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« Autour d’un bon aïoli, bien monté et odorant et roux comme un fil d’or, où sont, répondez-moi, les hommes qui ne se reconnaissent point frères ? » Frédéric Mistral
L'aïoli, c'est à la fois le nom du plat complet et celui de la sauce qui accompagne le plat.
C'est un plat de tous les jours, un plat du pauvre même, qui s'adapte à tous les budgets et qui se consommait régulièrement en Provence à une époque où la morue salée n'était pas chère comme aujourd'hui.
On conservait la morue dans le placard au frais et à l'obscurité (dans le cellier ou à la cave) dans des caissettes en bois réservées à cet usage (car imprégnées de l'odeur de morue) et la cuisinière l'avait ainsi toujours sous la main !
Il y a autant de recettes d'aïoli (je parle du plat complet) que de familles et autant de recettes, dans chaque famille, que de saisons, car la personne qui cuisinait, utilisait toujours les légumes du marché ou du jardin !
Il existe donc une grande variabilité autour de la recette de base.
Quels sont les ingrédients de base incontournables ?
Par personne, il faut...
- la morue salée : 1 morceau
Certaines personnes la remplacent par du cabillaud frais. Certes, c'est le même poisson, mais je tiens à faire remarquer que la morue salée que l'on fait dessaler 24 heures à l'avance, puis pocher dans un court-bouillon aromatisé aux herbes de Provence, n'a absolument rien à voir, au niveau du goût, avec le cabillaud frais.
C'est un autre plat, une autre recette, tout simplement.
- les oeufs durs : 1/2 à 1 selon l'appétit.
- les légumes doivent toujours être composés selon leur grosseur, de 1 à 2 pommes-de-terre cuites en robe des champs (donc avec la peau) et de 1 à 2 carottes par personne. Les légumes sont toujours cuits à la vapeur ou à l'eau.
Dans la plupart des familles provençales, c'était ces légumes-là uniquement qui étaient servis avec la morue. Je n'ai pas le souvenir, durant mon enfance, d'avoir mangé d'autres légumes, les jours d'aïoli ordinaires.
Mais actuellement, à ces légumes de base, on pourra ajouter : chou-fleur (ou brocolis), artichauts, navets, éventuellement betteraves rouges cuites séparément.
Au printemps : asperges, petits artichauts poivrade, courgettes.
En été : haricots verts frais cuits et des légumes crus comme par exemple des tomates, du concombre, des radis...
En automne : les dernières courgettes, du fenouil, du chou-fleur...mais jamais de courge.
Pour les fêtes et uniquement dans ces cas-là, l'aïoli comprend en plus de sa variété de légumes, des escargots ramassés dans le jardin et mis à jeûner au moins dix jours, puis cuits avec des herbes aromatiques.
Au bord de la mer, on utilisait des bulots, des tentacules de poulpes cuits ou encore des petits supions (petites seiches) simplement cuits à la poêle.
Pour la sauce, i :
2 à 4 gousses d'ail épluchées par personne et de l'huile d'olive. C'est tout !
Je me souviens que ma mère confectionnait souvent deux sauces différentes pour en avoir une plus légère (pour les enfants ou autres convives).
En automne et en hiver, il faudra impérativement couper les gousses d'ail en deux et enlever le germe (car indigeste).
La recette traditionnelle demande de piler longuement l'ail frais dans un mortier avec un peu de sel (ou de la fleur de sel qui aidera à écraser l'ail) ; bien malaxer la purée obtenue ; puis l'émulsionner en ajoutant de l'huile d'olive peu à peu, pour ne pas dire goutte à goutte au début... Quelques temps après, avec beaucoup de patience, l'aïoli est prêt !
C'est tout simple, mais c'est tout un art. On pouvait conserver sans problèmes les restes hors du frigo (hé hé y en avait pas !).
Aujourd'hui nous avons fait évoluer la recette...
Variante 1
- Éplucher 2 à 4 gousses d'ail frais par personne et les écraser au pilon , jusqu'à ce que la préparation ressemble à une pâte lisse (on ne doit plus voir de morceaux d'ail).
- Ajouter un jaune d'oeuf cru et mélanger.
- Monter l'aïoli en ajoutant peu à peu de l'huile d'olive et en fouettant constamment toujours dans le même sens.
Patience, on tourne !!
Lorsque l'aïoli tient bien...
- Poivrer légèrement.
Dans le REBOUL, la recette préconise de rajouter à cette variante un jus de citron. Chez moi cela ne se faisait pas du tout... Mais, et cela est très étonnant, le Reboul ne mentionne pas la recette traditionnelle sans oeuf que pourtant je connaissais !?
Variante 2
La même recette mais à la place du jaune d'oeuf, incorporer une petite pomme-de-terre cuite, épluchée, écrasée et à température ambiante. Nos grand-mères le faisaient aussi par économie car cela augmente le volume de la sauce quand on est nombreux.
Variante 3
La même recette mais à la place du jaune d'oeuf, mettre de la mie de pain rassis, émiettée, mise à tremper dans l'eau (ou du lait) et bien essorée...sinon elle empêchera la sauce de prendre.
Ma recette du jour
Préparation de la morue
La veille...
- Mettre à tremper la morue 24 heures à l'avance et n'oublier pas de changer l'eau de trempage fréquemment (au moins 5 fois).
Si vous êtes pressés, au lieu d'utiliser de la morue salée, acheter des filets de morue au dessalage rapide (autour de 4 heures). Votre plat sera meilleur qu'avec du cabillaud frais.
- Préparer un court-bouillon (eau sans sel + herbes aromatiques et oignons) et laisser-le refroidir. Ne pas mettre de vinaigre comme pour un court-bouillon classique. Je ne sais pas pourquoi mais c'est moins bon avec la morue salée alors que le vinaigre relève la cuisson d'un poisson blanc ordinaire. Parfois je mets un filet d'huile d'olive dans l'eau du court-bouillon.
Le jour J...
4 -Tourner l'aïoli (voir mode opératoire précis, plus haut!)
Vous aurez bien penser à sortir 1 à 2 heures avant de vos placards tous les ingrédients donc en particulier, l'huile, l'ail et l'oeuf.
Suivez la recette que vous voulez : traditionnelle ? à l'oeuf ? à la pomme-de-terre ? à la mie de pain ?
Mais par pitié ne rajouter pas l'ail à la fin...IL FAUT COMMENCER par PILER l'AIL ! Cela change tout !
Et une bonne sieste...en été !
Quelques mots sur la tradition...
Elle veut que le premier jour du Carême, pour les croyants uniquement (donc le mercredi des Cendres), toutes les familles de Provence consomment le célèbre aïoli provençal.
Mais en fait que ce soit le mercredi des Cendres, le vendredi saint ou pas, s'il fait froid et s'il y a du mistral, c'est toujours un bon jour pour les provençaux pour consommer l'aïoli car tous les prétextes sont bons en fait pour consommer ce plat savoureux et bon à la santé...
Tiens ça par exemple ! Je réalise que je n'ai pas encore écrit d'article sur l'ail. Faudra que j'y pense.
Pèr faire un bouen aiòli, fau agué d’abord un bouen mourtié, siegue de boues, de faiènço o de maubre ; un bouen trissoun de boues, de preferènci, en subre-tout un pougnet bèn soulide.
Traduction :
Pour faire un bon aioli il faut avoir un bon mortier, qu’il soit en buis, de faïence ou de marbre ; un bon pilon de buis de préférence, et par-dessus tout un poignet bien solide.
Si vous voulez lire la suite... consulter le site mis en lien. Vous y trouverez d'autres recettes provençales de tradition et surtout beaucoup d'humour...
Au fait...saviez-vous que l'