tout le monde, les informations fausses circulent et les habitants sont abrutis par des écrans géants qui se trouvent à peu près partout. On a le droit de vivre très vieux car tout est fait pour que la vieillesse n'existe pas et les habitants sont obligés d'avoir recours à la chirurgie esthétique et autres actions pour rester éternellement jeunes. Bien sûr, dans un monde clos où la mort n'existe pas, les naissances sont rigoureusement contrôlées.
Ah oui ! J'oubliais : le papier et les stylos s'achètent au rayon jouets...car on écrit plus du tout puisque tout est informatisé.
Les politiques sont pourtant élus par le peuple, mais il y a tellement d'élections que les gens ne se dérangent plus pour voter.
C'est la grande sagesse du peuple, voyez-vous. Les gens ne se dérangent que pour les élections qui ont un sens.
Alors on fabrique de toute pièce des stimulants, on fait exploser des bombes et on invente un ennemi qui n'existe pas pour faire peur aux gens et les abêtir un peu plus.
C'est là dans Globalia que vivent Baïkal et Kate. Ils sont amoureux et leur rêve est d'aller voir de l'autre côté de la bulle, de quitter ces paysages factices, cet air artificiel et cette météo toujours trop prévisible.
Alors lors d'une randonnée organisée, ils passent la barrière de verre...
On entendait un gazouillis en hauteur dans les arbres : elle se demanda si c’était un véritable oiseau ou un haut-parleur dissimulé car la salle était habilement sonorisée.
Baïkal, toujours rebelle depuis son enfance veut découvrir ce qu'on leur cache.
Car en dehors des parois de verre, il y a des gens qui vivent : ce sont les non-zones, des êtres misérables, plus ou moins organisés dont certains survivent uniquement grâce à la mafia locale.
Mais très vite, la zone extérieure étant protégée par de nombreuses caméras de surveillance, les deux jeunes gens sont arrêtés, séparés et ramenés à Globalia.
C'est alors qu'un dénommé Ron Altman propose à Baïkal de lui rendre sa liberté s'il accepte de retourner à l'extérieur, lui faisant croire qu'il a une mission spéciale à lui confier. En fait, à son insu, il va le faire passer pour un terroriste...
Baïkal devient alors l'ennemi public numéro 1. Le voilà obligé de rester sur place, loin de Kate, au milieu de ces êtres qu'il ne connaît pas mais qui vivent en toute liberté hors de Globalia...
Un livre fort qui au delà des personnages et de l'histoire, nous rappelle quel est le prix à payer pour vivre dans un monde sécurisé.
L'écriture de Jean-Christophe Rufin est très agréable et d'une grande richesse...
Beaucoup de pistes de réflexion sont mises en avant dans ce roman et vous y penserez longtemps...
Un faible pourcentage de dirigeants possèdent toutes les richesses et c'est donc l'économie qui gouverne et non pas les politiques ;
Le terrorisme est créé de toute pièce pour annuler tout désir de remise en question du peuple et créer une sorte de cohésion sociale ;
Le problème, je vous l’ai dit, c’est que les gens ont besoin de la peur… Pourquoi croyez-vous qu’ils allument leurs écrans chaque soir ? Pour savoir à quoi ils ont échappé… La peur est rare, voyez-vous. La vraie peur, celle à laquelle on peut s’identifier, celle qui vous frôle au point de vous cuire la peau, celle qui entre dans la mémoire et y tourne en boucle jour et nuit. Et pourtant, cette denrée-là est vitale. Dans une société de liberté, c’est la seule chose qui fait tenir les gens ensemble. Sans menace, sans ennemi, sans peur, pourquoi obéir, pourquoi travailler, pourquoi accepter l’ordre des choses ? Croyez-moi, un bon ennemi est la clef d’une société équilibrée.
Le nivellement par le bas donne une société uniforme où les quelques individus qui sont encore capable de réfléchir sont mis aux bans des accusés comme Puig par exemple qui va se battre aux côtés de Kate et l'aider à retrouver Baïkal. Il a été rejeté parce que son témoignage allait à l'encontre des versions officielles ;
Les livres sont bannis et l'histoire oubliée ;
La jeunesse est jalousée et rejetée car elle formerait une menace pour la cohésion sociale...
Bien sûr, ce roman nous rappelle de grands classiques du genre comme les romans de Bradbury, d'Orwell, de Huxley et même de Kafka que nous avons tous lu dans notre jeunesse et que j'ai même dévoré à l'époque !
Celui-ci est différent car plus proche encore de notre monde d'aujourd'hui : c'est justement parce qu'il est encore plus crédible que nous nous laissons prendre.
J'ai pourtant mis un peu de temps à entrer dans cet univers, mais une fois immergée, j'ai trouvé de l'intérêt à suivre les personnages, découvrir les complots et la personnalité de ceux qui tiennent les ficelles.
J'ai juste regretté que par moment, le roman présente quelques longueurs ce qui peut empêcher des grands ados de s'y intéresser.
Ce roman sorti en 2004, provoque toujours des avis très divergents sur le net, on adore ou on déteste, on y croit ou pas, on le trouve proche de la réalité ou pas...
A lire donc pour vous faire votre propre opinion !
Par bonheur, le retour d'un être n'est pas seulement l'incarnation du souvenir qu'on avait de lui. C'est sa vie tout entière qui revient, son parfum, sa mimique, le son particulier de sa voix. Celui qui apparaît rapporte d'un coup tout ce qu'il est, ce dont nous nous rappelions et ce que nous avions oublié.
L'ennemi c'est celui qui vous hait et veut vous détruire. L'adversaire c'est celui qui vous aime et veut vous transformer...