Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
J'avais noté cet auteur sur ma liste de livres indispensables...
Elle est à la fois poète et romancière et a déjà publié plus de dix livres aux Editions Rivages. Et je n'en ai lu aucun !
Cet auteur a une formation de biologiste : elle est connue pour son engagement dans la protection de la planète et l'écologie. Tout pour me plaire donc...
De quoi ça parle ?
Dellarobia mène une vie de famille tranquille, au moins en apparence, car elle n'aime pas du tout sa vie actuelle, ni là où elle en est arrivée avec son mari Cub, un mari doux et tranquille mais tellement lent, plan-plan et "démodé". De plus, il vit encore, à plus de 30 ans, sous l'emprise de ses parents, surtout de sa mère.
La vie quotidienne de Dellarobia est celle d'une mère de famille de deux jeunes enfants et d'une femme de Red-neck (c'est-à-dire, de fermier...mais leur surnom est plutôt proche de notre "bouseux").
Elle s'est mariée trop jeune à 17 ans par obligation (elle était enceinte mais le bébé est mort à la naissance) et a du abandonner son rêve de faire un jour des études alors qu'elle était encouragée à le faire par son institutrice. , le couple a été aidé par les beaux-parents qui possédait une ferme. Une vraie chance donc !
Seule Dovey, son amie fidèle depuis l'enfance, la soutient en tout : il faut dire qu'elle-même a ses propres problèmes. Elle partage toujours son appartement avec un de ses frères...et quoique plutôt libre dans ses actes, elle n'arrive pas à partir pour autant.
Un jour où Dellarobia ne sait plus où elle en est dans sa vie, elle étouffe et s'apprête à commettre l'irréparable, elle se rend seule dans la forêt avoisinante. Stupéfaite, elle découvre un phénomène jamais observé auparavant : une étrange lumière l'aveugle, la forêt semble en feu, des grappes étranges sont suspendues aux sapins...
Il s'agit d'une invasion de papillons orange et noir : les King Billies...c'est-à-dire des Monarques.
Mais Dellarobia l'apprendra plus tard. Sur le moment, elle ne peut mettre des mots sur qu'elle observe et qui lui fait peur...
Que viennent faire ces papillons à Feathertown, dans les Appalaches où le froid est bien plus rigoureux en hiver qu'au Mexique où ils vont habituellement ?
En effet, ce que le lecteur apprendra dans le roman, c'est que ce papillon qui a une grande taille avoisinant les 10 cm, a la particularité d'être un insecte migrateur.
pour en finir une bonne fois pour toute avec les dettes de l'exploitation.
La venue de ce papillon va non seulement attirer médias, et enfin les spécialistes puis des activistes écolos.
Les croyants du village crient au miracle et y voient un message divin. Mais pour les scientifiques, c'est un drame, la preuve que quelque chose s'est détraqué dans l'équilibre précaire de la nature.
Tout cela va changer en profondeur la vie de Dellarobia qui n'a pas raconté à ses proches pourquoi elle se trouvait sur la colline en pleine forêt toute seule, ce jour-là. Elle prendra conscience du monde qui l'entoure et de ce qui lui manque dans sa propre vie.
Fascinée par ce qu'elle apprend tous les jours au contact des scientifiques, elle devra réagir et se donner les moyens de changer sa vie.
Elle commencera par tenir tête à sa belle-mère et s'imposera auprès des biologistes qui vont même l'employer dans leur laboratoire.
Mais aura-t-elle le courage d'aller au bout de ses rêves et de quitter sa vie étriquée ?
Ce que j'en pense
L'écriture du roman est très poétique, légère, simple et toute en douceur. C'est aussi un roman plein d'humour.
Tout le roman tourne autour de Dellarobia, de sa vie quotidienne à la ferme, en famille, des discussions avec son mari, de ses enfants, de ses beaux-parents, de son passé et de ses regrets parfois, de ses pensées et de ses doutes d'aujourd'hui, des moments qu'elle partage avec son amie, et enfin de ses espoirs et de ses désirs les plus intimes.
Donc il n'y a pas d'action et parfois quelques longueurs mais je ne me suis pourtant pas ennuyée du tout car l'héroïne est attachante et, bien que je ne me sois pas indentifiée à elle, j'ai eu le désir d'en savoir plus et de voir jusqu'où tout cela allait la mener.
Comme elle est intelligente et curieuse, elle s'interroge sur beaucoup de choses. Le dialogue qu'elle entretient avec les biologistes, les questions qu'elle leur pose, sont prétexte à expliquer au lecteur des faits scientifiques sans qu'il s'en rendre compte.
Les explications du Byron à propos des papillons et de leur curieuse migration, sont compréhensibles par tous.
Les questions sur le changement climatique et ses conséquences sur l'équilibre de la nature et la préservation des espèces, sont abordées tout au long du texte.
Mais aussi tout ce qui touche à l'écologie en général et à la protection de l'environnement.
L'emprise de la religion est surprenante. Dans ces campagnes, on écoute davantage le pasteur Oggle que les scientifiques !
L'auteur aborde avec délicatesse le problème de la société américaine à deux vitesses. La pauvreté dans les campagnes est affolante : la famille de Dellarobia vit avec rien tout en travaillant, en élevant des moutons, en vendant laine et agneaux.
Ils achètent à crédit ou alors d'occasion tout le nécessaire, y compris les cadeaux pour leurs enfants. Pour manger ce sont souvent des denrées périmées...
Ils n'ont jamais voyagé hors de leur région, n'ont pas de téléphone portable ni de connexion internet, possèdent seulement une voiture dont ils ont changé trois fois le moteur...
Tout doit durer. Comment ces gens-là peuvent-ils se sentir concernés par les problèmes de la planète ? C'est pourtant ce que Dellarobia va faire et elle entraîne avec elle, certains de ses proches...
L'auteur aborde aussi le problème des médias qui vont précipiter Dellarobia d'une vie modeste vers la lumière.
Le montage de son interview lui fait dire ce qu'elle ne voulait pas dévoiler en public...
Elle fait la une du journal télévisé. Il faut dire qu'avec sa chevelure orange identique à la couleur des Monarques, la prise de vue est magnifique et fera le tour du monde sur youtube, comme l'interview du docteur Byron d'ailleurs, où il se lâche enfin pour dire la vérité aux politiques et à la population.
L'opportunisme de la presse d'aujourd'hui est donc bien décrit.
C'est un auteur qui a su me toucher car son roman est empreint des valeurs que je défend dans ma vie quotidienne et que je tente de mettre en application et d'enseigner à mes petits-enfants, après l'avoir fait à mes enfants : la nécessité de protéger la nature et de respecter le plus petit être vivant, les difficultés pour les scientifiques d'être écoutés surtout lorsqu'ils ont des discours alarmistes ou qu'ils emploient un vocabulaire incompréhensible, le problème de la surconsommation dont on est tous responsable, celui de la production de masse et de sa pollution, le nouveau problème posé par les denrées alimentaires (ou pas) qui viennent de l'autre bout de la planète alors qu'hier encore, il me semble, elles étaient fabriquées sur place... la liste est très longue.
Il y a un passage plein d'humour où le militant écologiste donne à Dellarobia des conseils pour diminuer son empreinte carbone...elle qui en a une, proche de zéro !!
L'auteur ne porte aucun jugement et semble plutôt vouloir oeuvrer pour un rapprochement des différents points de vue religieux et scientifique, d'une part, confronté à celui du monde rural, d'autre part.
"La science ne nous dit pas ce que nous devons faire" "Elle ne nous dit que ce qui est".
C'est donc à l'homme de trouver ce qu'il doit faire.
Pour Dellarobia, il s'agit de cesser de fuir ses désirs, de cesser de résister et d'entrer enfin "dans la lumière", la vraie, celle qui va lui permettre de sortir de sa léthargie et de vivre, vraiment. A la fin du roman elle sait ce qu'elle laisse derrière elle et ce qu'elle veut vraiment.
L'auteur invite chacun de nous à en faire autant et à s'interroger sur ce que chaque disparition d'une espèce entraîne pour les autres êtres vivants et pour notre équilibre tout simplement.
Elle nous invite aussi à reconstruire et aller vers une vie nouvelle, sans peur...
Je ne regrette pas cette lecture et je vous conseille de profiter de vos vacances, je le souhaite pour vous, proche de la nature, pour faire de même.