Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Depuis la mort de Simon, son fils, disparu en mer, Ioan, un ancien reporter photographe de renom, s'est isolé au coeur des Cévennes où il passe son temps à reconstruire les faïsses effondrées autour du mas.
Quand il reconstruit et scelle les pierres, il ne pense pas ! La seule personne qu'il côtoie, c'est Justin, le vieux berger, éleveur de chèvres qui habite à une demi-heure de marche de chez lui et avec qui il partage un peu de temps, de café ou la piquette de sa treille.
C'est un jour comme les autres que ses souvenirs vont refaire surface.
D'abord à la fête du village, il revoit Gina, avec qui il a vécu dans le passé. Puis Laura, sa belle-fille le traque au téléphone pour lui annoncer que Valentin, le fils de Simon, son petit-fils donc, a mystérieusement disparu lors d'un séjour à Barcelone où il s'est rendu six mois plus tôt. Depuis plusieurs semaines maintenant elle n'a plus de nouvelles.
Laura qui s'est retranchée avec Valentin dans sa douleur d'avoir perdu Simon, laissant Ioan à la porte, ne lui a pas permis de connaître son petit-fils qu'il n'a pas revu depuis des années.
"On n'abolit pas les années de rupture et de ressentiment par un simple coup de fil."
Et pourtant Ioan, sur un coup de tête va partir pour Barcelone avec un simple sac à dos et dans la poche l'adresse d'une mystérieuse Cloé dont le numéro de téléphone ne répond pas.
Pour seule compagnie, Ioan aura la musique de Nick Cave en sourdine, la route et les souvenirs, qui remontent à la surface.
"Que cherche-t-il à réparer en s'embarquant à l'aveuglette pour cette capitale porteuse de valeurs ambiguës, l'art sur catalogue, le fric, les touristes, la faune des marginaux, les ruelles chargées d'embruns à odeur de noyé ?" se demande Ioan.
Pourquoi rechercher Valentin ? Il s'est éloigné de sa mère et c'est bien de son âge. C'est Laura qui n'a rien fait pour que petit-fils et grand-père se connaissent...
Du coeur historique de la ville aux squats bien cachés dans la banlieue, Ioan va remonter la piste laissée par Cloé et peu à peu se rapprocher de Valentin.
Mais en chemin c'est le passé qui ressurgit...et en particulier l'histoire familiale. Ioan va en apprendre davantage sur son propre père. Il va découvrir que toute vérité n'est pas toujours bonne à entendre et que "Ceux que l'on cherche ne sont pas forcément devant soi"...
Ioan rencontrera dans sa virée des personnes chaleureuses, passionnées et engagées, promptes à lui venir en aide comme Orwell, le catalan, Laia sur son fauteuil roulant et Palita, qui rénove les céramiques de la Sagrada familia, d'autres seront plus méfiantes...
Il se mêlera aux artistes de la ville, aux sans-papiers, aux anarchistes et autres révoltés idéalistes qui n'acceptent pas la crise et le monde injuste dans lequel ils sont obligés de vivre.
Il se fera voler son appareil photo, seul objet qui le rattache encore à son ancien métier et, ainsi dépouillé, il découvrira que sa venue à Barcelone, où il pensait passer incognito, a été précédée par une exposition de ses photos sur les lieux de guerre en ruine...exposition qui l'a mis à nu, comme le mettra à nu sa quête identitaire.
Mais chacun doit avoir la liberté de choisir son destin...
Ce que j'en pense
Je retrouve avec plaisir la plume poétique de l'auteur.
L'enfant des marges...c'est l'enfant de Beyrouth qui s'est retrouvé sur une photo à l'insu du photographe...c'est Simon, le fils disparu en mer...c'est Valentin qui s'est intégré dans un monde en marge de la société proposant une vision altermondialiste du monde...mais c'est aussi Ioan enfant, "en marge" de la réalité et des non-dits de sa vie familiale que le lecteur découvre peu à peu au cours du roman.
De Franck Pavloff je n'avais lu et relu, fait lire et relire et beaucoup offert autour de moi, que la nouvelle "Matin Brun" qui est toujours dans les rayons de ma bibliothèque depuis 15 ans et la plupart de ses romans pour la jeunesse, tous écrits avec beaucoup de sensibilité comme : "Le squat résiste"; "Menace sur la ville" ; "Pinguino" et bien d'autres. Je découvre aujourd'hui qu'il a aussi écrit pour les adultes et que j'aime. Il était temps !!
Ses descriptions de Barcelone sont très plaisantes et intéressantes pour ceux qui connaissent la ville et donneront envie d'y aller à ceux qui ne la connaissent pas. L'auteur nous fait entrer dans un monde "en marge", un monde grouillant de vie, avec ses propres codes où les jeunes se reconnaissent et se sentent bien. C'est sans nul doute ce qui a conquis Valentin...
La guerre civile espagnole est omniprésente dans l'histoire familiale et le jeune lecteur aura envie de se documenter si cette période de l'histoire lui est inconnue.
Voilà donc un roman intimiste dans lequel il faut se laisser aller pour l'apprécier vraiment. Il n'y a pas d'action et cela peut ne pas plaire à ceux qui n'aiment pas les rétrospectives, les histoires et les secret...
Moi j'ai aimé. D'autant plus que je sais que l'auteur parle de lui comme dans tous ses écrits.