Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Papa dit que c'est tout à fait compréhensible. Après tout, j'ai vécu un événement traumatisant. Je suis comme un bébé qui panique dès qu'on le dépose dans les bras inconnus. Je les ai vus, ces petits anges gazouilleurs, se transformer d'une seconde à l'autre en monstres hurlants. Moi, je ne hurle pas à vous déchirer les tympans. Pas vraiment.
Je me retiens...
J'ai très peu lu Sophie Kinsella jusqu'à présent. C'est une romancière anglaise connue pour ses romans chick-lit, qui s'adressent surtout aux jeunes adultes. J'ai appris récemment qu'elle écrivait non seulement sous le nom de Sophie Kinsella, mais aussi sous son nom de femme mariée, Madeleine Wickham.
Elle a été révélée au public grâce à sa série"L'accro du shopping", une série sortie en France dans les années 2000. Ses livres sont faciles à lire et emplis d'humour...
Si j'ai décidé de vous parler de celui-ci aujourd'hui, c'est parce qu'il s'adresse aux adolescents d'une part, mais surtout qu'il aborde un sujet peu traité dans la littérature adolescente, celui du harcèlement.
Je sais maintenant ce que c'est que d'être vieille.
Bon d'accord, je n'ai aucune idée de ce que ça fait d'avoir la peau ridée et les cheveux blancs. Mais je sais ce que ça fait de marcher dans la rue à pas lents et incertains, en grimaçant chaque fois que quelqu'un passe près de moi et en sursautant à chaque coup de klaxon, avec la sensation que tout va beaucoup trop vite.
Vous n'avez pas idée du nombre de gens qu'il y a dans le monde jusqu'au jour où ils se mettent à vous ficher une trouille bleue.
Audrey a 14 ans. Elle souffre d'anxiété et n'arrive plus à sortir au dehors depuis qu'elle a vécu des événements traumatisants avec un groupe de filles de son lycée.
Depuis, elle vit cachée derrière ses lunettes noires qu'elle ne quitte jamais et ne sort plus de la maison. Suite aux événements, elle a du être déscolarisée mais elle espère arriver à aller mieux d'ici la prochaine rentrée scolaire, pour reprendre ses études dans un autre établissement.
En attendant, elle est si anxieuse que lorsque quelqu'un sonne à la porte, elle court s'enfermer dans sa chambre. Elle ne supporte que la présence de sa famille et de son psychiatre et encore sans jamais regarder quiconque dans les yeux sauf son petit-frère. En plus il ne faut jamais lui parler de ce qui s'est passé et elle-même ne veut jamais en parler.
Un jour, son psychiatre lui propose de tourner un film sur sa famille. Voilà qu'elle va pouvoir intercaler entre elle et les autres, l'oeil de la caméra. Cela change tout !
Cette caméra va lui permettre de poser un autre regard sur sa famille, un regard que nous partageons avec elle tout au long du roman.
On découvre ainsi...
Franck, son frère aîné, accro aux jeux vidéos au point de ne plus dormir la nuit et de mettre sa mère vraiment très en colère.
Anne, la maman un tantinet trop protectrice et excessive qui passe son temps à rechercher dans le "Daily Mail", les articles sur le thème de l'adolescence et tente d'imposer à sa famille les conseils avisés des journalistes.
Chris, le papa trop cool, qui a renoncé depuis longtemps à contredire sa femme.
Et Linus, un copain avec qui Franck, s'entraîne aux jeux vidéos pour un concours.
Lui va chercher à comprendre le problème d'Audrey sans poser aucune question et puisqu'elle ne veut pas lui parler et bien, il va lui écrire !
Ainsi, peu à peu, la caméra va aider Audrey à redécouvrir les autres, tandis que Linus la pousse à sortir de sa coquille...
Le problème, c’est que la dépression ne s’accompagne pas de symptômes, comme des petits boutons ou de la fièvre, alors au début, on ne se rend pas compte. On continue à répondre « tout va bien » alors que, au fond, ça ne va pas du tout. On se dit qu’on n’a aucune raison d’aller mal. Et on se répète sans arrêt : « mais pourquoi est-ce que je me sens si mal ?
J'ai trouvé qu'Audrey était une héroïne attachante et courageuse car elle ne baisse jamais les bras. Son désir le plus cher en effet, est de vivre comme tout le monde et d'être "normale", mais elle n'y arrive pas ou au contraire, fait tant d'efforts, qu'elle tombe dans l'excès et brûle les étapes.
L'auteur nous fait entrer dans cette famille loufoque et même, il faut bien le dire, un peu dingue, mais le lecteur découvre que c'est une famille unie et complice dans laquelle tous les membres participent à leur façon à la guérison de la jeune fille.
Les scènes entre la mère et le grand frère, accro aux jeux vidéos sont d'un comique rare et j'ai cru parfois entendre les cris tant elles sont réalistes...
Le père a baissé les bras depuis longtemps mais il n'en aime pas moins sa fille et se fait du souci pour elle.
Félix, le petit frère, du haut de ses 4 ans n'en manque pas une non plus et sa naïveté et sa bouille toute ronde aident beaucoup sa soeur. Il est le premier qu'elle arrive à regarder droit dans les yeux et sans lunettes.
J’ôte mes lunettes de soleil et je contemple son petit visage rond, si merveilleusement ouvert. Felix est la seule personne que je sois capable de regarder dans les yeux. Mes parents, ce n’est même pas la peine. Ils débordent d’inquiétude et de peur, ils en savent trop long. Ils expriment trop d’amour, vous voyez ce que je veux dire ? Si jamais je viens à croiser leur regard, tout me revient d’un seul coup comme un raz de marée – le tout mêlé à une colère qui chez eux est tout à fait justifiée. Non qu’elle soit dirigée contre moi, mais tout de même. C’est hautement toxique.
Quant aux yeux de Franck, ils ont seulement l’air un peu paniqués. Style : « À l’aide, ma soeur est devenue folle, que dois-je faire ? » Il aimerait bien que ça ne le touche pas à ce point, mais il n’y peut rien. Bien sûr que ça le perturbe.
J'ai trouvé aussi que l'auteur avait une façon étonnante et très personnelle de traiter ce sujet grave. Le harcèlement est à peine suggéré tout au long du roman.
C'est par de petites touches au cours de la lecture, que le lecteur arrive à imaginer ce qui s'est réellement passé entre les filles. Les faits ne sont jamais ni explicités ni mentionnés dans les détails.
L'accent est mis sur le ressenti de la jeune fille...Le lecteur passe par des émotions contradictoires, des hauts et des bas au même rythme que cette jeune héroïne pour qui on ne peut qu'éprouver de la compassion car d'une part, elle s'adresse à nous directement et d'autre part, en tant que parents, nous ne pouvons que comprendre ses épisodes de phobies sociales et ses phases dépressives.
Au delà du sujet, c'est un roman empli d'espoir qui montre bien que tous les êtres humains ont la capacité de rebondir dans la vie...et j'ai trouvé important qu'il en soit ainsi.
A proposer aux ados dès l'âge de 13 ans et puis aussi à leurs parents.