Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Parfois, je vois les trains et ils passent ; d'autres fois c'est l'inverse, ils passent et je les vois.
Je ne connaissais Jean-Philippe Domecq que de nom. Aussi, lorsque Babelio m'a demandé si je voulais tester son dernier livre, je n'ai pas pu dire non. Vous me connaissez maintenant et vous savez que j'ai des lectures très variées.
J'ai découvert en fait que "Deuxième chambre du monde" est le troisième roman d'un cycle intitulé "La Vis et le Sablier" qui comprend "Cette rue" (Fayard 2007) et "Le jour où le ciel s'en va" (Fayard 2010). Ce n'est pas une suite donc il peut être lu séparément.
C'est l'histoire d'un homme très seul, dont la vie est rythmée par le travail, la routine du quotidien, les rencontres avec sa petite amie du moment et ses rares sorties hors de son immeuble parisien.
Alors comme il s'ennuie, il passe son temps à observer et à s'observer, à réfléchir à haute voix, à analyser sa vie et celle des autres. Et comme il a une sensibilité particulière, il voit des choses que personne ne peut voir...
Un soir tout va changer pour lui : il entrevoit par la fenêtre une ombre projetée sur le mur d'en face, juste au-dessus de sa propre fenêtre, sans nul doute, une silhouette féminine qui n'apparaît, bien sûr, que lorsque la lumière de la chambre s'allume. Il se met alors à attendre la nuit, il guette les pas au-dessus de sa tête, il parle seul et ne vit plus que pour cette apparition éphémère et la personne qu'il imagine être derrière. Il en devient obnubilé jusqu'à l'obsession...
Un court roman, riche en réflexions et en dialogues qui m'a profondément surprise tant le style de l'auteur est particulier.
Dès les premières pages, les phrases nous apparaissent quasiment toutes sans queue, ni tête. Elles sont courtes ou trop longues, à la fois littéraires et quasiment scientifiques, très poétiques ou désaccordées.
L'auteur vraisemblablement s'amuse beaucoup : il inverse les mots ou parfois les oublie. Il ne termine pas ses phrases ou les répète différemment ce qui en change le sens...mais le lecteur s'y habitue très vite !
Très vite donc, on découvre la réflexion philosophique qui se cache derrière l'histoire, somme toute banale. On est surpris par l'humour décalé et inattendu, voire carrément désopilant et surtout par ce personnage plein d'étrangeté qui vit en dehors de la réalité...
La fin bien sûr, nous éclaire et nous surprend !
Je la rouvre, cette porte, et je m'essuie les pieds en sortant. Là, j'ai un arrêt. Heureusement, que je l'ai eu. Mais l'arrêt a duré, porte en main. Comment m'en sortir je viens de m'essuyer les pieds pour sortir, pour sortir, que va penser le préposé ?... Que j'ai trouvé sale son local ? Aussi sale au moins que dehors, puisque je me suis essuyé les pieds en sortant exactement autant qu'en entrant ?! Que je me suis essuyé les pieds du local où il travaille, lui ! Qu'il entretient, si ça se trouve ! Où il accepte de travailler, en tout cas ! Dont il a la responsabilité pleine et entière, si ça se trouve !...
L'auteur est surtout connu pour ses essais (il en a écrit une quinzaine), ses critiques de l'art et de la critique littéraire française...
Il a écrit aussi des romans ou des récits pour adultes et quelques biographies.
Il a été rédacteur de "Quai Voltaire", une revue littéraire et membre du comité de rédaction de la Revue "Esprit", une revue d'idées, qui existe depuis 1932.
Wikipedia fait d'ailleurs de cette revue la définition suivante :
Esprit est une revue intellectuelle française fondée en 1932 par Emmanuel Mounier à la recherche d'une troisième voie humaniste entre le capitalisme libéral et le marxisme. Après guerre, elle essaie de faire naître une "nouvelle gauche".
L'auteur qualifie lui-même son dernier livre de métaphysique-fiction, et il sort d'ailleurs chez le même éditeur (Serge Safran) un livre où il explique de quoi il s'agit. Un éditeur remarquable qui sait trouver des auteurs originaux et des écrits de qualité et proposer au lecteur un véritable voyage en littérature...
Personnellement je n'avais jamais entendu ce terme et j'ai voulu bien sûr en savoir plus...Et bien je vous rassure, je n'ai pas vraiment compris ce que c'était mais je vais essayer de vous l'expliquer !
Toujours d'après wikipedia, la métaphysique est une science philosophique qui "questionne d'abord sur l'existence des choses ou des événements tels qu'ils nous apparaissent et qui tente ensuite de décrire et d'expliquer ce qui existe vraiment".
La métaphysique-fiction serait donc un genre romanesque nouveau à l'exacte croisée entre "notre perception métaphysique de la vie qui se nourrit de nos acquis, et la construction de nouveaux espaces fictionnels".
Si vous voulez en savoir plus sur cet auteur, retrouvez-le sur son blog...
Le blog de Jean-Philippe Domecq
(paru dans Le Monde du 2 septembre 2015:) CETTE OBSCURE ENVIE DE PERDRE À GAUCHEpar Jean-Philippe Domecq--- Université d'été du Parti socialiste qui tire à hue et à dia, écologistes qui claq...