Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
"Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir et un père comme André Sfar." nous dit l'éditeur sur sa quatrième de couverture. "Ce livre pudique, émouvant et très personnel, est le Kaddish de Joann Sfar pour son père disparu. Entre rire et larmes".
Papa est né l'année où tonton Adolf est devenu chancelier : 1933. C'est l'année où pour la première fois on a découvert le monstre du Loch Ness. C'est l'année, enfin, où sortait King Kong sur les écrans. Mon père, c'est pas rien.
Il est inutile de présenter Joann Sfar. Tout le monde le connaît. J'aime ses bandes dessinées décalées ! Mais je suis très partagée concernant ce récit de vie.
Le père de l'auteur est mort il y a deux ans...
Ce récit est son hommage à ce père disparu et qui lui manque tant.
Son père était un avocat célèbre, au caractère bien trempé, qui a mené d'une main de maître toute la maisonnée. Il a fait partie des personnages forts qui ont marqué son enfance.
Ce qui a touché l'auteur est, comme pour nous tous, de voir son père devenir vieux, fragilisé et malade, puis de le voir entrer dans une lente agonie. Il nous raconte ces jours difficiles et ceux qui ont suivi l'enterrement et laisse les souvenirs remonter à la surface.
Entre autres figures marquantes, il y a eu aussi le grand-père dont l'auteur nous parle aussi beaucoup.
Ces deux hommes ont d'autant plus marqué sa vie que sa mère est décédée alors que Joann n'avait que trois ans et demi et qu'il a attendu en vain son retour, car on lui avait dit qu'elle était partie en voyage, comme cela se faisait dans beaucoup de famille.
Un jour, le grand-père lève le voile et lui explique que sa mère ne reviendra plus. Cet accès de vérité marquera le petit garçon à jamais...
Deux ans plus tard, parce que ça le démolissait de m'entendre nuit et jour demander quand ma mère reviendrait de son voyage, mon grand-père Arthur a brisé le diktat paternel. Il m'a pris sur ses genoux et m'a dit la vérité : elle est morte.
Ce jour-là, il m'a donné la parole, j'ai cessé d'être un chat domestique, j'ai su où j'étais.
Et le visage de mon grand-père à cet instant-là, je m'en souviens pour toujours. On l'aime un siècle après sa mort, l'homme qui vous dit vrai. Et celui qui par amour vous cache un morceau du monde, je veux dire papa, on l'aime tout autant, mais on met quarante ans à comprendre combien il avait peur, et combien c'est lui qui redoutait les mots.
C'est toi que j'aurais dû prendre dans mes bras, cher papa. J'avais les bras trop petits. Je ne comprenais pas que tu voulais que je te rassure sur la suite des événements.
Mais ce livre n'est pas qu'un hommage à sa famille. C'est aussi une ambiance unique dans une époque et des relations familiales particulières, ainsi qu'une immersion dans la religion juive, mais une immersion emplie de critiques.
De bonnes idées y circulent, comme celles sur la paix entre Israël et la Palestine...
Donc mes chers frères, là-bas il y aura la paix le jour où les gens le voudront bien. Et aujourd'hui, ils ne veulent pas.
...
Voilà, mes frères, aimer la paix, c'est se mettre dans une colère folle. Plus je songe à la paix, plus je souhaite vous casser la gueule à tous. Mon papa faisait ainsi, il souhaitait la paix dans le monde et se bagarrait tout le temps. Je crois que c'est inévitable, dès qu'on a un tout petit peu d'ambition pour l'espèce humaine, de se mettre dans une colère folle.
L'histoire en elle-même n'est pas à juger bien qu'elle soit très décousue comme le sont nos souvenirs qui remontent à la surface, ou nos pensées lorsqu'on les laisse affleurer. On ne les dompte pas, mais si on les écoute, elles arrivent en désordre, sans aucune chronologie, une pensée amenant les autres et nous faisant passer "du coq à l'âne".
Je connaissais depuis l’âge de trois ans et demi les mensonges des grandes personnes, « ta maman est partie en voyage », mais il a fallu attendre quarante-deux ans et demi pour que j’assiste à ça…Je connais les cadavres. J’en ai disséqué à l’hôpital Pasteur, je connais les os. Aux Beaux-Arts, on n’allait jamais loin sans brandir un fémur ou un maxillaire. Mais je n’avais jamais vu une âme quitter un corps. Voyant comme elle s’est dévouée au chevet de papa, j’ai failli présenter des excuses à ma sœur chérie, pour avoir eu à sa place l’étrange privilège de voir mon père mourir dans mes bras.
Ce qui m'a empêché d'accrocher par moment au récit que par ailleurs j'ai lu très vite, car il a un côté prenant, c'est plutôt, je crois, le style de l'écriture. Je n'ai pas été sensible à ses phrases courtes, mais surtout à son langage cru, en particulier les passages où il nous parle de la sexualité de son père, que je trouve déplacés car très personnels.
Il y a pourtant beaucoup d'émotion que, sans doute par pudeur, l'auteur stoppe aussitôt, et de l'humour ce qui lui permet de prendre de la distance...
J'ai dessiné, car mon père était incapable de dessiner,
le seul domaine où il ne pouvait pas me juger !
J'ai trouvé qu'en cela c'était un livre d'hommes, et c'est sans doute en partie une des raisons pour lesquelles j'ai décroché par moment, bien que ce soit un livre sur le deuil du père et la difficulté d'y faire face auquel tout être humain est confronté un jour, quel que soit son âge et son sexe.
Ce qui me reste après quelques jours de cette lecture...malgré les idées et l'hommage touchant à son père, c'est que c'est un récit qui aurait mérité d'être approfondi.
Le lecteur reste en surface et c'est dommage finalement.
A lire si on est fan de ses BD décalées pour mieux connaître l'auteur, mais sans plus...
Ensuite à l'hôpital, il n'y a que des bonnes nouvelles. Chaque matin, on vous annonce : "Il va un peu mieux". Et puis un jour, il est mort.
Pour en savoir plus sur Joann Sfar, vous trouverez ci-dessous, sur le site de bédéthèque, le lien vers sa biographie et son impressionnante bibliographie.
Car en plus d'être écrivain, il est aussi réalisateur, scénariste, et ...à vous de le découvrir !
Sfar, Joann - Bibliographie, BD, photo, biographie
Tout sur l'auteur BD Sfar, Joann : biographie, bibliographie
Un autre avis beaucoup plus enthousiaste que le mien chez Zazy...
Joann Sfar - Comment tu parles de ton père - ZAZY - mon blogue de lecture
Comment tu parles de ton père Joann Sfar Editions Albin Michel 160 pages Août 2016 ISBN: 978-2226329776 4ème de couverture : Papa est né l'année où tonton Adolf est devenu chancelier : 1933. ...
http://zazymut.over-blog.com/2016/08/joann-sfar-comme-tu-parles-de-ton-pere.html